Pays d'Afrique de l'Ouest, enclavé, géographiquement Sahélien ancien Haute Volta, capitale Ouagadougou, 20 millions d'habitants, langue officielle le français, a été baptisé Burkina Faso à l'arrivée au pouvoir de Thomas Sankara, digne burkinabé si l'on se réfère à la définition littérale «Pays des Hommes intègres». On dirait que l'Afrique renoue avec les coups d'Etat militaire, puisque, après le Mali puis la Guinée, voilà que le Burkina connaît à son tour une prise de pouvoir par les militaires. Parmi les pays d'Afrique de l'Ouest, le Burkinabé se caractérise par une diversité religieuse jusque là vécue en parfaite harmonie où l'Islam constitue 60% par rapport au Christianisme, (19%), Animiste, (15%), Protestants, (4%). L'Islam est arrivé au XVIe siècle. le Christianisme au XIX e siècle, introduit par le colonialisme et récemment le Protestantisme venu des Etats-Unis,(XXs). À l'instar du Liban, depuis quelques années, le pays connaît des tiraillements. Les musulmans déplorent la faible participation dans la gestion administrative et regrette que l'Etat ne traite pas Islam et Christianisme sur le même pied d'égalité. De plus, la présence de Djihadistes au Sahel, aux frontières avec le Mali et le Niger, appelé «triangle de la zone des trois frontières», accentue davantage cette nouvelle atmosphère régionale sahélienne de revendications de droits politiques et constitue une base d'instabilité sécuritaire difficile à faire face par le pouvoir faute de divers moyens, financiers, capacités militaires etc.., ajouté à cette instabilité politique régnante depuis l'assassinat de Sankara d'autant qu'après la nationalité burkinabé, le second critère identitaire est religieux, élément sensible et essentiel qui départage les communautés. Malgré cette composante socio cultuelle, le pays n'a jamais connu de conflit civil ou de tensions liées à l'appartenance religieuse. Musulmans, Chrétiens et Animistes vivent ensemble. Ils sont voisins et se marient entre eux. Mais les attentats perpétrés en janvier 2016 ont provoqué un choc, parmi le peuple et la classe dirigeante. Ils ont emboité le pas à des cas d'agression orale contre des musulmans, créant une stigmatisation méconnue par le passé et une inquiétude jusque-là inédite pour la simple raison que ces questions spirituelles sont couvertes de tabous. La recrudescence de la violence Les rapports politico-socio-cultuels sont fondés sur le pluralisme religieux, le côté confessionnel est classé en seconde position. La recrudescence de la violence au Sahel qui se revendique de l'Islam a donné naissance à une situation nouvelle où s'est installe la méfiance vis-à-vis de l'autre que le pouvoir politique en place voit d'un oeil de l'Autriche. C'est l'une des raisons essentielle du mécontentement militaire, ajoutée aux moyens dérisoires consacrés aux militaires qui sont en première ligne face aux djihadistes. Face à une classe dirigeante de civils préoccupés à pérenniser aux commandes politiques pour s'enrichir toujours davantage, (où déjà la question générationnelle se pose avec les civils), dans ces régimes de façade des pays africains, les militaires sont exaspérés parce qu'ils sont sur le terrain face à des éléments armés, actifs, rompus à l'exercice d'une vie difficile, qui n'ont pas peur de mourir. Le moyen unique de l'armée est de se saisir du pouvoir. Ils sont souvent jeunes et sans expériences politiques face à des loups, civils astucieux, issus et formés à l'école coloniale, rompus à la compromission peu importe avec lequel, pourvu de tirer leur épingle du jeu sans mise en cause de leur position dominante sur le peuple. Dans un Etat dirigé depuis longtemps par une élite majoritairement chrétienne, reposant sur un déséquilibre d'une discrimination intentionnelle, issu de la colonisation, c'est dans ce contexte tendu que le Président, Roch Marc Christian Kaboré a été évincé. Comme au Liban, malgré le poids démographique, les musulmans se sentent frustrés, méprisés par rapport aux autres confessions dans la représentativité au sein de l'Administration ou de la superstructure politique. Cette réalité, si elle persiste, avec la présence de groupes djihadistes se réclamant de l'Islam, peut entrainer la mise en cause de l'Etat et de la coexistence pacifique confessionnelle et du vivre ensemble. Déjà l'existence d'un système d'enseignement à plusieurs vitesse, reléguant la langue arabe, langue du Coran, à une place qui n'est pas la sienne n'est pas en mesure de favoriser la paix sociale et du vivre ensemble. Les burkinabés ayant effectués leur études dans les pays arabes, souvent monolingue, ignorant parfois la langue française, ne trouvent aucun débouché à leur retour au pays. Jusqu'à présent le Burkina a été considéré comme un bel exemple de tolérance et de pluralisme