Les talibans ont rencontré, mercredi, à Kaboul l'ancien président afghan Hamid Karzai, tandis que le président Joe Biden a estimé qu'une certaine forme de «chaos» était inévitable au moment du retrait des troupes américaines. Les talibans, qui cherchent à former un gouvernement, ont annoncé qu'ils avaient «gracié tous les anciens responsables gouvernementaux», a indiqué le groupe de surveillance des sites islamistes SITE. Ils ont diffusé des images d'Hamid Karzai avec Anas Haqqani, un des négociateurs de leur mouvement. Les talibans ont également rencontré, toujours selon SITE, l'ancien vice-président Abdullah Abdullah. Ces négociations ont été bien accueillies par l'ex-président Ashraf Ghani, qui a précipitamment quitté dimanche son pays pour les Emirats arabes unis, d'où il s'est adressé mercredi à ses compatriotes. «Je souhaite le succès de ce processus», a-t-il déclaré dans un message vidéo posté sur Facebook, précisant qu'il n'avait «aucune intention» de rester en exil. «Je suis actuellement en pourparlers pour retourner en Afghanistan», a révélé celui qui a succédé à M. Karzai en 2014. Les Etats-Unis, pour lesquels «rien» ne laissait présager que l'armée et le gouvernement afghans s'effondreraient aussi vite, ont pour leur part répété, mercredi, qu'ils considéraient qu'Ashraf Ghani n'était «plus une personne qui compte en Afghanistan». Pour le président Biden, il aurait été impossible de retirer les troupes américaines sans une forme de «chaos» dans le pays. L'idée «que d'une façon il y avait un moyen de sortir sans que le chaos s'ensuive, je ne vois pas comment cela est possible», a-t-il dit, mercredi, à la chaîne ABC. Dans le même temps, la vie a commencé à reprendre à Kaboul, même si la peur est là. La capitale afghane a été très calme, mercredi, la plupart des administrations et des commerces ayant fermé en raison de l'Achoura, une importante fête religieuse chiite. Nombre d'Afghans ont toutefois continué de se rassembler devant les ambassades, au gré des rumeurs sur la possibilité d'obtenir un visa ou l'asile. Mardi, les talibans ont tenté de rassurer la communauté internationale à l'occasion de la première conférence de presse qu'ils ont donnée à Kaboul, deux jours après avoir pris le pouvoir, cependant que le cofondateur de leur mouvement, le mollah Abdul Ghani Baradar, appelé à de hautes fonctions, a regagné l'Afghanistan. Le monde se souvient en effet de leur passif en matière de droits humains quand ils gouvernaient en 1996-2001. «Tous ceux qui sont dans le camp opposé sont pardonnés de A à Z. Nous ne chercherons pas à nous venger», a lancé un de leurs porte-parole, Zabihullah Mujahid. Et d'affirmer que les islamistes avaient appris de leur premier exercice du pouvoir et qu'il y aurait de «nombreuses différences» dans leur manière d'administrer leur pays, même si, idéologiquement, «il n'y a pas de différences». Sous le précédent régime taliban, jeux, musique, photographie et télévision étaient interdits. Les voleurs avaient les mains coupées, les meurtriers étaient exécutés en public et les homosexuels tués. Les femmes avaient interdiction de sortir sans un chaperon masculin et de travailler, les filles d'aller à l'école. «Nous nous engageons à laisser les femmes travailler dans le respect des principes de l'islam», a lâché M. Mujahid. Un autre porte-parole des talibans, Suhail Shaheen, a affirmé que la burqa, le voile recouvrant tout le corps et le visage avec une grille en tissu au niveau des yeux, ne serait plus cette fois obligatoire. Dans un communiqué commun, les Etats-Unis et l'UE, de même que 18 autres pays dont le Brésil et le Canada, se sont néanmoins dits, mercredi, «profondément inquiets» pour les droits des «femmes et des filles en Afghanistan». Se présentant comme plus modérés, les talibans semblent recevoir un accueil international moins hostile qu'il y a deux décennies lorsque seuls trois pays (Pakistan, Emirats arabes unis, Arabie saoudite) avaient reconnu leur régime - bien que personne ne soit encore allé jusque-là pour l'instant. La Chine s'est dit prête à entretenir des «relations amicales» avec eux, tandis que pour la Russie, leurs assurances en matière de liberté d'opinion constituent un «signal positif». La Turquie a également salué des «messages positifs» et l'Iran fait des gestes d'ouverture.