Le président déchu irakien a affirmé assumer la responsabilité des décisions portant sa signature. Saddam Hussein était de nouveau hier devant le Haut tribunal pénal irakien (HTPI) pour la 18e séance du procès qui lui est intenté dans l'affaire du massacre de 148 villageois de Doujaïl. L'ancien président irakien se trouvait seul dans le box où il devait poursuivre une déposition entamée lors de la précédente séance de son jugement et répondre aux questions du procureur. Commencé le 19 octobre dernier, le procès de Saddam Hussein est en bonne voie d'exécution selon l'un des juges du HTPI. Selon le juge d'instruction Raëd Al-Jouhi, le procès «progresse» et a atteint «un stade avancé», a-t-il indiqué mardi, veille de la reprise du jugement. L'affaire de Doujaïl date de 1982 époque à laquelle la population a subi les représailles des forces de sécurité suite à une tentative d'assassinat de Saddam Hussein en visite dans ce village. C'est aussi, estime les observateurs, le moindre des crimes attribués au régime du Baas comparativement aux affaires de Halabja (plus de 5000 personnes on été gazées en 1985) et d'Anfal au Kurdistan, où un nettoyage ethnique aurait été commis à la fin des années 80. Selon diverses estimations, plus de 100.000 personnes auraient été tuées et plus de 3000 villages rasés. De fait, selon le juge d'instruction M.Al-Jouhi, «L'instruction a été bouclée dans l'affaire Anfal et les sept personnes accusées de génocide et de crimes contre l'humanité ont été déférées au tribunal». L'ancien homme fort de Baghdad sera ainsi jugé pour génocide et crime contre l'humanité dans l'affaire d'Anfal, mais entre-temps il encourt la peine de mort dans le procès en cours où il a à répondre de sa responsabilité dans les forfaits commis contre les villageois de Doujaïl. En effet, mardi, le Haut tribunal pénal irakien a annoncé que Saddam Hussein, son cousin Ali Hassan Al-Majid, dit «Ali le chimique», et cinq autres anciens responsables devraient répondre de l'une des vagues de répression contre les Kurdes les plus sanglantes de son régime, l'opération Anfal. Celle-ci menée à la fin des années 1980 et pour laquelle le président irakien déchu Saddam Hussein et six autres anciens responsables ont été accusés mardi de génocide, constitue en fait le point de non-retour dans l'hostilité que se vouaient le régime du Baas et les Kurdes. Dans leur rapport d'accusation les juges irakiens ont considéré que l'opération Anfal constitue un acte de génocide contre le peuple kurde, ce que dément le régime déchu selon lequel ce n'était là qu'une opération ordinaire de contre-insurrection en temps de guerre (référence à la guerre du Golfe, entre l'Irak et l'Iran, qui dura de 1980 à 1988). Pour ce qui est du procès en cours, d'emblée l'ancien président a assumé tous les documents portant son paraphe de même qu'il a déclaré qu'il ne récuserait pas les dépositions de ses anciens compagnons et co-accusés si ceux-ci sont amenés à témoigner contre lui, faisant à l'évidence référence au vice-président Taha Yassine Ramadane et son demi-frère Barzan Al-Takriti, ancien chef des renseignements. «Je me déclare responsable de tout document portant ma signature, une responsabilité totale et non partielle» a indiqué Saddam Hussein, concernant la destruction des vergers de Doujaïl. «Lorsqu'il s'agit de ma responsabilité légale et constitutionnelle, je relève la tête et proclame ma responsabilité, même si on doit me couper la tête» a-t-il affirmé. Toutefois, Saddam Hussein a refusé de donner sa signature aux enquêteurs afin d'authentifier les documents supposant l'impliquer dans l'affaire de Doujaïl indiquant «Pourquoi dois-je donner ma signature à des experts liés au ministère de l'Intérieur qui sont mes ennemis» et de souligner «Si vous voulez authentifier ma signature, il faut avoir recours à une partie neutre, une partie internationale». Le juge Raouf Rachid Abdel Rahmane, président du HTPI, a refusé de le suivre sur cette voie alors que le principal accusé contestait à nouveau la légitimité du tribunal et sa compétence à le juger. Le président déchu a fait par ailleurs observer au président du HTPI que «La justice ne peut être indépendante si le président (de la République) arrive au pouvoir à bord d'un char», référence sans équivoque aux actuels dirigeants installés au pouvoir grâce à l'invasion américano-britannique. Ce qui incita le juge Raouf Rashid Abdel Rahmane à tancer Saddam Hussein et de lui demander d'arrêter de faire de la ‘'politique''. Le procès, qui a été interrompu en milieu de matinée, a repris hier en début d'après-midi à Baghdad.