La population sera-t-elle au rendez-vous? Cette question mérite d'être posée. La région de Kabylie s'apprête à commémorer à partir d'aujourd'hui le double anniversaire du Printemps noir et du Printemps amazigh dans une ambiance marquée, certes, par la sérénité mais aussi un espoir grandissant quant aux lendemains meilleurs. Encore une fois, la division des rangs sera au rendez-vous. Ce qui n'est pas pour plaire à la population. Le programme, tracé par la tendance qui inspire encore confiance chez le simple citoyen, est d'une richesse incontestable. Hier, une délégation de la Cicb s'est jointe à la délégation de l'interwilayas à Tizi Ouzou pour se recueillir sur la tombe du défunt Massinissa Guermah. Depuis le lancement du programme commémoratif, pas moins de quatre conférences ont été animées par les animateurs les plus en vue pour expliquer la portée de ce double anniversaire mais aussi pour présenter le bilan du dialogue qui reprendra le 25 avril à Béjaïa. Presque autant d'actions sont à mettre sur le compte de la Cadc de Tizi Ouzou et la coordination de Bouira. Cette tendance, en pourparlers avec les pouvoirs publics et qui est suivie de près par la population, reviendra à la charge aujourd'hui à Sidi Aïch, à travers une succession d'actions auxquelles prendront part les lycéens. La Cicb entend marquer ce double anniversaire d'une empreinte indélébile à travers l'érection d'un buste de feu Mouloud Mammeri sur la place publique jouxtant la salle des fêtes Youcef-Abdjaoui de Sidi-Aïch. Une stèle érigée en hommage à ce pionnier de la revendication amazighe et qui se veut également, selon ses initiateurs, un hommage à tous les militants de l'amazighité et de la démocratie et aussi «un message aux générations futures pour perpétuer et fructifier le combat de cette figure emblématique en faveur de la citoyenneté». L'inauguration se fera au terme d'une marche populaire qui s'ébranlera de la place Mohamed-Boudiaf, succédant au rassemblement populaire sur le même lieu à 10h à l'appel de la structure de la Cicb. Dans l'après-midi de la même journée de mercredi, Abdennour Abdesselam y animera une conférence-débat sous le thème «Mouloud Mammeri : un parcours, un combat pour la citoyenneté». Demain, 20 avril, la Cicb organisera une marche populaire au chef-lieu de wilaya qui sera sanctionnée par le baptême de la place Edimco du nom Printemps noir. A Tizi Ouzou, la Cadc se contente d'un rassemblement populaire. Le MCB, tendance Mouloud Lounaouci, organise une marche populaire avec la coordination locale des étudiants. Mais à Béjaïa, les antidialoguistes comptent être de la partie organisant aujourd'hui une marche au chef-lieu. Parallèlement, la ville d'Akbou sera occupée par un groupe de militants de la cause amazighe parmi lesquels figurent notamment le chanteur engagé et porte-parole du MAK, Ferhat M'henni, l'écrivain Younès Adli, Bachir Aït Ahmed et plusieurs délégués des archs à l'instar de Idir At Mamar appelant à une marche populaire, qui s'inscrit, selon les signataires d'un document rendu public récemment, dans une dynamique unitaire dans le respect de la mémoire collective de la région et se veut porteuse d'espoir. Cette manifestation s'ébranlera du lycée Mohamed Haroune vers la place Colonel-Amirouche. «Une nouvelle approche politique consensuelle et unitaire, la refondation de l'Etat national, la reconnaissance officielle de la langue», autant d'objectifs assignés à cette manifestation. A Bouira, qui a déjà connu un meeting à l'actif de la coordination locale, sera concernée par une marche populaire. Tout ceci sur fond d'appel à la grève générale demain jeudi à travers toutes les localités. Bref, un programme commémoratif qui ne diffère pas trop des précédentes années mais qui suscite des interrogations de taille notamment en ce qui concerne la mobilisation. La population sera-t-elle au rendez-vous? Cette question mérite d'être posée si on considère le peu d'acquis enregistrés jusque-là, comparé aux sacrifices consentis. L'appréciation citoyenne, quant à la situation prévalant dans la région durant quelques années, reste des plus sceptiques. Au delà de la division, qui fait office, encore une fois, dans les rangs des acteurs politiques, il y a lieu de noter la déception citoyenne induite par la non-satisfaction des attentes exprimées maintes fois. Face aux lourds tributs payés, force est de constater que rien n'est venu atténuer un tant soit peu les souffrances des populations qui s'illustrent à travers un chômage galopant en dépit des sommes colossales dégagées par les pouvoirs publics, la détresse qui s'exprime aussi par les nombreux cas de suicide. Un tableau peu reluisant. Si la population avait adhéré sans préalable aux actions menées depuis 2001 sous une façade d'unité, aujourd'hui l'impression qui se dégage se résume à un désintérêt total, loin d'être surprenant pour les plus avertis. La vie quotidienne en Kabylie n'a que très peu évolué ces dernières années. Avec des gestionnaires peu compétents, les citoyens ont sombré dans la désillusion face au constat de la persistance de la paralysie des secteurs de l'emploi, l'investissement et la culture. Les efforts de l'Etat sont minés par ses démembrements locaux qui, face à la bureaucratie ambiante, donnent l'impression d'être loin des préoccupations des citoyens. Les lenteurs administratives touchent tous les secteurs. Voici, en gros, le climat dans lequel intervient ce double anniversaire.