«Quelques-uns d'entre nous» est le titre d'un film de 70 minutes de Clara Bouffartigue qui sera projeté le 27 avril à la filmothèque Mohamed-Zinet. La réalisatrice y a fixé Alger et ses regards. Une rencontre avec des gens comme autant d'explorations de la ville et ses bruits qui témoignent de sa grouillante vie. Elle y rencontre Malek Boughanem, Samia son épouse puis Ghislaine Voguet et Mohamed Benlamara. A mesure que les portraits se croisent, elle découvre la ville qui comme un corps les enveloppe. Clara Bouffartigue filme ses ruelles, ses badauds, ses femmes et hommes qui circulent, sa mer silencieuse ou le vacarme sourd de ses quartiers, ses marchés, la capitale, son ciel et ses paysages... Débarquée à Alger en l'an 2000, c'est le coup de foudre pour la jeune réalisatrice. «Ce fut pour moi une rencontre extrêmement forte, de celles qui ne s'oublient pas. Incontournable.» Et de confier: «Lorsqu'on entreprend un voyage, on est toujours porté, à travers la rencontre avec l'autre par une quête de soi. Mais jusque-là, jamais rencontre n'avait été, pour moi, aussi intime. L'Algérie est un pays qui, contre toute attente, m'a fait du bien. Parce qu'un pays c'est avant tout ses gens et que les personnes que j y ai rencontrées, ont fait renaître en moi une quête d'humanité à laquelle, comme beaucoup d'autres autour de moi, j'avais presque renoncée.» Clara Bouffartigue fait ce constat surprenant: «Paradoxalement, j'ai vite constaté qu'il était bien improbable que ceux que je rencontrais si différents les uns des autres, se fréquentent un jour. Mais ces différences qui fragmentent la société algérienne, bien qu'elles me soient étrangères, m'ont finalement renvoyée à ce sentiment familier et douloureux à la fois, de la difficulté à faire l'unité en soi et donc à trouver sa place parmi les autres .Et il m'est soudain apparu qu'il y avait, à Alger, beaucoup à montrer en réunissant ces identités multiples et en les confrontant: essayer d'interroger sans répondre sur ce qui les unit.» Est-ce à dire que Clara Bouffartigue s'est employée à filmer les contradictions qui nourrissent notre société et en fait sa particularité? En effet, filmer la société algérienne c'est filmer autant de personnalités différentes, de visions, de rêves, de modes de vie... qui s'entrechoquent, cohabitent, parfois se heurtent et parfois dialoguent entres elles ou pas... Après le workshop de Katia Kameli et ses cinq courts métrages sur la réalité en Algérie, justement, voilà un autre travail qui mérite qu'on s'y attarde pour se mirer dans son miroir, en n'ayant pas peur de se voir tel qu'on est. Fragile et fort à la fois! Pour le besoin du film, Clara Bouffartigue enregistre des entretiens sonores. Elle choisit de filmer l'écoute, pas la parole. «J'ai filmé chacune des personnes, en les suivant dans leurs activités ou en procédant à des mises en situation que nous avons décidées ensemble. J'ai laissé à chacune la liberté de se mettre en scène. Je les ai accompagnées dans cette démarche en restant à leurs côtés et en essayant de les filmer au plus juste. Par conséquent, c'est au montage que s'exprime délibérément mon écoute dans la mise en rapport de leurs témoignages avec les images que j'ai filmées» explique encore la réalisatrice. Pour elle, Quelques-uns d'entre nous n'est pas un film militant. Il offre au spectateur un autre regard sur l'Algérie que celui qu'on adresse trop souvent. Il ne donne pas de réponses mais propose au spectateur de prendre sa place et de se positionner en tant que citoyen et en tant que personne. Clara Bouffartigue, faut-il le noter par ailleurs, possède dans sa filmographie en tant qu'assistante monteuse les films, Les yeux bandés de Thomas Lilti, Le Démon de midi de Marie-Pascale Osterrieth, L'Un reste l'autre part de Claude Berri, Comme une image de Agnès Jaoui, Son frère de Patrice Cherreau, Kai de George Ziga, Une vie à t'attendre de Thierry Klifa et Process de Christian Leigh.