Ce sont d'abord les ex-pays de l'Est qui ont insisté sur le besoin d'ériger des murs de séparation entre-eux, comme la Lituanie, la Hongrie, la Lettonie, la Pologne, la Slovaquie, la Bulgarie, puis les autres, plus au sud, comme la Grèce et Chypre, enfin au centre et plus au nord, comme l'Autriche et le Danemark. La commissaire aux affaires intérieures de l'Union européenne, Ylva Johanson, a répondu que «les pays ont la possibilité et le droit de construire des clôtures», sans pour autant leur donner le signe d'un possible financement européen. Certains pays n'ont pas attendu le feu vert de l'UE pour le faire. Depuis 1989, pas moins de 63 murs ont été érigés, selon un rapport corédigé par le Transnational Institute néerlandais, le Centre Delàs d'Estudis per la Pau, de Barcelone et le groupe allemand Stop Wapenhandel, datant de novembre 2020. Selon Damien Simonneau, chercheur au Collège de France et auteur de L'obsession du mur: «Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la frontière est assimilée à une idée de sécurité et de contrôle, ce qui n'était pas le cas auparavant.» Mais les données sont là: 60% de la population mondiale vit dans des pays ayant muré leurs frontières. Doit-on comprendre, que la chute du mur de Berlin, en 1989, n'était qu'une illusion d'ouverture alors qu'en réalité, l'Europe se cloisonnait derrière ses nouveaux murs? Le mur construit par Viktor Orbàn, en 2015, sur la frontière entre la Hongrie et la Serbie, sur 175 km de barbelés, haut de quatre mètres, conçu pour «préserver les racines chrétiennes» de la Hongrie, contre un «péril» migratoire, a donné des idées à l'Autriche, la Slovénie et la Macédoine. La Bulgarie a fait de même avec une clôture barbelée de 176 km sur sa frontière avec la Turquie, pour stopper les migrants venant du Sud. Pourtant, la Bulgarie est l'un des pays au taux le plus élevé en matière d'émigration vers les pays arabes. Et la chaire de langue arabe dans ses universités est très convoitée. En 2015, la Grèce a construit un mur de 40 km sur sa frontière avec la Turquie, «afin d'éviter un afflux de migrants afghans», avait relevé le Guardian. Mais la véritable préoccupation des pays de l'UE vient du Sud. Qui ne se souvient pas de la polémique qui avait éclaté entre l'Italie et la France au sujet des migrants syriens qui fuyaient la guerre? On retiendra que des pays comme la Turquie, l'Allemagne ou la Suède, plus au Nord, ont beaucoup fait pour absorber ce flux et offrir une vie décente aux réfugiés syriens et afghans. Maintenant, les pays de l'espace Schengen pointent du doigt les migrants des pays du Maghreb qui se jettent à la mer, par barques et chaloupes et accostent sur l'autre rive en très peu de temps. Mais à bien peser le pour et le contre, pourquoi le problème ne s'était-il pas posé avant l'instauration du visa pour ces pays? Et pourquoi l'espace Schengen a été instauré pour fermer effectivement les frontières aux non-Européens? On se souvient qu'avant le phénomène des visas, on circulait librement du Sud au Nord et inversement, sans penser à s'installer dans le pays d'accueil. On faisait du tourisme, avec l'allocation touristique de 350 FF que nous accordait Chadli Bendjédid, en 1981, et l'on revenait avec des cadeaux pour les proches. Aujourd'hui, tout le monde parle du phénomène des «boat people» des années 70, quand les Vietnamiens fuyaient la guerre en se jetant à la mer. Le nouveau phénomène des «harraga» commence à prendre de l'ampleur; ce sont pour la plupart des jeunes chômeurs qui ont de quoi payer le voyage (une place sur une pirogue se paie autour d'un million de dinars) qui veulent tenter leur chance sur l'autre rive. Est-ce leur faute si ces jeunes, sans emploi, veulent travailler et se faire payer en euros, parce que l'industrialisation n'a pas beaucoup marché chez nous? Le Chancelier allemand, Helmut Kohl, avait dit un jour: «Il ne faudrait pas refaire en Afrique l'erreur qu'on a faite avec la Chine». Il parlait de l'industrialisation de la Chine qui est devenue un concurrent acharné de l'Europe et l'Amérique, sur le plan industriel. Mais, franchement, si les Européens ne s'étaient pas partagé l'Afrique, dans la grande vague de colonisation (Français, Belges, Allemands, Italiens et même Hollandais), le continent noir ne serait pas devenu ce qu'il est aujourd'hui.