La nouvelle est tombée tel un couperet. Triste certes, mais qui, aussitôt, a permis de redonner de l'espoir à celle qui a choisi de prendre le taureau par les cornes pour avancer au lieu de se lamenter sur son sort. Des galeries qui ferment il y en a, mais combien vont-elles ouvrir derrière? Et surtout a-t-elles suffisamment de galeries d'art pour pouvoir minimiser un tel évènement? Une galerie d'art qui ferme c'est comme une bibliothèque qui brûle et c'est la culture comme toujours qui en pâtit. Pourtant, arrivée timidement il y a à peine deux ans, l'espace Ifru Design, puisque c'est de lui dont il s'agit, a peiné pour démarrer. L'on se souvient des débuts timides de cette galerie. Pour autant, sa propriétaire a su résister contre vents et marrés et faire fi non seulement des mauvaises langues mais aussi à l'arrivée de la pandémie du coronavirus et réussi au final à s'imposer sur la scène culturelle. Grâce au travail continu et acharné de sa propriétaire, qui a plus d'un tour dans son sac, Amal Bara Gasmi, se renouvelle à chaque fois. Cette passionnée d'art et de vie a décidé de nous confier spontanément sa mésaventure qu'elle a choisi de sublimer en détournant les obstacles et les contraintes presque à son avantage pour s'adapter à la situation et intégrer pleinement ce que l'on appelle la notion de contemporanéité en changeant son fusil d'épaule. Changer de ligne éditoriale ou presque tout en restant fidèle à ses principes et idéaux. Elle révèle: «J'ai quitté un espace. Ce n'est pas lui qui m'a chassé. Car c'est l'art qui donne la valeur à l'espace. Aujourd'hui les temps sont durs, alors j'ai décidé de muter, c'est un défi que je prends. Ma galerie est devenue nomade.» Se battre et se régénérer Et de confier: «Dans le siècle du contemporain où tout le monde parle du contemporain, à l'étranger on a déjà intégré ce concept qui ne se limite pas à l'objet, mais cela consiste à sortir de ses parois et aller vers son bien-être, il s'agit de transmettre et partager son bien-être à travers la création artistique dans l'urbain, dans la cité, la ville. Aujourd'hui je suis une galeriste ambulante. Je suis libre, j'ai décidé de partager l'art avec les autres, sillonner le territoire algérien. Je vais vers le public.». Et de renchérir: «Quand j'avais la galerie, des jours passaient et la galerie était fermée, c'était vide comme un espace mortifière. Aujourd'hui j'ai décidé d'aller vers les gens, vers les restaurants, les industriels, organiser des expositions dans des usines, dans des garages, dans des parcs, n' importe où. Pour dire que l'art est partout. Aussi, les collectionneurs sont peu. Ils n'achètent pas tout le temps...Je compte aller vers le public pour le sensibiliser aussi... si le marché de l'art est né, c'est bien, il faut le structurer. Et pour le structurer, il faut aussi instruire le peuple. Pour ce faire, il faut aller vers le public et ne pas attendre tout le temps qu'il vienne. Dynamiser par exemple les musées qui sont vides et s'apparentent souvent à des cimetières.»Plus que jamais, pour Amel Bara Kasmi: «l'artiste est vivant avec son art contemporain et il peut redynamiser ces espaces». Notamment dans la Casbah, redynamiser dans le sens où «le public sera présent, mais aussi dans la façon de créer la chose. Créer dans des vestiges antiques par exemple. Cela va donner autre chose. Entre l'antique et aujourdhui, pourquoi ne pas organiser des expos dans des ruines en plein milieu des vestiges?» estime Amel. Et d'indiquer déterminée: «L'art ne se limite pas à une toile. C'est ça l'art contemporein...» Elle place un arret dans son témoignage. Et sur un ton sec elle reprend: «Je ne voulais pas sortir, déjà que je ne gagnais rien, mais le proriétaire de l'espace a voulu augmenter le loyer, c'est une personne qui ne connait rien en matiere d'art. Il m'a dit que j'aurai dû investir dans un fastfood». Aller à la conquête du public Et de penser à voix haute: «Il y a trois parcs au Télemly, mais à condition de bien savoir bien mener les choses...». Et de poursuivre revigorée: «L'esprit de Ifru design a muté pour se transformer en ifru nomade pour sillonner tout le territoire algérien, partager avec le public de l'art en organisant des expos dans des places publiques, des usines, même dans des forets, l'art est partout, il est en nous.» «On a vu beaucoup de galeristes disparaître. Moi je dis que ce n'est pas l'espace qui est important, c'est moi qui donne de la valeur à l'espace. Ce n'est pas le lieu qui fait la valeur de l'art. il faut rendre à l'art sa vraie valeur par rapport à l'artiste. Il ne faut pas avoir honte de quitter un lieu, il faut avoir un savoir-faire et partager son amour de l'art avec sincérité et surtout avec honetteté et simplicité. Des gens m'ont ouvert leur porte comme Al Bayazin et Brokk'Art. Le plus important c'est la passion, si tu es passionné, personne ne pourra te l'enlever.». Et d'estimer: «On a beaucoup de conflits entre les galeries, des conflits bêtes...Moi je suis amoureuse, j'ai découvert ma passion. Je la vis et je compte la vivre passionnément et éternellement..» conclut dans un aveu des plus touchants Amel Bara Kasmi. Le soutien de Brokk'Art De son côté, dans un témoignage solidaire Hania Zazoua alias princesse Zazou, fondatrice de Brokk'Art et responsable de l'espace d'art Issu 98 affirme son soutien indéfectible envers Amel Bara Kasmi en soulignant sur son mur facebook appuyé par un enregistrement sonore:«Nous soutenons nos voisins parce que l'art et le design nous animent depuis toujours, parce que la culture du bon voisinage est ancestrale chez nous et parce que nos voisins ont du coeur et du talent nous proposons notre appui à Amel le temps qu'elle reprenne ses espaces.» Aussi, Brokk'Art a décidé de recevoir prochainement les artistes de Ifru Design, le temps peut-être qu'Amel Bara Kasmi retrouve un nouveau toit pour ses artistes. En attendant, cette dernière vous donne rendez-vous le 19 juin prochain à l'espace de la maison d'édition Al Bayazin qui recevra dans ses locaux et ce jusqu'au 29 juin les sublimes peintures de l'artiste peintre Ismahane Mezouar. Une exposition intitulée «l'Abécédaire de l'âme». Un nom qui donne d'ores et déjà envie d'en savoir plus....celle-ci d'ailleurs, relève à propos de sa démarche artistique: «: Je ne peins pas ce que je vois, mais je peins tout ce qui se penche sur la misère humaine, «comme cela me vient», comme on dit, «à rebrousse-spectre», hors d'une copie-mémoire. C'est l'Ecole de l'objet, cet objet coupé en fragments jetés modestement à la marge...» Le ton est donné! Voila une artiste qui se veut résolument contemporaine et qui tente comme Amel Bara Kasmi de faire sauter les codes en étant bien ancrée dans son monde environnant à l'affût du moindre soubresaut d'un souffle de vie...Des correspondances hautes en couleur qui s'entrechoquent. Harmonieusement...