Une vue de Béchar Dans la conception coloniale de l'Algérie, le Nord a été érigé en trois départements, (Alger, Oran, Constantine), dirigé par un gouverneur général civil. Sur la plage de Sidi Fredj, le 14 juin 1830 a vu le débarquement français en Algérie dont l'occupant turc endosse l'entière responsabilité de l'envahissement de la terre algérienne puisque l'histoire a recensé 11 causes à la base du déclenchement de la décision française, malgré que le motif réel fût bel et bien la colonisation, préparée dès 1803 par Napoléon 1er, dont les fondements s'expliquent dans ses visées expansionnistes et sa rivalité avec l'Angleterre. En tout état de cause, l'histoire de l'Algérie est jalonnée par les invasions qui ont proliféré depuis la nuit des temps au jour fatidique du 5 juillet 1962. Dans la conception coloniale de l'Algérie, le Nord a été érigé en trois départements, (Alger, Oran, Constantine), dirigé par un gouverneur général civil qui relève du ministère de l'Intérieur, devenu une colonie de peuplement par ordonnance du 22.07.1834 au même titre que la Bretagne (1491), l'Alsace (1645), la Corse (1709) et la Savoie (1860). L'Algérie reste le seul pays à travers l'histoire de la planète Terre où la colonisation de peuplement a échoué. Elle a réussi en Amériques, (Nord et Sud), en Australie. Seule, en Afrique du Sud et en Palestine, la terre a été divisée entre autochtones et occupants. Quant au Sud, dénommé le «Sahara» il a été dirigé par un haut du pavé militaire, un général et divisé en territoires militaires. Géographiquement, le Sahara est constitué à l'Est de zones tubulaires sablonneuses, (erg) et d'une plateforme pierreuse (hamada) à l'Ouest, dénommée les Oasis à l'Est et la Saoura à l'Ouest. La Saoura était pratiquement méconnue des Français contrairement au Sahara oriental et central, connus dès le XIXe siècle, Biskra, (1873), Laghouat, (1852). Les Français ont pénétré à Béchar le lundi 12 novembre 1903. Ils ont occupé Adrar le 31 mars 1934 et sont arrivés à Tindouf le 31 juillet 1934. Le lundi 1er novembre 1954 est inscrit de façon indélébile dans l'histoire de l'Algérie. Une poignée d'hommes, ayant comme seule arme leur simple et unique conviction dans la foi profonde dans l'action, ont décidé de déclencher une insurrection armée face à une puissance qui navigue dans le cercle restreint des grands de ce monde. Abdelkamel, Cheikh Bendjoudi ou Bélaïd Ahmed dit si Ferhat ou le martyr Adrari Abdelkader, furent de ces hommes qui au Sud étaient présents au rendez-vous de l'Histoire. Si Abdelkamel, de son vrai prénom, Dine, fils de Maâmar ould Benameur est né présumé en 1908 à El Bayad, (ex-Géry ville). Il est l'aîné d'une fratrie de 11 enfants. Il avait 20 ans quand son père mourut en 1928. Tous les biens laissés par le défunt père furent anéantis dans le cadre de la punition de la tribu, en raison de son engagement total dans la résistance à l'envahisseur colonial. Si Abdelkamel, sa mère, sa fratrie atterrissent finalement à Béchar. Son aïeul, Ziad, (éponyme de la tribu des ouled Ziad), est arrivé en 1382 en Algérie. Il s'est installé à Arbaouat, (El Bayad) où il est enterré, près de la tombe de Sidi Maâmar ben Alia. Ziad est le demi-frère de R'zine, (éponyme de la tribu des R'zaïna). Il est également le cousin de Méniî, (éponyme des Doui Méniî), des Akerma, des Ouled Jérir, et des Amours. dénoncé à l'armée française Si Abdelkamel a quitté Arbaouat en 1928 à la mort de son père. Il s'installa au Sud, car ruiné à la suite de la punition coloniale pour avoir été les soutiens du Cheikh Bouamama. Militant du PPA/MTLD, il est présent au rendez-vous historique du 1er Novembre 1954, comme chef de groupe de choc. Pour être dans le sillage du nationalisme algérien dans un Sud sous administration militaire, illettré, sous le poids écrasant de la misère, contrairement au Nord du pays sous gestion civile, se frottant à des syndicats et à une communauté européenne exaltée par la révolution de 1789, il fallait se réveiller tôt. Si Abdelkamel, n'a jamais cessé de renouveler avec insistance, sa disponibilité à rejoindre les maquis, malgré son âge avancé et sa position d'aîné, qui privilégient plutôt le plus jeune de la famille. Diverses correspondances ont été échangées avec l'ALN sur la question. Il a fallu, un ordre ferme émanant de cette structure, l'obligeant à ne plus poser cette éventualité, sa présence à l'intérieur du pays était plus efficace et indispensable que dans les djebels, ont répondu les militaires. Il fut donc chef de groupe de choc, 1954 à 1956, année à laquelle, il fut désigné comme chef de l'Ocfln, fonction qu'il assuma jusqu'en 1962, en réalité jusqu'aux assises institutionnelles de l'Etat algérien. Dans mon ouvrage édité en 2010, «Si Abdelkamel, chef de l'Ocfln, l'oublié de Béchar», j'ai publié les documents, confirmés et authentifiés par les actes originaux émanant de l'ALN, faisant ressortir sa qualité et son statut de responsable politique de Béchar et sa région, comme étant le seul civil, le plus élevé dans la hiérarchie de la Révolution. Durant les premiers mois de l'indépendance et jusqu'à l'instauration du premier gouvernement algérien, c'était lui qui provoquait et présidait des réunions publiques à Debdaba, (quartier nord de