Des hommes et des femmes de l'histoire ont exprimé leur refus à un tel projet. Mechati Mohamed, appelé à l'époque de la guerre de Libération nationale, Si Mansour ou Si Brahim, membre des 21 qui ont créé l'événement du déclenchement de la Révolution le 1er Novembre 1954, était présent à Constantine hier. Il était venu d'Alger exprimer son total soutien à la démarche de l'association «Défense du Vieux Rocher» et assister Me Benyahia, membre fondateur de cette dernière, pour contrer les partisans de la démolition du centre pénitentiaire d'El Koudia, le siège de la Gendarmerie nationale et qui projettent même d'atteindre le quartier des Genêts. L'Expression l'a rencontré lors d'une réunion tenue mardi au siège de l'association. Prenant la parole, Mechati Mohamed a exprimé son indignation quant à ce projet «aux visées politiques» le qualifiant de «crime contre l'histoire et le patrimoine national». Notre interlocuteur, qui est également vice-président de la fondation Boudiaf, s'est déplacé d'Alger pour réclamer une audience au chef de l'exécutif de Constantine, pour le sensibiliser quant à l'atteinte projetée contre un symbole de la Révolution, classé patrimoine national, depuis 1992. Il rappellera dans ce contexte, que la ville de Constantine âgée de 2500 ans, a été classée 5e dans le monde par l'ONU quant à son importance historique. Dans ce même chapitre, Me Benyahia soulignera que ce classement bien mérité est dû au mélange majestueux d'une architecture extraordinaire qui réunit plusieurs civilisations et auxquelles s'ajoute l'urbanisation coloniale ; ce qui a été absolument approuvé par Mechati Mohamed qui n'hésitera pas à dire que les intentions des destructeurs «est une ruse diabolique» Il enchaînera que «le président de la République, tous les ministres et des personnes influentes ont été saisis, une campagne de mobilisation est en cours, la situation est grave et on n'a pas le droit de rester les bras croisés, voir des ennemis de l'histoire détruire la trajectoire du passé du pays. Déjà que l'histoire est très difficile à écrire, voilà qu'aujourd'hui on veut carrément l'effacer, c'est scandaleux et c'est honteux». M. Mechati soulignera avec insistance que tous les hommes et femmes qui ont fait l'histoire de la guerre de Libération, des personnes du monde culturel, dont des artistes et des écrivains, des hommes et des femmes de l'histoire ont exprimé leur refus à un tel projet, le qualifiant de honteux. Il citera à titre d'exemples Ahlem Mosteghanemi (devant voir son oeuvre en films à Constantine, mais revient sur cette décision pour un désaccord avec le réalisateur), Rachid Boudjedra et Saâdi. Ajoutant à cela l'ex-maire de Constantine qui n'est autre que le fils de Boudjeriou. «Comment peut-on croire qu'on peut démolir une prison où fut exécuté un jeune de 19 ans et où le glorieux chahid Ben Boulaïd fut détenu ; n'est-ce pas qu'ici on veut blanchir la France de ses crimes». Des hommes de grande valeur n'auront jamais pris d'aussi ignobles risques. Pour Me Mechati et les membres de l'association, le drame survenu déjà à la vieille ville, où les autorités locales ont eu l'audace de démolir des constructions, est toujours un «scandale impardonnable», et à peine les esprits calmés après l'intervention de l'Etat pour l'arrêt des destructions, on veut à présent agir dans le pire. «Que cachent ces destructeurs?», se sont-ils interrogés. Que visent ces gens qui n'ont aucun respect pour la mémoire de l'histoire? C'est la question qui a mobilisé tous ces opposants à agir ensemble et faire appel à toutes les wilayas du pays pour un soutien. Ce fut également l'occasion lors de cette réunion de présenter des solutions adéquates, des solutions présentées à l'APW mais qui ont été refusées, comme par exemple déplacer le stade Benabdelmalek dont l'implantation n'a pas lieu d'être dans un centre-ville et le terrain pourrait être récupéré pour réaliser le tramway, quoique Constantine n'a pas besoin d'un tel projet. L'autre solution serait de faire sortir les administrations concentrées dans le centre-ville. En tout état de cause, les solutions existent, mais certains s'obstinent à vouloir démolir au lieu de construire, ce qui coûtera plus cher à l'Etat. La question de la construction d'un hôtel trois étoiles aussi a été posée et là aussi pour la réalisation de ce projet, il va falloir se passer d'un jardin public, dit le jardin des Zaoualias. De l'avis des experts, techniquement, ces projets sont cause vaine, ils ne peuvent être réalisés au point de vue architectural. Notons également que l'expérience de la réalisation des deux nouvelles villes de Ali Mendjeli et Massinissa sont un total échec, des villes construites dans l'anarchie et sans accompagnement, le résultat on l'a bien vu avec la concentration de la population en plein coeur de Constantine pour le moindre papier. Au terme de cette rencontre, les animateurs ont noté que ce n'était pas une question de modernisation de la ville mais là, on veut la démolir, la partager et effacer tout ce qui représente un symbole sur le plan de l'histoire.