C'est un roman puissant, qui marquera sans doute la littérature algérienne d'expression amazighe, que vient de publier l'écrivaine Zohra Aoudia, PES de langue amazighe au lycée Abane Ramdane de Tizi Ouzou. «Tiziri» est le titre de ce roman paru aux éditions «Achab» cette semaine. Zohra Aoudia détient, sans doute, tous les atouts qui peuvent permettre à un auteur de signer un premier roman d'une telle profondeur et surtout d'une telle puissance littéraire. Il s'agit d'un livre inclassable car c'est à la fois un roman; mais aussi un poème, de bout en bout, le récit est fait d'une infinité d'expressions métaphoriques et d'images poétiques interminables et cohérentes dont l'auteure semble détenir seule le secret. Il y a aussi cette capacité de décrire avec des détails minutieux et parfois déconcertants des situations auxquelles beaucoup de lecteurs n'auraient même pas pensé une seule fois dans leur vie. Un roman déchirant C'est le cas de la première scène sur laquelle s'ouvre ce roman émouvant, voire déchirant. Il s'agit de la période où le personnage principal du roman, Tiziri, n'est même pas encore né et qu'il se trouve à l'état de foetus. La narratrice, Tiziri commence, en effet, à raconter sa vie avant même de naître. Et elle évoque le moment de sa naissance avec d'autres détails où le réel se mêle au symbolique pour offrir des paragraphes extrêmement attachants qui entraînent le lecteur de plain-pied dans un roman envoûtant à tous points de vue. La force de ce roman réside en outre dans la capacité de Zohra Aoudia de réussir la prouesse de dépeindre toutes les difficultés de la vie d'une femme en Algérie et plus particulièrement en Kabylie, dans un seul livre et autour d'un seul personnage. C'est dans ce sillage que ce roman revêt son importance et son originalité. Chaque phrase de ce roman est un vers et chaque paragraphe est un poème. Zohra Aoudia surfe ainsi inlassablement, du début jusqu'à la fin de son roman, entre deux genres différents sans, à aucun moment, qu'elle ne perde le fil de sa narration. Une richesse lexicale mise en exergue Parfois, elle interrompt cette dernière pour livrer un poème dans son intégralité pour faire passer un message qui lui tient à coeur. Une méthode qui sied à son style et qui ne fait que conférer plus de succulence au récit poignant que partage avec le lecteur Zohra Aoudia. La richesse lexicale de ce roman est également à mettre en exergue. Il ne s'agit pas, comme on pourrait le deviner, d'un livre truffé de néologismes pouvant le rendre complètement indigeste, voire incompréhensible. Non, Zohra Aoudia a puisé, avec savoir-faire, dans le kabyle ancien et authentique qu'elle semble manier à la perfection pour rendre son roman plus attractif et plus riche sur le plan linguistique. Ce qui attire l'attention dans le roman «Tiziri», c'est également la sincérité et le courage de l'auteure à ne rien maquiller concernant les vérités qu'elle assène à la face de la société. L'objectif de l'auteure consiste, sans doute, à secouer le lecteur. Parfois, on a l'impression que l'auteure veut même culpabiliser quelque part le lecteur d'une certaine complicité face aux injustices et aux brutalités que subit la femme dans la société, à tous les niveaux. Pour un premier roman, «Tiziri» est un véritable coup de maitre. Zohra Aoudia vient d'offrir le plus beau cadeau que l'on puisse donner à la littérature amazighe et aux férus de la lecture en cette fin d'année 2020 qui a été éprouvante pour l'ensemble de l'humanité à cause de la pandémie du Covid-19. Une chose est sûre, après avoir terminé la lecture de «Tiziri», une seule envie titillera le lecteur, c'est celle de le relire de nouveau.