Une fois n'est pas coutume, une proposition de loi émanant de l'Assemblée populaire nationale a réuni plus d'une centaine de signatures. Outre que la démarche n'émane pas de l'Exécutif, mais du pouvoir législatif, la nature de la proposition de loi qui a toutes les chances d'être soumise au débat et à l'adoption par l'APN concerne le sensible sujet de la colonisation française en Algérie. Le texte qui, rappelons-le, a déjà réuni un nombre important de soutiens parmi les députés, a trait à la criminalisation de la colonisation. Cette information relayée par twitt de Radio Algérie internationale (RAI), fait état de l'adhésion de parlementaires de toutes les obédiences politiques qui composent l'Assemblée populaire nationale. RAI affirme même qu'il n'y avait aucune exception. Les tendances nationaliste, islamiste, démocrate et des indépendants figurent tous sur la liste de soutien à ladite proposition de loi. Une totale unanimité des groupes siégeant dans l'hémicycle, qui sera suivie sans doute, par une autre unanimité, de l'ensemble des députés de la nation. Les 407 parlementaires que compte l'APN seront certainement bientôt signataires du document ouvrant la voie à un vote historique, celui de mettre le colonialisme français dans le box des accusés de crime contre l'humanité. RAI n'apporte aucune indication du contenu de la proposition de loi, mais au rythme où avance l'initiative parlementaire, il n'est pas interdit de penser que l'on saura beaucoup plus dans les tout prochains jours. En effet, après les propos détestables du président français, Emmanuel Macron et l'usage qui est fait de la colonisation dans le cadre de la pré-campagne électorale pour la présidentielle française, une réelle ferveur et une volonté d'en découdre traversent de larges couches de la société algérienne et les députés de l'APN ne sont pas en reste. Il faut rappeler que l'idée de criminaliser le colonialisme n'est pas nouvelle au sein de l'Assemblée législative. Dans le milieu des années 2000, un groupe de députés d'obédience islamiste avaient tenté de convaincre leurs collègues députés d'inscrire un projet de loi dans ce sens. Mais les arrière-pensées politiciennes qui sous-tendaient l'initiative avaient fait fuir les parlementaires qui n'avaient pas cosigné l'appel. De plus, au moment où cette démarche avait été entreprise, les gouvernements algérien et français étaient en pleine discussion autour de la reconnaissance par la France des crimes coloniaux commis en Algérie, après que l'Assemblée nationale française a voté une loi glorifiant le colonialisme. La pression d'Alger, avait amené à l'époque le président Chirac à rétropédaler, sur, notamment l'article le plus controversé de la loi. Interrogé sur cette question hier, par la chaîne Ennahar TV, l'historien français, Benjamin Stora, s'est montré réticent au sujet d'une loi criminalisant le colonialisme. Il a rappelé qu'en 2005, il y a eu en France une loi à l'inverse de ce qui est proposé par les députés algériens. «La loi du 23 février 2005, voulait valoriser les bienfaits de la colonisation et les historiens, dont je faisais partie se sont mobilisés contre cette même loi», a déclaré l'historien s'affichant contre «la possibilité de faire des lois qui figent l'Histoire», avant d'affirmer que «s'il faut avoir un corpus juridique qui doit guider l'écriture de l'Histoire, je ne suis pas très favorable». Depuis l'épisode tendu entre l'Algérie et la France, le dialogue entre les deux pays sur le contentieux mémoriel a évolué en dents de scie. Alors que Nicolas Sarkozy alternait le chaud et le froid, sans aller au fond des choses, François Hollande, premier président à avoir eu des positions fortes et courageuses sur les massacres du 8 mai 1945 et le 17 octobre 1961 a permis, durant son mandat d'entrevoir une avancée dans ce dialogue des mémoires entre les deux pays. Emmanuel Macron, de son côté, a commencé à étonner tout le monde en prononçant l'expression «crime contre l'humanité» pour qualifier la colonisation française en Algérie. Il avait fait une forte impression à Alger, lors de sa visite en tant que candidat à la magistrature suprême de son pays. Macron a pris d'autres initiatives courageuses, comme la reconnaissance de l'assassinat du martyr Maurice Audin et de Ali Boumendjel, affirmant que ces meurtres étaient des crimes d'Etat. Mais ses étranges déclarations devant les «petit enfants de la guerre d'Algérie» sur la prétendue «rente mémorielle» et l'inexistence d'une nation algérienne avant la colonisation française ont tout démoli. De fait, l'aventurisme électoraliste du président français et la réaction forte d'Alger qui a suivi, à travers le rappel de son ambassadeur en poste à Paris, a réveillé le projet de criminalisation de la colonisation. Cette fois, il n'y a pas de manoeuvre politicienne, puisque la proposition de loi fait l'unanimité au sein de l'APN.