Le Lab d'Alger est une formation organisée par l'Institut français d'Algérie depuis 2014; elle permet à des jeunes Algériens de connaitre les rudiments de la fabrication du documentaire à travers plusieurs métiers (réalisation, direction photo, son, montage...). Après une résidence de plusieurs jours, la restitution permet de prendre connaissance des travaux réalisés pendant cette édition à travers les films, les formes sonores et les photos à programmer lors de cette soirée. Cette formation de grande qualité se fait chaque année en partenariat avec le festival Premiers Plans d'Anger (France). Un festival qui a pris de l'ampleur et de l'embonpoint ces dernières années. Pour preuve, l'Institut français d'Alger vient d'acquérir, récemment, deux stations son et montage ce qui lui conférera à l'avenir plus d'autonomie dans son travail. Autre bonne nouvelle, à partir de cette année, le festival s'agrandit et se voudra national. Aussi, la restitution de la huitième édition du Film Lab Alger 2021 a bien montré ses fruits lundi dernier en donnant à voir des films de grande qualité prouvant par cette démarche l'importance du mariage du son et l'image dans la fabrication d'un film documentaire. Aussi, comme le veut la tradition dans ces ateliers, il a été offert au public d'apprécier d'abord, la première partie dédiée au son à travers des court sonores où l'on aura ainsi déduit combien le son est indispensable dans la construction de notre imaginaire et la consolidation de notre mémoire qui finit par faire le reste. Le premier film sonore fut «Les bancs publics» de Khadidja Merkemel. Cette dernière s'est évertuée à nous décrire un endroit sans le nommer, juste à travers les quelques indices éparpillés donnés ça et là à travers les témoignages des gens d'Alger qui se plaisent à s' y rendre a chaque fois qu'ils peuvent. Nous ne sommes, ainsi, pas loin de la mosquée Ketchaoua, une bombe a explosé là-bas dans les années 1990... Et pourtant, aujourd'hui, on aime retourner sur ce lieu et humer l'air de la sérénité là- bas... Des sons qui nous parlent Dans «Mille mercis...» titre qui renvoie à la chanson «Chokran wa alf choukr ya oustadi» de Sadek Jamawi, Rania Ayech nous donne un aperçu du rapport qu'entretient une série de personnes appartenant à différentes générations à la langue française. Un court sonore sans image et pourtant ô combien éloquent! Un des meilleurs d'ailleurs. Le troisième court sonore est «Nour» de Assia Khemici qui nous invite à découvrir les aventures d'un couple mixte composé d'une Française et d'un Algerien dans leur tentative d'adopter un enfant en Algérie. L'interviewée débute son témoignage en se remémorant comment elle s'est faite demander en mariage.. La femme raconte sa vie de la période de jeune fille jusqu'au jour oû elle réussira à avoir gain de cause en ramenant cet enfant chez elle. Un bébé né au «Maghreb» c'est-à-dire au moment de l'appel à la prière, d'où le titre, Nour...Dans la deuxième partie de la soirée destinée, à la photographie, Bohrane Cherbal nous donne à découvrir, à travers sa série baptisée «Réflexion» un jeu de reflets de visages, notamment captés sur des morceaux de verre brisés. Photos et sensations Ainsi, ici l'aspect esthétique prédomine sans pour autant avoir une histoire à raconter... à l'instar du photographe Meraga Abderaouf, qui, lui, nous plonge dans l'aventure de la cueillette des dates à travers des fragments d'images à recomposer comme un puzzle ou séparément...Chaque photo possède en elle une partie de cette aventure joyeuse qui se pratique en général en groupe. Aussi, le photographe fait un arrêt sur image tantôt sur une main, tantôt sur un pied ou un visage ou des visages pour nous composer cette fête humaine qui allie l'homme à la nature. Enfin, dans «Assima» Nadjib Brahim Djelloul nous dresse un tableau sans fard ni fioriture sur Alger à travers le portrait d'un microcosme humain que ce soit via les badaux ou lors d'un marché à la sauvette. Arrivant à la troisième partie de la soirée, dédiée au court métrage documentaire, nous sommes d'emblée plongés dans l'univers sombre de Mourad Hamla qui se fait violence pour nous narrer «La voix de ma mère». Une mère décédée il y a trois ans et dont le réalisateur n'a pu faire le deuil. Aussi, dès l'entame du film, nous sommes un peu perdus par cet amas d'images confus, passant du noir et blanc aux couleurs. Au fur et à mesure que le temps passe, nous sommes happés par la charge émotionnelle que dégage ce film, par sa composition visuelle qui, même si éclatée, réussit tout de même à replacer avec fidélité, l'âme du réalisateur, au coeur du sujet qui oscille, sans doute, entre il y a des jours «sans» et d'autres «avec» et cela se ressent à travers les images où nous sommes confrontés aux sentiments tourmentés et troubles du réalisateur et ses souvenirs amers, déclinés par bribes..Un réalisateur qui part parfois sur les lieux où il a vu son enfance s'épanouir aux côtés de sa mère, donne à voir des albums photos.... Un réalisateur qui se heurte à la grisaille de son passé recomposé. Des histoires et des émotions brutes Dans le film, un comédien marche tout au long du récit, et se veut ainsi la voix intérieure du réalisateur qui parle à sa mère et questionne ainsi sa propre souffrance. Un mal pour du bien peut-être pour aller mieux et aller de l'avant. Un film viscéralement sincère. Pour preuve, il réussira à nous secouer et nous soutirer, à la fin, des larmes! Un film des plus personnels et intimistes que l'on nous a donnés à voir durant cette édition...Ayant été moins séduits par le film qui suivra, celui de Amira Louadah, «L'Arche» aura eu tout de même cette originalité de raconter, via la fiction, une histoire plantée, à partir d'un décor et des personnages véridiques qui vivent au milieu du béton. Un milieu hostile dans lequel ils comptent bien se défendre contre un ennemi X... Enfin, dans «Mon paradis terrestre», Hichem Merouche nous introduit dans le coeur d'une association, «Amel», de Ben Aknoun, qui vient en aide aux malades autistes grâce aux traitements thérapeutiques avec les chevaux notamment, et d'autres jeux ludiques. Le hasard le fait tomber sur une fille au doux prénom de Nouhran dont le père raconte tout l'amour inconditionnel qu'il porte à sa fille. Aussi, nous apprend -on,que le lieu dans lequel exerce cette association est menacé d'être détruit et remplacé par un terrain de golf. Le père dira combien il est prêt à se battre pour défendre cet espace, qui relève d'une question de vie ou de mort, surtout pour le bien-être existentiel de sa fille avant tout! Un film bien émouvant aussi, car raconté parfois avec des silences et des regards qui en disaient longs sur ces personnes fragiles dont l'Etat devrait s'en occuper davantage. Bref, des films et des volontés tenaces de continuer de faire des films, des films et des engagements qui n'ont pas failli. Une belle soirée cinéphilique et cinématographique qui a bel et bien attesté des propos de Karim Moussaoui (réalisateur, scénariste et formateur au sein du Lab) et Abdenour Hochicche (responsable du département cinéma au sein de l'IFA), à savoir qu' il faut toujours se battre, même si l'on doute, on tombe, mais pour savoir rebondir et se relever pour parvenir à réaliser son film..Aussi, ne pas hésiter, s'il le faut, à réécrire son scénario, changer les donnes, et ne pas être braqué sur le réel préecrit dans sa tête, mais oser le modifier constamment pour un meilleur rendu, compréhension ou une autre vision plus aboutie et, cinématographiquement optimale et plus belle.