La mobilisation ne faiblit pas au Soudan où les dirigeants militaires, avec à leur tête le général Abdel Fattah al-Burhane, continuent de faire face à la contestation civile, recourant depuis quelques jours à des coupures de l'Internet et du téléphone après avoir multiplié la répression dont le bilan, la semaine dernière, s'élevait à 48 morts et des centaines de blessés. Ils étaient, hier encore, des milliers d'opposants à manifester dans les rues de Khartoum et de la ville jumelle Oumdurman, ainsi que dans d'autres villes du pays, comme Madani, située à quelque 150 km de la capitale, malgré le verrouillage opéré par les forces de sécurité qui ont, dans la nuit, barré le passage, au niveau des ponts surplombant le Nil et des artères principales, en y déposant des blocs conséquents comme des containers et d'autres obstacles. Pour converger vers le palais présidentiel où campe le général al Burhane et ses proches, il fallait des trésors d'imagination mais cela n'a pas dissuadé les plus déterminés à donner le ton aux milliers de Soudanaises et Soudanais, munis de drapeaux et portés par les you-yous. Comme lors des samedis précédents, les mots d'ordre visaient l'armée et son premier chef, al Burhane, mais des slogans ont également ciblé, pour la première fois, le Premier ministre Abdallah Hamdok, parce qu'il a retrouvé son poste en échangeant d'une reconnaissance de la «légitimité» du pouvoir militaire imposé par al Burhane. Conscient de sa forte baisse de popularité, Hamdok a laissé filtré sa décision d'une démission toute proche mais cela n'a pas suffi à apaiser la colère des manifestants à son encontre. La semaine dernière, lors du troisième anniversaire de la «Révolution» qui a emporté Omar el-Béchir, après trente années d'une dictature militaire et islamiste, les manifestants ont essuyé une pluie de grenades lacrymogènes et même des tirs à balles réelles qui ont fait plusieurs victimes. On parle également de viols, du côté des observateurs de l'ONU. Tout cela n'a pas eu raison de la détermination du peuple soudanais qui doit affronter, depuis vendredi soir, des rafles nocturnes et le syndicat des médecins pro démocratie, artisan des bilans de la répression depuis trois années, a alerté sur le risque d'un nouveau déchaînement de violences. L'avertissement du gouvernorat de Khartoum a été clair, vendredi, affirmant que les forces de l'ordre «s'occuperont de ceux qui contreviennent à la loi et créent le chaos» en s'en prenant à «des bâtiments de souveraineté» tels que le palais présidentiel, le Parlement ou le siège de l'armée. Le Soudan où aucun gouvernement n'a encore été annoncé, depuis la libération et le retour de Hamdok dans le cadre d'un nouveau deal conclu avec les dirigeants militaires, vit dans la colère et une crise socio-économique qui affecte un despays les plus pauvres au monde.