Béchar). Ensuite, je peux signaler sous la foi du serment, durant la lutte de Libération nationale, une rumeur avait circulé pour interdire la consommation de la cigarette. Tout récalcitrant aurait le nez tranché, celle-ci le faisait rire, parce qu'il la trouvait inapplicable. De ce fait, lorsque Si Abdelkamel pénétrait dans un lieu commercial, les fumeurs éteignaient illico-presto leur cigarette. (Ce qui laisse à penser que tout le monde savait tout bas qu'il était le chef du Nidam). Cette situation a été à la base de sa dénonciation à l'Armée de Libération nationale. Elle l'a rappelé à l'ordre, à maintes reprises. Autre élément écrit celui-là: l'ALN dans ses directives lui reproche son indiscrétion en confirmant que tout le monde savait qu'il est le chef. Pendant la lutte de Libération nationale et post-indépendance, Si Abdelkamel, démuni de ressources était locataire. Il changea à maintes reprises de lieux de résidence. Il vivotait, grâce à l'assistance de sa famille ou de l'aide de militants reconnaissants. La question cruciale était le paiement du loyer mensuel, qu'il devait honorer à son bailleur, mais l'hospitalité et la reconnaissance entremêlées que l'on reconnaît parmi les caractères fondamentaux des habitants du Grand Sud, ne pouvaient laisser indifférents les gens qui ont reconnu en lui un grand militant. Il a su démontrer dans les moments cruciaux, un courage exceptionnel, une maîtrise extraordinaire et une perception rationnelle des questions pertinentes durant la lutte de Libération nationale. Il se préoccupait quotidiennement de la vie des familles des martyrs, des militants ayant abandonné leurs foyers pour rejoindre les maquis, des prisonniers qui souvent ont laissé leurs familles à la merci du ciel. C'est ainsi qu'il était au quotidien face à la misère, lui, qui consacra toute une vie de militant infatigable, alors qu'il pouvait largement profiter de la période du début de l'indépendance, pour accaparer des biens laissés par le colonialisme. Certains ont bâti leur fortune actuelle sur les vestiges de l'occupation coloniale. Il n'a jamais sollicité un prêt financier, comme tant d'autres qui l'ont fait et d'ailleurs ne l'ont jamais remboursé. Quel paradoxe et quelle grandeur de l'Homme, lorsque l'on sait qu'il signait des témoignages en tant que responsable avec cet en-tête: «Responsable politique de Béchar», à des membres de l'Ocfln, qui grâce à lui, jouissent aujourd'hui d'une pension en qualité de moudjahid, les mettant à l'abri du besoin, vivant avec dignité et respect. Il a été arrêté le 12.05.1958 et torturé atrocement, mais n'a pas parlé. A ce propos, il faut préciser qu'il s'était rendu de lui-même aux forces colonialistes, du fait de l'arrestation d'un membre de sa famille en ces lieux et place parce qu'il portait le même prénom que lui. Chef de l'Ocfln, il a refusé d'exécuter la recommandation d'être évacué au Maroc compte tenu de sa responsabilité dans la hiérarchie révolutionnaire. Jusqu'en 1978, (année durant laquelle la maladie le cloua au lit), sous la plume de: «Responsable politique de Béchar», il signait les reconnaissances de participation à la lutte de Libération nationale. Il était démuni de ressources. A ma connaissance, il n'était pas titulaire d'une pension en qualité de moudjahid, surtout en tant qu'invalide à la suite de tortures endurées durant son incarcération en 1958. Cette situation de misère notoire est inqualifiable et inacceptable. Dire que des moudjahidine, avec lesquels il était en constante liaison durant la lutte de Libération nationale, (certains soit dit, sont passés par le maquis ou intégré le Nidam grâce à son précieux concours), ils ont bénéficié de prêts conséquents de la part de l'Etat. Ils se sont retrouvés du jour au lendemain dans une aisance financière qui crève les yeux. indifférence générale En 1985, lors d'un déplacement dans la région, son épouse, à qui je rends ici un vibrant hommage pour avoir accompagné dans la dignité si Abdelkamel jusqu'à la mort, partageant avec lui, la faim et la solitude, ayant comme seul compagnon dans ce parcours ignoble, sa seule foi en Dieu, le Tout-Puissant. Elle m'a fait part de sa détresse économico-sociale, particulièrement l'absence de ressources. Elle ne pouvait pas comprendre que quelqu'un comme Si Abdelkamel qui se consacra totalement au service de la cause nationale, ayant participé activement à la lutte de Libération nationale avec une foi militante et sincère au détriment de sa santé et de ses intérêts économiques, puisse être abandonné comme une quantité négligeable, dans une indifférence et un dénuement inexpliqués. Sur la base de ses informations, j'ai saisi, en date du 2 novembre 1985, par écrit le ministère des Moudjahidine, lui exposant la situation de la veuve. Il n'y a jamais eu de suite à ma requête. Ce que la veuve a enduré dans l'incompréhension générale d'une société frappée d'aveuglement et d'une cruelle amnésie est inacceptable. Si Abdelkamel mourut le 9 juin 1980, dans l'ignorance totale des hommes et des institutions étatiques, sans la moindre aide financière qui aurait pu le mettre à l'abri du besoin ou du moins l'aurait éloigné du spectre de la faim et de la misère qui ont été ses seuls compagnons avant de rendre son dernier soupir.