A l'origine de l'incident, l'interpellation musclée d'un jeune de la Cité des Bosquets Dans la nuit de lundi dernier, des échauffourées violentes ont secoué la ville de Montfermeil, une banlieue parisienne, opposant une centaine de jeunes cagoulés à 400 membres des forces de l'ordre, dont quatre compagnies, au moins, de CRS. Selon des sources autorisées, le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, devait se rendre hier dans la ville voisine de Gagny, au siège du commissariat central, pour y prendre le pouls d'une situation qui ne cesse d'inquiéter les hommes politiques de la Seine-Saint-Denis, toutes tendances confondues. A l'origine de l'incident, l'interpellation musclée d'un jeune de la Cité des Bosquets, un quartier difficile de Montfermeil, accusé d'avoir agressé le conducteur d'un bus, en présence du maire UMP de la ville, Xavier Lemoine, qui a, dans sa déposition, donné le signalement grâce auquel la police a identifié l'agresseur présumé. Répondant à l'arrestation expéditive du jeune homme, une centaine de jeunes habitants du quartier s'en sont pris à la grille de la maison du maire, bombardant la maison de cailloux et provoquant l'affolement de son épouse et de ses enfants, le maire lui-même étant à l'Hôtel de ville. Lequel n'a pas échappé à la vindicte des jeunes encagoulés qui ont pris pour cible la mairie sur laquelle ont été jetés deux cocktails Molotov, tandis qu'un bâtiment technique a été partiellement incendié. Pour le maire de Montfermeil, il s'agit là d' «actes d'intimidation» d'autant plus inadmissibles qu'ils interviennent en écho à l'arrêté municipal qu'il avait promulgué, le mois dernier, en vue d'interdire la formation et le déplacement de bandes de jeunes sur le territoire communal, mesure suspendue, début mai, par la justice mais ressentie par la jeunesse de la Cité des Bosquets comme une «provocation» ségrégationniste. Les plaies des émeutes qui ont secoué les banlieues françaises, au lendemain de la mort de deux adolescents des cités défavorisées de Clichy-sous-Bois, électrocutés dans un transformateur où ils s'étaient réfugiés à la hâte pour échapper à la poursuite de policiers qui les avaient pris en chasse sur présomption de culpabilité, sont loin d'être cicatrisées. Nombre d'élus et de dirigeants politiques craignent, à juste titre, qu'un incident quelconque ne vienne remettre le feu aux poudres, dès lors que la situation réelle est toujours caractérisée par le déni de justice et par la ghettoïsation de communautés tributaires du chômage endémique et de l'exclusion sociale multiforme. Les annonces d'un effort de rénovation des cités et de 100 millions d'euros de subventions pour lutter contre les discriminations raciales qui rongent la société n'ont pas fait illusion, non plus que les vagues promesses de partis politiques dont le discours ne leurre plus personne, au sein d'une jeunesse ballottée entre des pays d'origine qui n'en ont cure et qui n'entretiennent avec elle qu'une relation administrative, fort lucrative pour les seuls missionnaires besogneux qu'on affuble de l'étiquette pompeuse de diplomates, et un pays d'accueil qui ne leur concède leur nationalité d'adoption que le temps d'un scrutin pour lequel leurs voix s'avèrent indispensables. Noël Mamère a bien raison de considérer que «les feux de novembre sont mal éteints» et qu'«à la moindre étincelle, le feu peut reprendre». Et des étincelles, ce n'est pas ce qui manque dans une société marquée par l'arrogance des forces de l'ordre et par l'indifférence suspecte des hommes politiques face à un problème d'intégration que la France connaît pour la première fois de son histoire et qui s'explique par la hantise immémoriale des guerres de religions. La première d'entre elles pourrait être la reconstitution, demain matin, de la mort inique des deux adolescents de Clichy-sous-Bois, une reconstitution qui se déroulera, sans doute, dans un climat tendu et plein d'émotion qu'il faudra gérer avec le plus grand soin.