S'il est une filière qui a le plus été touchée par les incendies, c'est bel et bien l'apiculture. En phase de développement, ce créneau, en vogue ces dernières années, vient en effet d'être complètement anéanti par les derniers feux de forêt, qui viennent de frapper durement la wilaya de Tizi Ouzou. Selon le président de leur association, Salem Touati, la filière a été complètement anéantie, alors que les apiculteurs devaient juste lancer la récolte dans les jours qui viennent, mais, le hasard en a voulu, hélas, autrement. Complètement ravagé par le sinistre, le rucher a été durement frappé. Pourtant, quelques jours seulement avant le départ des incendies, les apiculteurs s'apprêtaient à lancer la récolte 2021-2022, avec des prévisions optimistes quant à la production attendue malgré la courte éclipse printanière. «Les apiculteurs ont été pris de court par les feux qui ont ravagé pratiquement la totalité du rucher et de la récolte dans les communes touchées» a fait savoir leur représentant. Toujours selon notre interlocuteur, les statistiques publiées ces derniers jours ne sont pas fiables, car du travail reste toujours à faire en la matière. Les ruchers des communes touchées sont complètement endommagés, mais, pour les apiculteurs qui ne s'intéressent pas du tout aux chiffres, Touati affirme que leur principale attente est l'indemnisation qui représente l'unique voie de reprise d'activité. Ce dernier, qui explique, par ailleurs, que plusieurs années sont nécessaires pour régénérer le rucher, ajoute que les fonds doivent être versés dans l'immédiat aux apiculteurs, qui se mettront rapidement à la reprise des ruchers. Cependant, les apiculteurs soulèvent un sérieux problème. «En fait, les incendies ont décimé le couvert végétal et les forêts nécessaires à toutes les variétés de miel disponible dans la wilaya de Tizi Ouzou, surtout le liège. Vous n'ignorez pas que les abeilles ont besoin de ce couvert végétal et de ces forêts pour la fabrication du miel. Donc, avant la régénération de ce couvert et des forêts, l'apiculteur doit chercher d'autres alternatives», explique Salem Touati, qui a lance un appel d'urgence aux pouvoirs publics, afin de venir en aide et en accompagnement aux apiculteurs en plus des indemnisations. Aussi, l'espoir est grand parmi les professionnels de cette filière. L'indemnisation qui, selon Touati, sera orientée vers la régénération des ruches, est une bouée de sauvetage mais qui doit être versé, sans procédures bureaucratiques qui risquent de retarder les échéances. Une fois le dédommagement versé, les apiculteurs pourront ainsi régénérer leurs ruchers tout en cherchant des alternatives aux forêts brûlées. Pour ce faire, explique notre interlocuteur, les apiculteurs devront adopter la technique de transhumance qui consiste à transporter les ruches vers des zones forestières en dehors d'un territoire donné. Par ailleurs, faisant ressortir l'étendue de la catastrophe subie par la filière, il faudra retourner en arrière pour se rendre compte que cette dernière vivait déjà dans la difficulté. En plus des changements climatiques et des déforestations dues à l'activité humaine, les abeilles sont également menacées par les pesticides utilisés dans l'agriculture. L'une des plus grandes menaces qui risque d'anéantir leur métier demeure, sans conteste, le déboisement. Ils lancent un cri d'alarme contre la déforestation qui n´est pas suivie de politiques conséquentes de reboisement, de même que l'urbanisation anarchique qui nuit au développement de l´apiculture. Les forêts se rétrécissent, disent-ils, à cause de ces deux phénomènes, alors que l'apiculture moderne a, de plus en plus, besoin d'espace pour la transhumance des abeilles. Pour justifier cet appel au secours, les jeunes apiculteurs rencontrés expliquent l´importance de cette phase dans la vie des ruches et de la qualité du miel. En effet, après une période d'hibernation, les abeilles doivent être transportées à des endroits adéquats pour la production du miel. Ainsi, ces dernières années, ne trouvant plus d'espaces forestiers suffisants, des milliers de ruches ont été anéanties. Par ailleurs, le rucher du Djurdjura, tout comme les ruchers existant au niveau national, souffre d'un phénomène mondial, mais qui se trouve amplifié en Algérie, à cause de l'absence totale de contrôle. Les pesticides utilisés chez nous ne sont pas contrôlés et causent un massacre au patrimoine apicole local et national. Pis encore, même si le phénomène existe dans le monde entier, il n'en demeure pas moins que dans beaucoup de pays, le contrôle est de plus en plus exercé par les services concernés et par les agriculteurs eux-mêmes. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, le contrôle de la chaîne des pesticides est quasi nul. Les agriculteurs ne sont pas obligés de prendre en considération le volet de la protection des abeilles dans leur travail. Certains apiculteurs que nous avons interrogés sur ce phénomène, affirment que la protection des abeilles n'est pas à l'ordre du jour dans notre pays, ce qui engendre un taux de mortalité très grand avec ses conséquences sur les abeilles, essentiellement la race endémique nord-africaine.