Un autre pas exprimant une volonté d'atténuer les blessures entre l'Algérie et la France. Le président Emmanuel Macron a reconnu, hier, «au nom de la France», que l'avocat et militant pour l'indépendance de l'Algérie, Ali Boumendjel, a été «torturé et assassiné» par l'armée française pendant la guerre d'Algérie en 1957, a annoncé l'Elysée dans un communiqué. Ce meurtre a été maquillé en suicide à l'époque. C'est le président Macron lui-même qui a annoncé cette reconnaissance aux petits-enfants d'Ali Boumendjel en les recevant, hier, à l'Elysée. «Aujourd'hui, (hier, Ndlr) le président de la République a reçu au Palais de l'Elysée quatre des petits-enfants d'Ali Boumendjel pour leur dire, au nom de la France, ce que Malika Boumendjel aurait voulu entendre: Ali Boumendjel ne s'est pas suicidé. Il a été torturé puis assassiné», ajoute la Présidence française. «Il leur a également dit sa volonté de poursuivre le travail engagé depuis plusieurs années pour recueillir les témoignages, encourager le travail des historiens par l'ouverture des archives, afin de donner à toutes les familles des disparus, des deux côtés de la Méditerranée, les moyens de connaître la vérité.» L'action fait partie des gestes d'apaisement recommandés par l'historien Benjamin Stora dans son rapport sur la colonisation et la guerre d'Algérie dans lequel il préconise une politique «des petits pas». Une démarche adoptée d'ailleurs, par Macron bien avant son accession à la présidence de la République. En visite à Alger en 2017, alors qu'il était candidat favori à la succession de François Hollande, Macron a défrayé la chronique par un «message» historique qui a esquissé une page nouvelle des relations algéro-françaises. «Je pense qu'il est inadmissible de faire la glorification de la colonisation. J'ai toujours condamné la colonisation comme un acte de barbarie. La colonisation fait partie de l'histoire française. C'est un crime contre l'humanité», a déclaré Emmanuel Macron, dans une interview accordée à la chaîne privée Echourouk News. Les propos avaient causé un séisme au sein de la classe politique française notamment dans le camp d'une extrême droite réfractaire à toute idée d'apaisement. Cela n'a pas empêché Macron de conquérir le Palais de l'Elysée. Il récidive en janvier 2020 quand il a établi un parallèle entre la guerre d'Algérie et la reconnaissance par Jacques Chirac en 1995 de la responsabilité de la France dans la déportation des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans l'avion qui le ramenait d'Israël, où il participait à la commémoration du 75e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, Macron s'est dit convaincu que la France devait revisiter la mémoire de la guerre d'Algérie (1954-1962) pour mettre un terme au «conflit mémoriel» qui «rend la chose très dure en France». Comme à chaque fois, un flot d'attaques d'une rare violence venant des nostalgiques de l'Algérie française accompagne les déclarations de Macron qui reste, jusque-là, le seul président français à aller loin dans les propos et les gestes sur le dossier mémoriel. Quelles que soient le degré de leur violence et la qualité de leurs auteurs, ces attaques ne freineront pas l'élan des deux présidents décidés à aller de l'avant dans ce dossier mémoriel. En revanche, ils font face à un ennemi redoutable: le temps. Si rien n'est entamé durant les 6 prochains mois, la partie risque d'être compromise, car passé le mois de septembre, il sera très difficile d'entamer une quelconque démarche. Tous les regards seront braqués sur l'élection présidentielle de mai 2022 en France et dont l'issue reste incertaine. Il n'est pas dit qu'un nouveau locataire de l'Elysée autre que Macron poursuive avec le même engagement le dossier mémoriel.