Il est arrivé à notre ministre de l'Industrie, Braham Ferhat Aït Ali, comme à ce randonneur à la fois amateur et distrait engagé dans la vase d'un chott: plus il essaie de s'extraire, plus il s'enlise. La plainte qu'il a déposée contre le président de l'Association des concessionnaires automobiles multimarques (Acam), Youcef Nebbache, pour «diffamation et atteinte à la Sécurité nationale», a été son dernier faux pas en date. Youcef Nebbache comparaîtra, jeudi prochain en citation directe, devant le tribunal de Bir Mourad Raïs, à Alger. «Si Nebbache en tant qu'expert et président de l'Acam ne peut pas émettre un avis et critiquer la politique du ministre en matière d'industrie automobile, qui peut le faire à sa place?» a déclaré l'avocat. Durant les années précédentes, avant le Mouvement populaire du 22 février 2019, lorsque Ferhat Aït Ali se présentait comme un expert financier et économique, il faisait des critiques très acerbes sur les politiques publiques, notamment industrielles. Il n'a jamais été attaqué en justice par qui que ce soit. Piqué à vif, le ministre de l'Industrie succombe à ses émotions et prête docilement le flanc en donnant rendez-vous à la presse dans un Palais de justice. Comme si le gouvernement n'a pas d'autres chats à fouetter que de s'attirer encore les foudres des médias «affamés» en ces temps de disette politique. Quelle que soit son issue, cette action en justice est un départage. Si Aït Ali gagne le procès, il mettra en difficulté le Premier ministre, Abdelaziz Djerad qui n'est autre que son chef hiérarchique. Lors du Conseil du gouvernement de mercredi dernier, Djerad a publiquement exprimé son mécontentement sur le dossier de l'importation de véhicules neufs et a instruit son ministre de l'Industrie «d'accélérer le rythme de traitement des dossiers introduits au niveau du Comité technique placé auprès de son secteur», cela d'une part d'autre part, le Premier ministre a insisté sur «l'exigence de transparence dans ce domaine». Ce manque de transparence est justement l'objet de son litige avec le président de l'Association des concessionnaires automobiles multimarques. Ainsi et au cas où le juge donne raison au ministre de l'Industrie, on sera alors devant un paradoxe tel que le patron de l'Exécutif aura été déjugé sans qu'il le sache. À l'injonction franche et directe du Premier ministre, Aït Ali continue à camper sur ses positions en ce qui concerne la question de la «transparence». Il a brandi le bouclier des «dispositions légales», qui, à ses yeux ne permettent pas de révéler l'identité des futurs concessionnaires. «Le ministère n'a pas vocation à rendre publics les noms des candidats ayant obtenu les récépissés pour exercer l'activité d'importation de véhicules. «Cette tâche incombe à eux seuls. Nous ne sommes pas là pour satisfaire la curiosité des uns et des autres», a-t-il articulé. Où est le rôle de l'industrie, dans l'importation des véhicules de l'étranger puis les vendre en Algérie? Il s‘agit là d'un acte purement commercial et dans ce cas il relève du département du commerce. Mais faisons l'hypothèse charitable qu'il s'agit.... d'une industrie automobile. Supposons alors que Aït Ali perde son procès jeudi prochain, il va tout simplement s'enliser. Il va donner plus d'ampleur aux spéculations, aux passe-droits et au manque flagrant de transparence dans la gestion des affaires de l'Etat. Il court en effet, le risque d'une levée de boucliers qui va éclabousser le gouvernement. Déjà que ce dernier a fort à faire avec la gestion de la pandémie et une situation économique catastrophique. La plainte qu'il a déposée contre Youcef Nebbache pour diffamation pouvait aussi s'appliquer sur lui-même. Rappelons-nous des critiques acerbes, sans concession, de Ferhat Aït Ali sur le plateau de télévision où il était invité en tant qu'expert financier.