Kherrata, capitale du Hirak. C'était incontestable. La démonstration a eu lieu, hier, avec cette foule importante venue des différentes régions du pays, illustrant ainsi l'union de tout un peuple, malgré les multiples tentatives de division par des entités qui tentent d'avoir la mainmise sur un Mouvement populaire qui aspire à un changement radical du mode de gouvernance du pays et pour le bien-être de tous. Les milliers de manifestants qui se sont déplacés pour rendre hommage à la population de Kherrata qui a eu le mérite d'ouvrir la voie à une lutte pacifique, en donnant le coup d'envoi, un certain 16 février 2019, l'ont bien compris. Ils ont tout fait pour maintenir le caractère pacifique du Mouvement populaire qui a «réveillé» le pays et allumé la mèche de la fronde qui a gagné, la semaine d'après, toute l'Algérie. Aucun slogan partisan, encore moins de pancartes partisanes. Tout était prévu pour garder ce caractère pacifique du mouvement. Les tentatives de groupes se revendiquant de Rachad ou proches de l'activiste Amir DZ ont été priés de taire leurs slogans. Samir Belarbi n'est pas sorti de la marche. Les manifestants, qui ont défilé, hier à Kherrata, à l'occasion du 2e anniversaire du mouvement contre la candidature à un cinquième mandat de l'ex-président Abdelaziz Bouteflika, se souviennent de ce Hirak, qui avait abouti à la démission, le 2 avril, de l'ancien président de la République. Il est 9h. Le grand espace jouxtant le marché communal de la ville de Kherrata était déjà noir de monde. Des centaines de personnes affluaient dans les deux sens. De loin, on pouvait apercevoir des drapeaux multiples flottant au-dessus des têtes: l'emblème national, et le drapeau identitaire. Plus on se rapproche, plus les portraits des détenus d'opinion deviennent visibles. C'est l'Algérie plurielle, soucieuse de son avenir qui s'est donné rendez-vous sur cette place qui portait, depuis une année le nom de place de la Liberté, 16 février 2019. Près de la stèle, trônait le portrait du moudjahid Lakhdar Bouregaâ comme pour rappeler que c'était lui qui avait procédé à son inaugurationn le 26 février 2020. Tout autour, on se bousculait pour une photo souvenir. Au fil des minutes, la ville se remplit par ses deux portes. La veille, des groupes de jeunes ont rallié la ville à pied, à partir de Béjaïa. D'autres sont venus de Sétif. Ils ont passé, pour certains, la nuit dans les véhicules. Les chants du Mouvement populaire et les slogans habituels du Hirak ont commencé à être entonnés depuis le petit matin, raconte Aâmi Salah, un commerçant du coin. Ce n'est que vers 11h que la procession s'ébranle sur un parcours de près de deux kilomètres, à travers les deux rives de l'oued qui traverse la ville. Les manifestants ont scandé des slogans hostiles au pouvoir, le tout sous le regard vigilant d'un service de sécurité très discret. De nombreux anciens détenus comme Karim Tabbou, Fodil Boumala et Khaled Tazagharth ont pris part à cette manifestation. Tabbou était particulièrement entouré. Kherrata l'estime bien, selon certains avis. Dans la foule, on distingue également tous les activistes du mouvement. Des universitaires, des acteurs de la société civile et des hommes politiques ont répondu présent. Ils sont remarqués par les foules de militants qui les entouraient. Mohcine Belabbas, du RCD, conduisait un carré de militants et de cadres de son parti. Fathi Gharis attirait l'attention en accordant une interview à un média. Bouchachi en faisait autant un peu plus loin. Zoubida Assoul discutait avec les citoyens. Saïd Salhi, de la Laddh se tenait à quelques pas avec un groupe de citoyen. Le FFS était le grand absent si ce n'est sa base militante qui tenait, comme tous les manifestants à scander, tout au long du parcours, des slogans en faveur des autres détenus, revendiquant leur libération: «Libérez les détenus!» Des portraits de Nekkaz et d'autres détenus sont brandis. «Nous sommes venus manifester et pas pour fêter», rappelle-t-on sur une des banderoles. «Le peuple est déterminé à poursuivre sa révolution jusqu'à la satisfaction de ses revendications», s'écrie Nabil Hidri, un activiste du Hirak, à Kherrata. «Nous voulons le changement radical du système, un Etat de droit et de démocratie fidèle aux principes de la Soummam», renchérit un autre activiste. De l'avis général, la célébration de ce deuxième anniversaire était une réussite tant sur le plan organisationnel que sur celui des messages délivrés.