En introduisant la notice des médicaments dans le dossier à fournir, la Cnas essaye d'endiguer un fléau vertigineux : le trafic de vignettes médicales. «L'introduction de la notice dans le dossier permettant le remboursement des assurés au niveau des centres payeurs de la Cnas a permis de réduire de 30% les factures à payer.» Ce constat a été dressé dernièrement par les services du ministre du Travail et de la Protection sociale, Mohamed-Larbi Abdelmoumène. En fait, ce constat reflète aussi l'incapacité de réduire de moitié l'hémorragie qui frappe la Caisse nationale d'assurance sociale de plein fouet, et qui risque, à court terme, de la mettre à genoux. Un haut cadre de la Cnas estime les pertes enregistrées par cette caisse «de l'ordre de 10 milliards de centimes», au plus bas mot, ajoutant que «cela peut être évalué à 50 ou 80 milliards» annuellement, car «c'est invérifiable». En introduisant la notice des médicaments dans le dossier à fournir, la Cnas essaye d'endiguer un fléau vertigineux: le trafic de vignettes médicales, qui se fait «à très grande échelle, à tous les niveaux et dans les centres payeurs». Mieux, «au vu et au su des services de contrôle, qui restent impuissants devant ce fléau». En fait, il n'en faut pas plus pour décrocher la cagnotte: une feuille de soins, les cachets humides nécessaires, les vignettes médicales et un nom d'assuré. Une petite vérification concernant une assurée, faite au niveau du centre payeur du Caroubier, a donné le résultat suivant: l'assurée, d'un âge certain, femme au foyer, s'est fait rembourser, au cours de l'année 2001, plus de dix fois. Le montant global de ses remboursements a excédé les 10.000 DA en moins d'un an. En réalité, la bonne dame se faisait faire des feuilles de soins par l'intermédiaire de son fils qui connaît un médecin, lequel médecin délivrait des médicaments pour telle maladie (imaginaire, bien sûr). Le reste est un petit parcours d'adolescent: «collectes» de vignettes, faire apposer le cachet d'un pharmacien complaisant et... envoyer sa mère se faire rembourser. Bien sûr, il existe d'autres moyens directs et plus «performants» de se faire rembourser, mais à la base, il y a cette gangrène : le trafic des vignettes. Aujourd'hui, il existe des réseaux très «compétitifs» des faiseurs de vignettes habituels. Avec un scanner, du bon papier et une imprimante, un bon informaticien peut vous traficoter des vignettes plus vraies que les vraies. Cela a été fait, vérifié et a marché à chaque fois, et il faut être un «spécialiste de la vignette» pour s'en rendre compte. Le réseau traditionnel venait soit de l'excédent en vignettes fabriquées par les imprimeurs privés, soit des pharmacies, hôpitaux et autres centres hospitaliers qui utilisaient le médicament et récupéraient la vignette pour la mettre sur le réseau informel. Aujourd'hui, il faut lutter contre la high-tech de ces petits informaticiens qui vous brouillent la vue avec un tour de passe-passe au micro-ordinateur. La Cnas commence à prendre conscience du danger. Petit à petit, de nouvelles méthodes sont introduites à divers segments du contrôle intérieur pour mettre en échec les plans frauduleux. En face, il y a certains médecins véreux connectés à des pharmaciens complaisants qui continuent à alimenter les réseaux mafieux. Mais, faut-il encore le souligner, les agents de la Cnas sont les véritables poumons de ces plans de fraude qui risquent d'étouffer leur propre centre. Plusieurs agents ont été, à cet effet, mutés par mesure disciplinaire, sanctionnés ou même traduits devant les tribunaux, mais des «voies de secours» sont toujours trouvées pour... vider les caisses de la Cnas.