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C'était Abdelhakim Meziani...
L'Homme de Culture, le journaliste, le passionné et le cinéphile n'est plus
Publié dans L'Expression le 24 - 07 - 2021

En apprenant la nouvelle de ta disparition que je n'oserai qualifier de cruelle, comme le font malencontreusement, mais innocemment et sincèrement, certains qui rédigent des hommages ou des lettres posthumes après le décès de leurs chers disparus - car la mort est une conséquence logique du destin -,ma sensibilité et mon affection ne peuvent cacher, en ces moments douloureux, l'expression d'une profonde tristesse et le sentiment du grand vide que tu laisses en moi, en nous..., chez tous les amis que tu as eus, avec lesquels tu as travaillé, et d'autres que tu as formés, éduqués et tant aimés...
Il y a quelques jours seulement, tu étais rayonnant de joie et d'espoir, malgré le poids de cette pénible maladie qui te consumait. Tu m'avais appelé pour un service qui t'honorait et te remettait dans ton ambiance de culture, en ces temps où les impénitents affairistes courent derrière la matière. Tu m'avais appelé, en me demandant avec ton langage plein d'avenance et d'amabilité des gens de la Cité, de te procurer si possible la photo, que dis-je, une des belles photos de l'ancien militant et ambassadeur au Sénégal, notre ami Hadj Ali. C'était pour le besoin d'un ouvrage qui le raconte et qui serait en cours de préparation.
Mais bien avant ce jour-là, on s'est parlé combien de fois, toujours dans le cadre de la culture, ce domaine qui te peinait et je sentais en toi cette glaire de n'avoir pu faire plus... Tu me disais: «Tu sais, la culture, on est en train de la martyriser!». Tu aurais voulu, bien sûr, - et tu étais bien placé pour exprimer ces impressions - que ce secteur se redresse et fasse des exploits pour rattraper le grand retard qui le caractérise, notamment en matière de productions concrètes, le livre et la lecture, le cinéma, le théâtre et la musique, par exemple. Cependant, tu n'étais jamais négatif ni acerbe, comme ce censeur amer, parce que tu regardais l'avenir... Et là, en un sourire toujours sympathique, tu exprimais le bonheur et la sérénité, car tu vivais avec de bons et excellents souvenirs de plusieurs expériences passées, pour lesquelles tu avais prodigué le meilleur de toi-même, cet enseignement qui sera gardé comme un précieux capital de Savoir et de Culture.
La Fédération algérienne des ciné-clubs
Des exemples? J'en ai à profusion... Et les événements que nous avons réalisés ensemble, mais toujours sous ta sympathique et bienveillante direction, sont nombreux. Combien d'émissions de TV où tu te distinguais dans ce terrain de prédilection qui était le tien, et qui avait trait à la civilisation, à l'histoire, à la culture... Combien de rencontres autour de livres dans ton agora à l'Enag..., qui nous ont réunis en présence d'un public de qualité et qui ont fait connaître cet espace de Media-book, longtemps inexploré.
Oui, Abdelhakim, rappelle-toi cette année-là, en 1970, où nous nous sommes connus. C'était à El Asnam, aujourd'hui Chlef, où je débutais, très jeune dans une haute responsabilité politique... Nous nous sommes connus et sitôt appréciés, lors d'un travail performant et fort utile pour la jeunesse. Tu étais secrétaire général, c'est-à-dire le 1er responsable de la Fédération algérienne des ciné-clubs. Tu étais le jeune, dynamique et plein de talent, pour accompagner de jeunes cinéphiles qui maintenaient la flamme et suscitaient des vocations. À travers cette assemblée de jeunes cultivés, tu avais constamment à l'esprit l'homme qui se devait d'agir consciemment, de façon enthousiaste, avec résolution, mais surtout avec raison, pour se situer au niveau de ce qu'exige de lui «une culture qui est le mode de vie d'une société», comme l'assurait Platon.
Tu étais ainsi, plein d'esprit et de projets. L'initiative était ta passion, ton violon d'Ingres, et tu l'accompagnais avec toute l'ardeur et l'affection qui étaient en toi. C'est cette disposition de l'homme cultivé qui faisait de toi ce «dingue du boulot», celui qui ne s'arrêtait jamais dans la bonne ambiance et le climat mobilisateur que nous avons vécus pendant des années, à côté de quelques vicissitudes du temps où tu n'as jamais baissé les bras.
