L'Algérie reste le seul pays de la région, avec le Soudan, à fermer le champ médiatique. Hachemi Djiar se contentera-t-il d'occuper une chaise vide au ministère de la Communication, ou bien est-il venu pour faire un travail? Est-il le chargé de mission qu'il a été dans d'autres occasions? La vérité est que le secteur de l'information est le seul depuis 1990 à n'avoir pas pu connaître un changement notable, si ce n'est dans le sens de la pénalisation de l'acte d'expression ; ce qu'on a désigné par le doux euphémisme du délit de presse ; au point que la presse est devenue un délit. Les différents titulaires de la communication qui ont proposé des projets de textes pour réformer le secteur, n'ont pas pu aller plus loin: parfois des commissions d'experts et de conseillers ont travaillé pendant des mois en pure perte, les travaux finissant toujours aux oubliettes. Khalida Toumi, Boudjema Haïchour, le docteur Mahieddine Amimour, le même sort a sanctionné leurs travaux: une fin de non-receveur. L'ex-chef de gouvernement Ahmed Ouyahia avait même osé, en 2004, avant le premier tour de la présidentielle du 8 avril, cette terrible confession: il faut être plombé de la tête pour s'opposer à l'ouverture audiovisuelle, avant de se raviser et de faire amende honorable. Depuis, la messe est dite. L'Algérie sera certainement le seul pays de la région, avec le Soudan, à fermer le champ médiatique. Alors que nos voisins marocains, tunisiens et même égyptiens peuvent aligner plusieurs chaînes. Avant de succéder à Ahmed Ouyahia, le nouveau chef de l'Exécutif, Abdelaziz Belkhadem, et néanmoins secrétaire général du FLN, parti majoritaire au Parlement et dans les autres assemblées élues, a installé un club de la presse qui a été chargé entre autres, de pondre une réflexion sur l'information en Algérie, prenant même sur lui de dénoncer l'emprisonnement des journalistes. Si une telle position donne le la, elle n'en reste pas moins insuffisante. Dans la réalité, on ignore quels sont les projets de la nouvelle équipe dans le domaine des médias. El Hachemi Djiar a-t-il été chargé de mettre en oeuvre une nouvelle législation, de s'attaquer à ces citadelles que sont l'ouverture audiovisuelle et l'investissement pour sortir la communication du marasme dans lequel elle se débat? On sait par exemple que les spécialistes ont établi un diagnostic sévère depuis belle lurette sur le désinvestissement dans le secteur. Si des journaux privés ont pu être lancés avec la cagnotte de deux ans de salaires, cela est le signe que ce secteur est considéré comme un parent pauvre. C'est donc, parallèlement à la rédaction de nouveaux textes pour dépénaliser l'acte d'informer et mettre un terme à l'emprisonnement des journalistes, à un véritable plan Marshall, qu'il faut appeler pour que l'Algérie rattrape son énorme retard dans le domaine médiatique. Une fois de plus, les autorités mettent l'accent sur la déontologie. Comment une telle chose pourrait-elle exister dans un pays où les journalistes, mis à part les patrons de presse, vivent dans des conditions très difficiles et ne sont pas protégés sur le plan socio-professionnel. C'est-à-dire qu'on demande trop aux professionnels du métier, sans aucune contrepartie, ni de la part de l'Etat ni de celle des patrons. Le nomadisme et le sous investissement, conjugués avec le verrouillage de l'audiovisuel, sont les deux boulets qui caractérisent le secteur. En d'autres termes, le costume de modernisme dont veut s'affubler le pouvoir actuel, trouve ses limites dans les freins et les obstacles qu'il dresse devant le développement d'un secteur qui, mondialement, connaît une croissance exponentielle. L'autre terme qui revient souvent dans les déclarations des responsables est celui de description et d'apaisement dans les relations entre la presse et le pouvoir. Là aussi, le diagnostic est faux. Les journalistes n'ont aucun problème avec le pouvoir. C'est le contraire qui est vrai. Dans la mesure où le pouvoir algérien n'a rien compris au fonctionnement d'un secteur où la créativité et l'esprit d'initiative sont fondamentaux. Vouloir à tout prix multiplier les freins et mettre la bride au développement du secteur, c'est prendre le risque de s'aliéner les forces vives et saines du pays, pour reprendre une expression galvaudée. Ainsi donc, il y a un ministre de la Communication dans le nouveau gouvernement: le fait est rare pour ne pas mériter d'être souligné. C'est du reste, a-t-on remarqué après coup, le seul fait notable de ce léger remaniement ministériel, ou plutôt lifting pour reprendre l'expression d'un confrère. On ne demande pas à Hachemi Djiar de nettoyer les écuries d'Augias, ni de réaliser les Douze travaux d'Hercule. Mais juste de permettre à l'Algérie de combler un tant soi peu les retards énormes accumulés par les médias algériens vis-à-vis de leurs confrères de cette rive sud de la Méditerranée. On reconnaîtra à M.Bouteflika le mérite d'avoir été le premier chef d'Etat en Algérie à avoir abordé de front la nécessité de promouvoir les nouvelles sciences de l'information et de la technique, et le fait d'avoir libéré la téléphonie mobile a permis de voir à quel point le secteur est un gisement d'emploi et de croissance. Néanmoins, les Ntic, ce n'est pas seulement la téléphonie mobile. L'audiovisuel, avec ces moyens modernes que sont les satellites, et le numérique terrestre, fait également partie des Ntic. Pour ce dernier pont, pourtant, on met en avant l'aspect politique. On veut à tout prix contrôler l'information, quel que soit son support, pour rester maître du jeu, y compris au détriment du développement national.