religieux. Mais les courants, wahhabite et salafiste qui traversent actuellement la communauté musulmane ne sont pas de nature à éviter une radicalisation religieuse et un terrorisme rampant dans une région sahélienne troublée par la violence islamiste. Il n'y a pas que l'Islam qui peut tomber dans un raidissement de la pratique religieuse, il y aussi le phénomène protestant attisé par un discours virolent de l'église évangélique incompatible avec la tolérance. Par ailleurs, en 1974, j'étais désigné d'assister une délégation voltaïque lors de son séjour algérien. Elle était composée de deux Ministres, Ali L., Ministre de l'Education Nationale, musulman et Lamizana, Ministre du Commerce et de l'Industrie, chrétien, (qu'il ne faut pas confondre sur le plan familial, avec Sangoulé Lamizana, unique Président musulman à accéder à la magistrature suprême en 1966 qui a eu pour effet, de constituer «un réveil islamique» traduit par un rapprochement diplomatique avec les pays arabes, rétablissement du pèlerinage des burkinabés aux lieux saints, la Mecque, entrainant une prise de conscience des musulmans de leur identité religieuse, leur poids démographique et le déficit au plan organisationnel par rapport au christianisme ce qui abouti à la création de la communauté musulmane du Burkina Faso, CMBF). L'autre est chrétien Ceci dit, le Ministre de l'Education Nationale burkinabé me fit part de son intention de rencontrer, Mr Benyahia Med Seddik, Ministre de l'Enseignement Supérieur au siège sis à la maison de la presse actuelle, Mr Abdelkrim Benmahmoud, Ministre de l'Enseignement Primaire et Secondaire, Mr Nait Belkacem Mouloud, Ministre es Affaires religieuses. Rendez vous fut pris avec les trois Ministres. Benyahia et M Ali L.se sont connus en France dans le cadre de l'Union des Etudiants Africains durant la période coloniale des deux pays. Je les ai vus échanger des regards interrogatoires me concernant. Je me suis levé pour quitter mais M Benyahia me demanda discrètement et à l'oreille de me présenter. Ma réponse fut brève; «Moudjahid et fils de Moudjahid, diplomate de carrière, avec à la clé à ce jour, 10 années de bons et loyaux. Services». Il me prit par la main droite et me fit assoir. Puis, au tour de Mr Benmahmoud. Le Ministre burkinabé sollicita de «l'aide, l'envoi d'enseignants pour la langue arabe et dans la mesure du possible ceux qui peuvent dans la foulée enseigner le Coran». A sa demande, il a émis le voeu de rencontrer les Algériens en tête à tête, sauf pour Mr Nait Belkacem où son collègue nous a surpris lors de notre départ de l'hôtel El Djazaïr et a décidé de nous accompagner. A l'audience, le Ministre Algérien fit un excellent exposé sur les religions, Islam et Christianisme et leur présence en Afrique subsaharienne. Arrivé à la religion chrétienne, il accusa le colonialisme d'être à l'origine de l'évangélisation des pays africains avec à leur tête les missionnaires pères blancs. J'ai remarqué à ce moment là, la gène de l'autre Ministre burkinabé, son visage rougir malgré la couleur naturelle. Tout essayant de boire mon jus, j'ai dit en arabe à M Nait Belkacem que l'autre est chrétien. Sans hésitation et spontanément il le regarda et lui dit «vous êtes chrétien», comme réponse, il hocha la tête d'un signe affirmatif. A quoi le Ministre algérien rétorqua «qu'il n'a rien contre la Christianisme mais c'est un fait historique et l'histoire est implacable». Enfin, actuellement, un jeune Lieutenant Colonel, Paul Henri Sandeogo Damiba, à la tête d'un Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration, a pris en main les destinées du pays. L'ex Président de la République est en détention dans un lieu gardé secret et la suspension de la constitution, le parlement et le gouvernement dissout, les frontières terrestres et aériennes sont fermées. Les militaires doivent faire face à un ordre du jour dont ils connaissent parfaitement la gravité de chaque point: à savoir la corruption de la classe politique dirigeante, la position à faire face à la présence djihadiste et française (engagement militaire décriée par des manifestants anti français et pro russes), le soutien populaire au MPSR, un couvre feu de 21h à 5h sur tout le territoire, le siège du Parti au pouvoir incendié, les moyens à mettre en oeuvre à l'égard du «Groupe de Soutien à l'Islam et aux Musulmans, (GSIM), filiale d'el-Qaïda et de l'organisation Etat Islamique du Groupe Sahara, (EIGS). Quant aux citoyens musulmans a pesé de toutes leurs forces pour maintenir l'existence d'un Etat démocratique basée sur es principes fondamentaux républicains. La coexistence pacifique confessionnelle qui a prévalu jusqu'à présent doit demeurer en pratique. Pour le moment, le vivre ensemble est la seule voie qui se dessine à l'horizon. *Ancien Diplomate