Les forces coloniales ont pratiquement mis 39 années pour parcourir les 535 km qui séparent El Bayadh, (ex-Géryville) de Bechar à raison de 13 km par an, 1 km par jour sur la résistance. La pénétration coloniale dans la région de la Saoura a été facilitée par des renseignements, géographiques, (relief), économiques, (ressources), culturels, cultuels, (Zaouïas) et sociologiques, (la composante humaine), fournis par les explorateurs français et allemand, (l'allemand Gérhard Rohlf en 1864, le français Camille Douls 1888-1889) et en aval par le commandant Codron du commandement militaire français à El Goléa en compagnie de deux adjoints,les officiers, Brenot et Palaska, (interprètes, arrivés à Igli à la suite d'une course-poursuite d'un Chambi. S'implanter durablement dans la vallée de la Saoura n'était réalisable d'après le rêve de Lyautey depuis son poste de commandement établi à Aïn Sefra 50 km au Nord de Bechar) qu'avec l'installation d'un poste de surveillance, (créé le 11novembre 1903, aux alentours de Ksar Bechar), sous l'appellation de Colomb Bechar. C'était sans compter sur la résistance farouche opposée à la colonisation conduite en aval par la tribu des Doui-Ménii au sud de Béchar et en amont par la tribu des Ouled Jérir à Zouzfana, (géographiquement à l'entrée de la Saoura par le nord). Il faut préciser que la pénétration coloniale française dans le Sud-Ouest était menée en amont et en aval pour prendre en étau toute la résistance. En suivant le schéma des explorateurs, les troupes coloniales françaises sous la direction du général Risbourg arrivent en aval, (par le sud), pour occuper Aïn Salah en 1898, Béni Abbès le 31 mars 1901, le colonel d'Eu à Tidikelt le 19 mars et le colonel Bertrand entre à Igli le 5 avril. Cette pénétration coloniale française fulgurante par le sud sera stoppée par la résistance des Doui Ménii, (dont le siège tribal est Abadla, (surnommé bled Mouk'hla, à 120 klm au sud de Bechar). On ne peut éviter de signaler que depuis la défaite de Cheikh Bouamama, les tribus arabes alliées se retirèrent dans cette région. Cette arrivée massive sera d'un soutien non négligeable au renforcement de l'armada de la résistance. La résistance des Ouled Ziad C'est ainsi qu'un contingent fut levé par les Doui Ménii avec l'alliance des Ouled Ziad, particulièrement les Jaramna commandés par un Menii. En effet, le 22 avril 1881, des partisans de Cheikh Bouamama, deux Ziadis, (de la fraction des Jeramna), de Rogassa, (chef-lieu de la tribu des Ouled Ziad, arrivée dans cette région des Hauts-Plateaux, wilaya d'El-Bayadh) en 1882, ont failli être arrêtés par le lieutenant Weimbrenner, chef du Bureau arabe d'El Bayadh), tué avec son escorte à Rogassa. Cette tentative d'arrestation et la liquidation de la patrouille a précipité le déclenchement inévitable de l'insurrection armée contre les Français que Cheikh Bouamama était en train de préparer minutieusement. Les Ouled Ziad se soulèvent suivis des autres tribus arabes. Cette action des Ziadis précipita les évènements par l'affrontement inéluctable avec les troupes coloniales. La débâcle de la résistance va entraîner les Ouled Ziad dans une extraordinaire aventure, une épopée de 48 années en passant par le Touat, le Gourara, les Touareg Ajjer, Ghadamès, Fezzan, (Libye), le Sud tunisien pour finalement, à la suite d'un accord signé le 4 septembre 1928 avec Paris, revenir à Rogassa en traversant les régions des Aurès, d'Ouargla et d'El Goléa, (odyssée d'une tribu saharienne merveilleusement narré par Pierre Boyer, conservateur en chef des Archives d'Outre-Mer, Aix en Provence), (ce qui explique probablement l'installation des Ouled Ziad, (fraction des Ouled Tayeb), les Benguerba à Méridja dont le maire, descendant de cette famille, signa l'acte de naissance de la JSS aux dires de Si Zéourati, l'infatigable responsable de l'équipe qui fait honneur à la région. La colonisation du Sud-Ouest s'achèvera par l'occupation d'Adrar le 31 mars 1934 et Tindouf le 31 juillet 1934. C'est ainsi que le Sud fut organisé en territoires militaires: Aïn Sefra, (pour le Sud-Ouest), des Oasis, de Ghardaïa et de Touggourt et recouvre la totalité du Sahara contrairement du Nord de l'Algérie, colonies de peuplement à l'instar des Amériques, de la Palestine, de l'Australie, organisées en départements et communes, (loi du 24 décembre 1902), suivi du décret du 14 aout 1905 et les limites territoriales définies par le décret du 12 décembre1905. La gestion administrative fut confiée à l'autorité d'officiers à la tête de bureaux arabes, placés sous l'autorité d'un officier supérieur, (général). Ces territoires du Sud furent élevés au rang de départements le 7 aout 1957, (celui des Oasis pour le Sud- Est et la Saoura pour le Sud-Ouest). Les juifs du Sud Pour information utile , signalons au passage que le décret Crémieux qui accorda la nationalité française aux juifs du Nord de l'Algérie ne s'applique pas aux Territoires du Sud. C'est ainsi que les juifs du Sud, en quittant précipitamment le Sud à l'indépendance de l'Algérie, se sont dirigés vers