Sa démission était prête bien avant le 24 mai. Ahmed Ouyahia a rompu, jeudi, son long silence pour apporter «les précisions nécessaires», aux militants du parti et à l'opinion nationale, pris de court par les derniers événements. A l'occasion de sa première sortie publique après sa démission, il a réuni les coordinateurs de wilayas du Rassemblement national démocratique (RND) au siège de son parti. «Une semaine après mon départ du gouvernement, j'ai estimé qu'une rencontre avec les cadres du parti s'impose afin de débattre des dossiers ayant trait à l'actualité partisane et nationale», a- t- il déclaré. Sur ce plan, Ouyahia s'est montré très à l'aise, en abordant, dans son discours qui a duré plus d'une heure, les sujets et les polémiques ayant accompagné son départ, sans pour autant lever le voile sur les raisons l'ayant amené à quitter le Palais du gouvernement. Interrogé par la presse en marge de la rencontre, il s'est contenté de dire que, entre lui et le président «il n'y a aucun désaccord». Pourquoi avez-vous donc remis votre démission? lancent les journalistes. Ouyahia se contente de lancer un sourire, avant d'ajouter: «J'ai quitté le gouvernement sain et sauf malgré une campagne menée depuis octobre». Sur le même dossier il a confirmé que la chefferie du gouvernement a saisi l'APN le 8 mai pour la présentation de la déclaration de politique générale entre «le 24 et le 31 mai», déplorant «le cirque qui a eu lieu dans l'enceinte de la chambre basse sur cette question». Ahmed Ouyahia a reconnu que sa démission était prête bien avant le 24 mai. Son report était dû aux visites des diplomates étrangers dans notre pays. Si l'on s'en tient à ces déclarations, les choses semblent s'être accélérées pour le secrétaire général du RND entre le 10 mai, date du dernier conseil de gouvernement qu'il a présidé et sa dernière sortie officielle en sa qualité de premier responsable de l'Exécutif, et le 16 mai, qui a coïncidé avec le communiqué virulent du groupe parlementaire du FLN qui a tiré à boulets rouges sur le gouvernement Ouyahia. Que s'est-il passé durant cette période? Le bilan du gouvernement est-il derrière le départ d'Ouyahia? Le mystère reste bien entretenu par ce dernier et ses proches collaborateurs. La sortie, très attendue de l'ex-chef de gouvernement, a permis néanmoins au RND de lever les équivoques sur certains dossiers. La première mise au point, que Ouyahia a voulu apporter, concerne sa carrière politique, sujette, note-t-il, «à des analyses et à des polémiques». Le secrétaire général du RND ne quittera pas la vie politique. «Mon départ de la chefferie du gouvernement ne veut nullement dire que je vais renoncer à la politique», a-t-il précisé. Ouyahia, «mandaté par les militants», restera à la tête du parti. C''est du moins l'impression qu'il a laissée jeudi, en traçant la ligne politique que son parti va suivre pour l'avenir. Sur ce plan, le RND fait savoir qu'il ne versera pas dans l'opposition. «Les observateurs ont interprété ma déclaration faite au terme de la rencontre que j'ai eue avec le président de la République le 24 mai dernier, comme une volonté d'orienter le parti vers l'opposition déclarée ou non. C'est faux». L'occasion pour lui pour réitérer son soutien «indéfectible» au chef de l'Etat. «J'ai soutenu le Président lorsque j'étais au gouvernement et je continuerai à le soutenir en dehors de celui ci», déclare-t-il sans ambages. Et de rappeler que le RND a appuyé la candidature de M.Abdelaziz Bouteflika en 1999 et en 2004. Le parti n'a jamais trahi cette ligne qu'il assume pleinement, loin de tout esprit rentier. Preuve en est, «le RND avait 23 ministres et 157 députés durant le premier mandat du Président. Nous nous retrouvons aujourd'hui avec 6 ministres et une cinquantaine de députés». A ceux qui, au sein du parti, contestent cette position, il les renvoie aux résolutions du dernier conseil national tenu au mois de février, et dans lesquelles un consensus s'est forgé autour du soutien au président de la République. Avant de clore ce chapitre, il a remercié le président pour son appui durant sa mission à la chefferie du gouvernement et déclaré à la presse que son parti ne s'est jamais opposé à un troisième mandat pour le président de la République, tout en s'abstenant de réagir aux propositions du FLN sur la révision constitutionnelle. M.Ouyahia a abordé la question de l'Alliance stratégique, affirmant que son parti n'a pas l'intention de quitter cette entité, rappelant qu'il était à l'origine de sa création au début de l'année 2004. «Il est vrai que nous avons toutes les raisons d'en vouloir à nos partenaires, et quoi que l'on dise à son sujet, cette Alliance, qui a enregistré de grandes réalisations se poursuivra» , a-t-il martelé. Jeudi, Ouyahia a défendu le bilan de son gouvernement, en tentant de présenter certaines «réalités» sur les actions menées durant son mandat, comme la croissance qui a dépassé «5% durant les trois dernières années», la «réduction de 23% à 15,7% du taux de chômage, selon les statistiques de l'ONS», la réalisation de «360.000 logements», ainsi que le «succès» du dialogue avec les partenaires sociaux et économiques. Il a relevé aussi l'amélioration du pouvoir d'achat, grâce à l'augmentation de 25% en septembre 2003 du salaire national minimum garanti (Snmg), rappelant la dernière réunion entre les syndicalistes, les holdings et les sociétés par actions (SPA) sur les conventions collectives qui seront prochainement révisées. «Les actions du gouvernement n'étaient pas menées en dehors du programme du président de la République, comme certaines parties l'ont laissé entendre», a soutenu M.Ouyahia, ajoutant que «ce programme n'était nullement à l'arrêt», puisque 640.000 logements étaient en cours de réalisation à la fin mars et que 50% des grands projets inscrits dans le programme du gouvernement étaient lancés à cette date. «Le président de la République, lui-même semblait satisfait de ces réalisations», s'est-il adressé à la presse. Ouyahia a exhorté les cadres du parti à expliquer le programme du président dans ses deux volets économique et politique, principalement en ce qui concerne la Charte pour la paix et la réconciliation. Concernant la progression de son parti, Ouyahia a affirmé qu'il est essentiel de retenir «les leçons du passé», soulignant la nécessité de «renforcer la cohérence, l'union et la continuité au RND». Durant la journée d'hier, Ouyahia a reçu dans son bureau les coordinateurs des wilayas. Des directives ont été données pour renforcer la présence du parti sur le terrain. Dans le même cadre, Ouyahia va présider, ce week-end, les assises de la jeunesse à Djelfa, une rencontre qui va réunir dix wilayas.