Des films étranges mais néanmoins inédits et rares ont été présentés vendredi dernier à un public toujours fidèle... L'association Chrysalide a fait fort vendredi dernier en proposant aux cinéphiles que nous sommes, une programmation bien étrange et singulière, à l'image des films projetés à la salle Frantz Fanon dans le cadre du ciné-club. En préambule, ce sont quatre courts métrages en noir et blanc du groupe Medvedkine qui ont été déroulés sous nos yeux. Une découverte. Il s'agit d'un cinéma militant et généreux, radioscopie d'une époque. Nous sommes en 1967, le réalisateur Chris Marker raconte dans son film A bientôt j'espère, une occupation d'usine par des ouvriers à la double revendication : sociale et culturelle. C'est du mai 68 en gestation. Seulement, les ouvriers de l'usine Rhodiceta ne sont pas contents du résultat du film et de l'image que l'on donne d'eux. Démarre alors l'expérience des groupes Medvedkine, du nom du réalisateur russe des années 30, Alexandre Medvedkine et de son ciné-train itinérant. Chris Marker va prêter caméras et outils de cinéma aux ouvriers. L'idée est lancée, cela donnera Classe de lutte, un film de 40 minutes où l'on suit la belle Suzanne Zadet, ouvrière chez Yema, une usine de textiles synthétiques à Besançon, en grève. Grève qui allait durer des semaines. Ainsi, naquit le groupe Medvedkine. Ici on découvre les aspirations de Suzanne, ses revendications, sa cause qu'elle défend bec et ongles, en dépit du retrait de salaire et de dégradation du statut. On découvre aussi une femme cultivée qui aime l'art et la littérature, qui pour elle, peut être compatible avec sa fonction de responsable du mouvement syndical. Un film très actuel, d'autant plus qu'avec la multiplication des grèves en France, sans oublier l'affaire récente du CPE, comme quoi, rien n'est acquis, rien n'est encore gagné et la lutte continue, sous une autre forme politique et autres outils idéologiques bien entendu... Poursuivant l'expérience, le 1er groupe Medvedkine ira jusqu'à faire un film pour l'un d'entre eux. Et c'est le second film projeté Sochaux, tourné le 11 juin 1968 (durée 20 minutes). Nous sommes à Peugeot-ville, dans l'usine. Ici même, il y a eu 2 morts, cent cinquante blessés. Les ouvriers racontent. Ils parlent des charges policières ou, dans d'autres films, de la souffrance au travail, de leur dû, leurs droits aux acomptes. Dans lettre à mon ami Pol Cèbe, le groupe Medvedkine réalise un film pour l'un d'entre eux, un militant de la CGT, responsable du Centre culturel populaire de Palente-les-Orchamps (Ccppo) à Besançon, bibliothécaire du comité d'entreprise de la Rhodiacéta, fou d'images, de littérature et de révolution.Le film lui-même est à l'image de ce personnage haut en couleur et en poésie. Autre film saisissant de beauté, cette fois-ci, c'est Les saisons de Artavatz Péléchian (durée 45 minutes). Un artiste arménien à découvrir de toute urgence nous dit-on! Son film raconte en noir et blanc aussi l'histoire de l'Arménie depuis les origines volcaniques, jusqu'à la période industrielle. Le film est ponctué d'images qui défilent dont certaines reviennent en boucle grâce à un montage fait à distance. l'auteur fait appel à la symbolique où l'on peut lire l'histoire des migrations du peuple arménien. Des scènes de transhumance et de brebis égarées avec leurs maîtres dans l'eau sont étonnement belles comme ces portraits de vieux et vieilles paysans qui se préparent à célébrer une fête de mariage traditionnel. Un long passage dans les flots ou sur la terre insuffle au film du rythme et de l'émotion toute désarmante devant de telles images qui racontent la rudesse de la vie et l'incroyable instinct de survie de l'homme dans la nature. Le dernier film en sélection -proposé par Myriam Ayaçaguer, monteuse, actuellement en Algérie, dans le cadre d'un stage en tant que formatrice en montage- est Touki Bouki réalisé par Djibril Diop Mambety. Conçu en 1973, le film met en scène l'histoire d'une jeunesse sénégalaise ou africaine partagée entre le rêve de s'installer en Europe, partir à Paname et la réalité d'un continent bouleversé par les conflits et la modernité. Une oeuvre, bien que le sujet reste d'actualité, pèche par un trop de lenteur et un excès d'images qui se veulent symboliques jusqu'à ennuyer le spectateur. Connu pour être réalisé avec peu de moyens, le film fait partie néanmoins de ces rares ouvertures sur le monde de l'Afrique telle qu'elle existe, par ses phantasmes et ses clichés. «Des images si étranges qu'elles ressemblent à rien, sinon à un véritable mélange entre Pierrot le fou, Bonnie and Clyde et Cocorico Monsieur Poulet. (...) Une histoire plus douloureuse que triste qui balance comme une chanson pop et s'achève en sanglots. Le premier film noir en couleur?» se demande Louis Skorecki. En effet, à ces incessantes images de vaches égorgées et ces écoulement de sang, on préférerait ces drôles de cocos de couples en errance au bord de la mer, à travers la ville, ou encore à faire les quatre cents coups en rêvassant à une vie meilleure... Mais que nous réserve encore Chrysalide? paraît-il des films autour de la peinture... Préparez alors vos pinceaux!