Oui, Abdelhakim, à ceux qui ne te connaissent pas assez, l'occasion m'est donnée aujourd'hui, en ce triste jour de ta séparation, pour célébrer ta longue carrière d'intellectuel avisé, conscient, engagé..., cet intellectuel qui a embrassé, outre les passionnants domaines de la culture, de l'éducation, de la formation et de la presse, les domaines politique, idéologique, économique et sportif. Il faut que ceux-là, les jeunes, notamment sachent - pour qu'ils prennent conscience de la nécessité de se mobiliser, comme tu l'étais à leur âge -, que tu as été, pendant ta longue carrière de battant, successivement ou simultanément, journaliste, chef de rubrique, rédacteur en chef, directeur adjoint et directeur, ensuite chroniqueur dans les différents médias: Algérie Actualités, Echabab, Révolution Africaine, Jeunesse Action, Afrique Asie, El Moudjahid, El Watan, Le Matin, L'Indépendant, L'Expression, Les Débats, Le Jour d'Algérie, Liberté... Qu'ils sachent, également, que tu as été manager au Club du livre et de l'audiovisuel... Encore une autre réussite dans ton palmarès!
En effet, beaucoup de réussites, parce qu'à côté de ces missions captivantes, qui te prenaient beaucoup de temps, tu as trempé dans le domaine que tu aimais considérablement, qui te ressemblait, parce que tu as baigné dans son ambiance depuis ta naissance à la Casbah, ce beau quartier mythique de la capitale. J'ai nommé Dame musique qui a bercé ton enfance, et ton adolescence jusqu'à ta maturité, où pour tes qualités de mélomane tu as pris sérieusement le flambeau de deux associations de musique dite andalouse, et pas des moindres, El Fekhardjia et El Andaloussia pour devenir leur secrétaire général et président.
Le domaine du cinéma, ne t'a pas échappé, bien évidemment, puisque tu as fait tes premiers pas dans les ciné-clubs. Cet amour te mènera jusqu'à obtenir, des années après, de grands prix et de brillantes distinctions, notamment le Prix du Syndicat français de la Critique de cinéma en novembre 1995 et le Prix de la Critique cinématographique italienne, au Festival du cinéma africain de Milan, en mars 1996...
Un homme dévoué en toute circonstance
Abdelhakim, je ne peux tout citer, bien sûr, car ta carrière professionnelle et non moins militante, a été très importante, très florissante. Elle a été un exemple vivant de labeur, de sacrifice et de réussite. Il me suffit, cependant, de dire que tu étais le travailleur insatiable dans ce monde de l'art et de la culture, de l'information et de la politique. Tu étais cet obstiné de production et de rendement et, il faut le dire avec satisfaction et emphase..., du travail bien fait. Je t'ai vu à l'oeuvre et nous avons eu l'occasion de mener ensemble, certains événements. Tu ne lésinais pas sur les efforts, tu avançais à pas sûrs, avec des idées bien pensées et tu voulais arriver, chaque fois, là où ton intelligence, tes désirs, tes rêves et ta vision te le demandaient...
Mais maintenant que tu n'es plus, tu me permettras, nonobstant la douleur incommensurable qui est mienne, de dire à tous nos amis et à tous ceux qui t'ont connu, ou peu connu, la joie que j'éprouve aujourd'hui de parler, haut et fort, de mon frère Abdelhakim, un homme cultivé, altruiste et dévoué en toute circonstance..., de cet homme qui gardait, malgré le poids des difficultés et des embarras au quotidien, l'espoir de connaître et de vivre des jours meilleurs dans son Algérie, pour laquelle, très jeune, il avait mis tout son poids dans la générosité du don de soi et du sacrifice.
Aujourd'hui, la volonté de Dieu s'est exprimée. Aujourd'hui, tu nous quittes, laissant un grand vide dans nos coeurs meurtris. Et les amis que nous sommes, parce qu'ayant été élevés dans la morale que tu as chérie, nous ne pouvons qu'arborer, avec fierté, les grandes qualités qui ont été les tiennes et la réussite du parcours par lequel tu as marqué ta vie, en attendant demain, cette inévitable reconnaissance de l'Histoire en un ardent témoignage pour le grand militant-intellectuel que tu fus.
Oui, effectivement, il faudrait que nous apprenions à ne plus verser des larmes de douleur quand nous perdons des êtres éveillés, éprouvés, bref valeureux comme toi, Abdelhakim. Il faudrait les célébrer dans la joie car, eux au moins, ils ont rempli leur vie et repartent fortunés, prospères et aisés, pour rencontrer Celui dont les comptes ne peuvent être altérés.
Frère Abdelhakim, l'hommage que je te rends présentement au nom de notre amitié profonde, ne peut être à la hauteur d'un militant comme toi, mais tu sauras m'excuser car, en pareille circonstance, la charge émotionnelle ne consent pas à ce que j'aille plus loin. Par contre, je dois te dire que tu peux te reposer en paix..., ta vie a été un exemple de droiture, d'humilité, de bonté, de conscience, de fidélité et enfin de courage, des valeurs rares aujourd'hui.
Que veux-tu de plus? Pourvu que nous puissions nous présenter, demain, devant le Miséricordieux, avec les mêmes qualités, sinon avec quelques-unes...
Repose en paix..., tu l'as bien méritée!
Ton frère Kamel Bouchama
*Auteur


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