Israël. Quelques-uns ont pu rejoindre la France. Ils ont été confrontés à des tracasseries judiciaires bureaucratiques durant trois années pour être finalement considérés de nationalité française. Notons qu'Isaac Crémieux a profité de son poste de ministre de la Justice, garde des Sceaux pour prendre ce décret en faveur uniquement des juifs des départements d'Alger, Oran et Constantine. L'occupation de Bechar fut une position stratégique dans ses visées expansionnistes coloniales ce qui explique l'immense concentration de la présence militaire, (Bechar et sa base aérienne, Oued Namous, (chimiques), Reggan, (essais nucléaires). Bechar, est également la seule ville d'Algérie à avoir été dotée de deux voies de chemin de fer destinées à être gérées par deux sociétés différentes de chemin de fer: -1) la Société nationale de chemin de fer d'Algérie (Sncfa) -2) la Société franco-espagnole de chemin de fer Méditerranée- Niger, reliant Bechar au Nord du Maroc (Oujda avec vocation du transport des troupes coloniales jusqu'au Niger. Pour la première, c'est le 3 juillet 1905 que la première voie ferrée a atteint Bechar pour la relier au réseau ferroviaire du Nord algérien, deux années seulement après l'arrivée des Français en 1903. Elle a été inaugurée officiellement le 15 octobre 1905. Les Français ont pris exemple sur le Far West: chaque kilomètre de gagné, la pose d'un rail dans sa conquête territoriale. La seconde ligne de chemin de fer a été stratégique pour la lutte de Libération nationale, situation à laquelle l'autorité coloniale ne s'attendait pas. D'illustres militants de la cause nationale En effet, les cheminots du Mer Niger joueront un rôle clé dans la relation entre l'OCFLN et l'ALN, notamment par l'acheminement du courrier et particulièrement des fonds, nerf de la guerre. Trois cheminots vont se distinguer au déclenchement de la Révolution le 1er novembre 1954. Les trois sont des chouhada. -1) Le chahid Slimane Dahmani, dit Benlekhdim, de son nom de guerre si Chaib est membre de l'OS, il organisa des opérations militaires, (le déraillement du train Béchar-Oran en 1947). En septembre 1958, il tomba au champ d'honneur au Sud de la Zone 5 de la Wilaya 5 historique, à Sidi Chaib au Sud de Sidi bel Abbès. -2) Chahid Cheikh Bendjoudi, Bechar était dignement représentée en 1954 par Bendjoudi Cheikh au congrès présidé par Messali Hadj à Hornu, (Belgique, 14-17 juin). -3 le chahid Abdelkader Adrari, a rejoint le maquis le 1er novembre 1954, tombé au champ d'honneur le 12 novembre 1956. D'autres illustres militants de la cause nationale ont fait la gloire de la Saoura: Si Ahmed Belaid, dit Si Ferhat, officier de l'ALN, Chef de la Zone 8, si Cheikh Benguerba dit si Zineddine, officier de l'ALN, chef de Région, Zone 8, (1957/1962), si Abdelkrim dit Si Hadj 80, officier de l'ALN, Si Tedjini Zidani, officier de l'ALN, MALG, Cheikh Guerbi, responsable de cellules et agent des services de renseignements, (1958/1962, Si Mabrouk Lagra, premier secrétaire de l'OCFLN(1956/1962), Si Maâmar Abdelli,1956/1962, Si Slimane Bounegta dit Boudaoud, collecteur de fonds, si Larbi Benguerba 1925/1962 et tant d'autres etc. Bouriah Mohamed Belhadj, (1913/1979, de Bidon 2, membre du PPA/MTLD), fait la gloire de la région, digne représentant de Bidon 2, fief de maquisard de la 1ère heure, présent au congrès international syndical en 1936 en France. Dahmani et Bendjoudi doivent leur sens aigu et une conscience élevée du nationalisme par leur participation active au Mouvement national. Par ailleurs, dans un milieu socio-économique misérablement indescriptible, c'est une véritable prouesse pour la génération bécharienne d'être présente dans les structures du Mouvement national comparée à celle du Nord où la société se frottait à des mouvements de revendications, notamment syndicaux malgré une rude et pénible implantation de colonies de peuplement. Enfin, il y a lieu de citer les noms prestigieux qui ont été au service de la Révolution à Bechar. En 1952, le MTLD désigna à Bechar, Si Mohamed Méchati, futur membre des 22, qui a été mon ami et collègue. Si Méchati a atterri par une nuit sans lune, par train à Béni Ounif, (100 klm au Nord de Bechar. Il fut accueilli par un militant. Il le suivit, mais à peine s'il distinguait devant lui la silhouette de son compagnon. Lorsqu'ils pénétrèrent dans le domicile d'un autre militant qui les attendait, quelle fut la surprise de Si Méchati lorsqu'il découvrit que son accompagnateur de la gare était aveugle. Si Méchati s'installa à Kénadza où il devait se faire recruter aux Houillères. Malade et ne pouvant supporter le climat, si Méchati demanda à être libéré de cette charge. Constantinois comme son prédécesseur, Bachir Chihani lui succéda. Si Abdelkamel, chef de l'OCFLN, de son vrai nom Lagra Dine, membre du PPA/MTLD, (1908/1980), fut le dernier responsable politique régional, (1954-1962), le civil le plus élevé dans la hiérarchie révolutionnaire dans la région, dont je fus le secrétaire permanent, (1959-1962).
*Moudjahid et fils de moudjahid, Ancien secrétaire de l'OCFLN