Tourner sept fois sa langue dans la bouche avant de parler. C'est la leçon que devrait en tirer Emmanuel Macron, après ses déclarations volontairement agressives contre l'Algérie. Leur impact a fait des dégâts. Certainement insoupçonnés pour le locataire de l'Elysée. Candidat non officiel à sa propre succession, entrant dans la dernière ligne droite de son mandat, il porte en bandoulière une crise diplomatique majeure avec un partenaire privilégié qui risque de lui tourner le dos définitivement avec, de surcroît, une condamnation quasi unanime de déclarations inconséquentes qui ont soulevé un tollé d'indignation en Algérie et des réactions vigoureuses des deux côtés de la Méditerranée. C'est une voix qui compte, une référence mondiale en matière de géopolitique qui épingle le chef de l'Etat français. Les «propos non démentis» du président français, Emmanuel Macron, sur l'Algérie sont «très graves», a déclaré le directeur de l'Institut français des relations internationales et stratégiques, Pascal Boniface. «Dire que la nation algérienne n'existait pas avant la colonisation, c'est quand même très grave par rapport à toute l'histoire mémorielle entre les deux pays», a souligné Pascal Boniface, lors d'un débat télévisé diffusé par une chaîne française à propos de cette énième crise entre l'Algérie et la France née du discours du chef de l'Etat français. Un faux pas impardonnable pour une personnalité de son rang. «En diplomatie, un président n'a pas le droit de tenir de tels propos», relève Pascal Boniface. Une analyse partagée par le chercheur et analyste politique algérien, Ahmed Bensaada. Les déclarations du président français, Emmanuel Macron, sur l'Algérie, sont extrêmement belliqueuses et relèvent d'une méconnaissance des règles de la diplomatie et de la géopolitique, avait déclaré, mardi dernier, depuis Montréal, l'ex-enseignant de l'université d'Oran sur les ondes de la Radio nationale, estimant que les déclarations du président français ne sont pas innocentes. Le directeur de l'Institut des relations internationales et stratégiques leur attribue un objectif électoraliste à l'approche de la présidentielle d'avril 2022. «Il y a aussi un discours de politique intérieure de la part de Macron. Il vient chasser sur les terres d'Eric Zemmour et du Front national», a-t-il expliqué, tout en notant que «les dernières déclarations d'Emmanuel Macron, dans lesquelles il remet en cause l'existence d'une nation algérienne avant la colonisation française ont heurté l'opinion algérienne...». Les organisations et les associations de la société civile ont, en effet, réagi énergiquement aux déclarations hostiles du président français, Emmanuel Macron, contre l'Algérie par le biais d'un communiqué. Qualifiant ses déclarations d'irresponsables, elles affirment que la sortie médiatique du locataire de l'Elysée représente un «outrage à la société algérienne, à son histoire et à sa nation et une ingérence flagrante dans les affaires internes du pays dans le but d'attenter à la souveraineté nationale». Ces graves dépassements ne sont qu'«une preuve tangible d'une haine viscérale et d'une nostalgie du passé colonial qui demeurera une tache noire pour la France», notent les rédacteurs du document qui soulignent que «l'Algérie nouvelle, forte de ses institutions souveraines, issues du Hirak populaire authentique et de son Armée nationale populaire, autour de laquelle adhère le peuple, ne se pliera jamais et n'acceptera pas non plus ces harcèlements». Stora recadre Macron Sur la chaîne parlementaire française (LCP), alors que le maire de Béziers, Robert Ménard, soutenait les propos de Macron sur l'Algérie, l'historien Benjamin Stora a tenu à mettre les points sur les «i». «La Régence d'Alger avait tous les attributs d'une souveraineté. La preuve: à qui on a donné le coup d'éventail en 1827?», s'interroge Stora, avant de répondre au «consul de France». «Il y avait donc un consul de France à Alger,... donc il y avait un Etat», conclut-il. Stora ajoute que «cet Etat, qui existait, signifie que sous l'empire ottoman, il n'était pas nécessaire de passer par le point de vue central, c'est-à-dire par la Turquie, pour avoir une souveraineté».