La pression internationale s'est accentuée sur Khartoum qui a donné son accord au plan de paix de l'UA pour le Darfour. Si effectivement, le gouvernement soudanais a fini par donner son aval au plan de paix de l'Union africaine pour le Darfour, il reste encore à convaincre les rébellions des deux mouvements qui se battent au Darfour -le Mouvement/Armée de libération du Soudan (SLM/A) et le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM)- d'en faire autant. La réunion hier à Abuja de la médiation internationale avait pour objet d'amener, entre autres, le SLM/A et le JEM à accepter le texte produit par des experts de l'Union africaine, texte qui, selon ses auteurs, prend en charge l'ensemble des problèmes et revendications formulés par les uns et les autres. Toutefois, les deux mouvements se sont montrés peu satisfaits d'un document qui ne prend pas suffisamment en compte, selon eux, leurs doléances, comme leur exigence d'un poste de vice-président et les modalités de partage du pouvoir et des richesses ainsi que leur réclamation de compensations pour les populations victimes des violences des milices janjawides, pro-gouvernementales, qui ne seraient pas sérieusement prises en charge selon les rebelles. Ceux-ci regrettent également que le point sur le désarmement des milices ne soit pas très clair. L'Union africaine, qui a remis le 23 avril dernier son plan de paix aux parties belligérantes, leur avait donné jusqu'au 30 avril pour rendre leur réponse. Si Khartoum a donné la sienne le 29 avril, en acceptant le plan sus-cité, il n'en a pas été de même en ce qui concerne le SLM/A et le JEM qui réclament plus de garanties. Réunis hier à Abuja, plusieurs représentants de l'Union africaine et de la communauté internationale -parmi lesquels les Etats-Unis (représentés par le numéro deux du département d'Etat Robert Zoellick) la France, la Grande-Bretagne, le Canada, la Libye et l'Erythrée notamment- tentaient de trouver un modus-vivendi entre les différentes parties et surtout amener les deux mouvements combattants du Darfour à plus de souplesse. Notons que le président en exercice de l'UA, Denis Sassou N'Guesso, et celui de la commission de l'UA, Alpha Oumar Konaré, étaient également présents à Abuja afin d'appuyer les efforts de la médiation. Le SLM/A et le JEM qui ont bénéficié de plusieurs jours supplémentaires pour se déterminer, ont jusqu'à aujourd'hui minuit pour donner leur réponse. Selon le porte-parole de l'Union africaine, Noureddine Mezni, «cette réunion vise à s'assurer que toutes les parties signent l'accord de paix, présenté par la médiation le 23 avril mais toujours rejeté par les deux mouvements rebelles». Le représentant du JEM, Ahmed Hussaïn, estimait que la nouvelle prolongation (accordée aux rebelles) «nous donne l'espoir que nous pouvons encore obtenir des concessions du gouvernement soudanais et de l'UA sur nos demandes » ajoutant « nous espérons que davantage de pression va être exercée sur eux». Toutefois, ce n'est guère l'avis du représentant de Khartoum, Abdulrahman Zuma, selon lequel «de nouvelles négociations ne sont pas possibles. Pour nous c'est terminé. Nous avons déjà signé l'accord la nuit dernière. Il ne peut donc plus y avoir de pressions sur nous puisque nous avons signé» et le chef de la délégation soudanaise, Magzoub Al Khalifa d'enfoncer le clou: «C'est maintenant aux mouvements (rebelles) d'utiliser la prolongation pour se faire une opinion et signer l'accord ». Mais, sur Khartoum, il y a toujours des pressions de la part des Etats-Unis, qui espèrent bien arriver à convaincre de la nécessité d'un déploiement d'une force de l'ONU au Darfour. C'est dire que les engagements du gouvernement soudanais à travailler avec la médiation de l'UA et la communauté internationale n'ont pas totalement persuadé Washington quant à la sincérité de Khartoum de coopérer à une solution pacifique de la crise du Darfour. Les Etats-Unis avaient par le passé, comme ils le soutiennent encore, accusé Khartoum et les milices janjawides, de «génocide contre la population locale» du Darfour. En envoyant le numéro deux du département d'Etat, Robert Zoellick, à Abuja, Washington veut peser de tout son poids pour arracher un accord définitif à toutes les parties. De fait, lundi, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, indiquait qu'il fallait «secouer le cocotier» pour déployer une force de l'ONU au Darfour. Ce qui laisse sous-entendre qu'un accord resterait insuffisant, quand l'objectif de Washington a été, et demeure, le déploiement d'une force internationale sous l'égide de l'ONU dans la province soudanaise du Darfour. De fait, dans l'entretien téléphonique qu'il eut mardi avec son homologue soudanais, le président Bush a, selon le porte-parole de la Maison-Blanche, Scott McClellan, signifié «très clairement» au président Omar Al-Béchir qu'il devait «collaborer avec les groupes rebelles au Darfour en vue d'un accord de paix». Washington maintient ainsi la pression sur Khartoum au moment où les réticences des mouvements rebelles à signer le plan de paix de l'UA risquent de faire avorter les efforts consentis jusqu'alors pour rétablir la sécurité et la stabilité dans cette province du Soudan.