Beaucoup de bruit pour rien! Tandis que les regards en Libye sont braqués sur la conférence de presse que devait tenir, hier, la commission électorale nationale en vue d'expliciter le processus électoral et, notamment, les conditions de retrait des cartes d'électeurs, l'information tombée samedi soir sur la «suspension» de la ministre des Affaires étrangères, Najla al-Mangoush, décidée par le Conseil présidentiel qui a «ordonné son interrogatoire» a viré au vaudeville. D'abord, parce que le gouvernement d'union nationale que dirige Abdelhamid Dbeibah a aussitôt rejeté cette mesure, prise en toute hâte en relation avec des propos inadéquats sur l'affaire Lockerbie (explosion d'un avion) et d'un attentat à la bombe, en 1988 - imputés par les autorités britanniques aux dirigeants libyens de l'époque, ainsi qu'à «d'autres déclarations». Mme al-Mangoush avait accordé un entretien à la BBC qui l'a questionnée sur cette vieille affaire. Dans son communiqué, le gouvernement a rappelé les missions des pouvoirs exécutifs (gouvernement d'unité nationale et Conseil présidentiel), tels qu'elles découlent de la feuille de route adoptée par le Forum de dialogue politique à Genève, affirmant qu'elle n'attribue pas au Conseil de la présidence le droit de nommer, d'annuler la nomination des membres du pouvoir exécutif, de les suspendre ou de les interroger. Il a donc exhorté au respect des procédures administratives appropriées et des prérogatives énumérées dans la Déclaration constitutionnelle et ses annexes. En conclusion, il a invité Mme al-Mangoush à demeurer à son poste et poursuivre sa mission, excluant de facto la mise en place d'une commission d'enquête conduite par le vice-président du Conseil, Abdallah al-Lafi. Pour sa part, la MAE a réagi, en démentant vigoureusement les propos qui lui ont été attribués sur le présumé auteur de l'attentat, le britannico-libyen Abou Ajila Masoud, affirmant que la question «était sans fondement». Elle n'a, à aucun moment, évoqué cette personne, contrairement aux affirmations de la chaîne britannique BBC. Celle-ci prétend qu'al-Mangoush aurait répondu à la question sur les victimes de la destruction de l'avion de Lockerbie et de l'attentat à la bombe contre le Manchester Arena que les sujets relèvent de la compétence du bureau du procureur général libyen, chargé de les traiter en coordination entre les institutions judiciaires des deux pays. La ministre a, en outre, argué des résultats positifs enregistrés au lendemain de la conférence sur la stabilité en Libye, première du genre depuis 2011 et de nature à renforcer la position de la Libye sur la scène internationale et régionale, pour mettre en garde contre la diffusion d'informations erronées ou fallacieuses, «un crime puni par la loi». Notons que la BBC a attribué à Mme al-Mangoush un propos surprenant sur un dossier clos bien avant 2011 et pour lequel la Libye a dû verser une importante compensation financière, au détriment du Trésor du peuple libyen. On voit mal pourquoi la ministre libyenne se serait aventurée à évoquer une «extradition» du responsable présumé de ces attentats, de surcroît vers les Etats-Unis. La date des élections législatives et présidentielle avance à grands pas et les différends ne vont pas manquer de croître en intensité et en complexité, sachant qu'il y a quelques semaines, seulement, le même Conseil présidentiel libyen avait pris une autre «décision» de fin de fonction, à l'encontre du Premier ministre Abdelhamid Dbeibah, lui interdisant de procéder aux nominations et révocations des hauts fonctionnaires en Libye et à l'étranger. Somme toute, le processus politique ne va pas s'arrêter pour si peu.