Les observations soulevées par la partie britannique n'ont pas été du goût d'Alger. En conditionnant les extraditions d'Algériens détenus en Grande-Bretagne par une inspection «de visu» dans les centres pénitentiaires algériens et la visite impromptue aux détenus, les magistrats britanniques ont irrité Alger, qui estime que cette condition est autant un manque de considération qu'une accusation de violations des droits des détenus. Les négociateurs algériens estiment que depuis l'entame par l'Algérie des réformes, qui ont touché aussi bien la justice que les établissements pénitentiaires, il n'y a plus de quoi revenir sur la volonté de l'Etat algérien de respecter ses engagements internationaux, notamment concernant le droit des prisonniers extradés. Il y a quelques jours, intervenant devant la Special Immigration Commission Appeals (Commission spéciale des appels de l'immigration) qui doit se prononcer sur la décision prise par le gouvernement du Premier ministre Tony Blair d'expulser 10 Algériens soupçonnés d'activité terroriste et détenus dans des prisons londoniennes, Edward Oaken a révélé que le gouvernement algérien avait donné aux Britanniques des assurances que les expulsés seraient libérés après quelques jours seulement de détention. Répondant à Ben Emmerson, l'avocat des 10 Algériens, Edward Oaken, a reconnu n'avoir reçu que des assurances verbales de la part des responsables algériens. Quand il lui a été demandé si les autorités algériennes ont réellement déclaré que les expulsés seraient libérés après deux ou trois jours en prison, il a répondu: «Je ne peux pas jurer que c'est exactement ce que les autorités algériennes ont déclaré.» Il a indiqué que le gouvernement algérien n'a pas fourni une confirmation écrite de ces assurances, précisant, toutefois que le Foreign Office n'a pas demandé à les avoir. Edward Oaken a aussi affirmé que l'Algérie a refusé qu'une commission indépendante (demandée par la Grande-Bretagne et rejetée par Alger qui a estimé que cela signifie une violation de sa souveraineté) puisse suivre la manière dont seraient traités les expulsés à leur retour au pays. Le Foreign Office a expliqué que les détenus en question seraient protégés dans le cadre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale annoncée par le président Bouteflika et votée par le peuple. Edward Oaken a annoncé que le gouvernement algérien lui a signifié que les 10 Algériens -y compris, selon lui, un homme qui a été condamné par contumace pour son implication dans l'assassinat de 42 éléments des forces de sécurité algériennes- bénéficieraient de l'amnistie dans le cadre de la charte pour la paix. Les autorités algériennes, selon Edward Oaken, lui ont déclaré qu'elles étaient disposées à faire une interprétation généreuse de la charte pour la paix dans le sens où seuls ceux qui ont été officiellement traduits en justice étaient concernés, et non ceux qui ont fait l'objet d'accusations. Le chef de la délégation britannique qui a mené les négociations avec Alger a ajouté qu'«un élément de doute» faisait que ces assurances «restaient à vérifier». Selon des journaux britanniques, parmi les 17 Algériens détenus dans les prisons londoniennes et qui font l´objet d´une extradition vers l´Algérie, une seule personne a été identifiée et avait été déjà condamnée par la justice en Algérie. Mohamed Salah Dembri, représentant diplomatique de l´Algérie au Royaume-Uni, avait confirmé cette information sur les ondes de la Radio nationale. Il a ajouté que «la procédure d´identification n´est pas encore terminée» tout en précisant qu´il s´agit plus précisément d´«une demande anglaise qui a été adressée aux autorités algériennes parce que ces personnes sont sous le coup de mesures d´expulsion». Dembri, qui estimait que cette affaire a souffert de surmédiatisation et de confusion, a expliqué qu´actuellement «il y a un dialogue qui est établi» entre les deux pays d´abord pour «avoir l´ensemble des informations concernant l´identité de ces personnes», ensuite pour «connaître quelles sont les charges retenues contre elles par les autorités britanniques» et, toujours au sujet des extraditions, et à propos de celle concernant Abdelmoumene Khalifa, une demande formulée par les autorités algériennes, M.Dembri répond que «le procès se tiendra à la date indiquée», c´est-à-dire en juillet prochain. Quant à savoir si ledit procès se tiendrait en présence du principal accusé, l´invité de la radio dit simplement que «c´est prématuré» de répondre à la question en rappelant, toutefois, que les autorités des deux pays essayent d´avancer dans le traitement de cette question. «Plusieurs délégations sont venues à Alger, évidemment cette question a été à l´ordre du jour», a-t-il précisé. Selon la presse britannique spécialisée, il y a peu de chances que les 17 Algériens détenus dans les prisons de Londres et dans d'autres villes du pays, soient livrés à l'Algérie dans l'immédiat. La justice britannique a montré en diverses occasions qu'elle est autonome et se démarque des engagements pris par le gouvernement Blair lorsqu'elle estime qu'il y a manquement aux droits de l'homme.