«Yenna-yas Cheikh Mohand» ou «Cheikh Mohand a dit» est le titre du livre publié, à titre posthume, par l'écrivain et chercheur en littérature et linguistique berbère Mouloud Mammeri et consacré à cet immense poète kabyle qui est considéré, aujourd'hui, comme l'un des plus grands poètes de sa génération, voire de tous les temps. Poèmes en leçon de vie Le choix de Mouloud Mammeri est loin d'être fortuit car il a écrit ce livre à la fin de sa vie après avoir publié quatre romans et tous les autres travaux sur les poètes kabyles anciens ainsi que sa grammaire de langue amazighe. Mouloud Mammeri a mesuré à sa juste valeur l'oeuvre poétique de Cheikh Mohand Ou Lhocine et c'est la raison pour laquelle il a voué plusieurs années de sa vie à collecter, traduire et analyser les poèmes de Cheikh Mohand menacés de disparition. Aujourd'hui encore, ce dernier occupe une place prépondérante dans la littérature amazighe dans le genre poétique. Plusieurs livres ont été écrits et publiés sur Cheikh Mohand ainsi que des recherches universitaires et des thèses. En plus du livre que lui a consacré Mouloud Mammeri et qui représente une référence incontournable en la matière, de nombreux autres ouvrages de valeur ont été écrits sur Cheikh Mohand par, notamment: Boualem Rabia, Abdennour Abdesselam, Hamid Mezaoui, Mohand Ou Ramdane Larab, Mohamed Ghobrini, Hamza Benaissa... De nombreuses études et analyses sur Cheikh Mohand ont aussi été publiées dans des revues et des ouvrages collectifs à l'instar de celle de Kamel Bouamara dans le livre «Hommes et femmes de Kabylie» ainsi que dans le «Dictionnaire de la culture berbère de Kabylie» de Camille Lacoste-Dujardin, entre autres. Cheikh Mohand Oulhocine a vécu à la même époque qu'un autre géant de la poésie kabyle ancienne, en l'occurrence Si Mohand Ou Mhand. Cheikh Mohand est né en 1836 et il est décédé en 1901 dans le village Taka Nath Yahia, près de Ain El Hammam. Contrairement à Si Mohand Ou Mhand, la poésie de Cheikh Mohand est foncièrement d'essence religieuse et elle est grandement empreinte de sagesse. L'influence religieuse qu'a subie Cheikh Mohand est pour beaucoup dans ce choix de thèmes. Une bonne partie de ses poèmes et de ses vers représente des leçons de vie, des conseils pour le règlement des conflits sociaux ainsi que des maximes de sagesse, devenus au fil du temps des citations fréquemment employées dans les discussions pour illustrer des situations données. Des citations en chansons Ces citations ont été également chantées par plusieurs chanteurs dont certains croyaient qu'il s'agissait de proverbes kabyles alors que ce sont en réalité des extraits de poèmes du même Cheikh Mohand. La formation religieuse de Cheikh Mohand constitue la base sur laquelle est bâti l'ensemble de son oeuvre poétique. Son oncle maternel, Sidi Tayeb a été son premier maître, mais il en aura plusieurs autres, plus tard, à l'image de Cheikh Chrif d'Iflissen, Sidi Hend Aoudia d'At Zellal, Sidi Hend Outayeb d'Ath Laziz, Sidi Slimane El Hadj d'Ath Yanni, etc. Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, toute la formation et toute l'oeuvre de Cheikh Mohand a été orale et aucun écrit n'a été laissé par lui. Cheikh Mohand a marqué énormément la population de la Kabylie par sa sagesse et par sa poésie. Il était d'ailleurs tout simplement vénéré pour sa clairvoyance légendaire et de nombreuses anecdotes à ce propos sont racontées dans les ouvrages qui lui sont consacrés. L'un des épisodes de la vie de Cheikh Mohand a été sa rencontre célèbre et légendaire avec Si Mohand Ou Mhand. Une rencontre qualifiée de dialogue de géants par les auteurs qui s'y sont penchés. Cheikh Mohand a été et demeure une grande école de sagesse. Un grand poète dont l'oeuvre n'a pris aucune ride malgré les bouleversements profonds que traverse notre société. Toute situation vécue, aujourd'hui, pourrait être illustrée parfaitement par plusieurs vers de Cheikh Mohand. Comme quoi sa poésie est immortelle et intemporelle.