La pauvreté a atteint un nouveau pic au Maroc où 10 millions de personnes, soit presqu'un tiers de la population globale, vivent avec moins de 2 dollars par jour. La détérioration continue des conditions de vie a fait l'objet d'un dossier du quotidien L'Opinion qui dénonce la précarité accrue dont souffrent des millions de familles marocaines, 50 ans après le recouvrement de l'indépendance. Selon le journal, un quart de la population est dans un état d'extrême pauvreté tandis que 80% des Marocains reçoivent un bas salaire qui leur permet tout juste de subsister. Il est vrai qu'ils sont encore 60% à vivre dans les zones rurales où ils sont démunis des moyens de subsistance élémentaire (électricité, gaz, eau courante etc). Le Maroc se caractérise, à l'instar de la plupart des pays en développement, par une mauvaise redistribution des richesses nationales et surtout par une insuffisance patente des mécanismes de la solidarité nationale qui sont, évidemment, régis par une politique définie au niveau gouvernemental. L'an dernier, le très officiel Haut commissariat marocain au Plan (HCP) reconnaissait dans son rapport un taux de pauvreté de l'ordre de 14% pour une population estimée à 29,8 millions de personnes. Le chômage est cruellement ressenti dans les zones rurales, particulièrement affectées par le sous-emploi, au point que la moitié des communes (600 sur les 1200 du Maroc rural) sont dans un état de dénuement absolu. Côté urbain, les choses paraissent un peu plus rassurantes, 40 des 265 communes urbaines étant touchées par la précarité. Dans son tout dernier rapport sur la situation économique du pays, le FMI avait considéré qu'il n'y aurait aucune amélioration sensible dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et le chômage tant que le taux de croissance n'atteindrait pas le niveau de 5%, performance que l'économie marocaine, essoufflée et ne disposant guère des atouts nécessaires, est loin de réaliser. Conséquence du phénomène, le travail et l'exploitation des enfants ont connu, ces dernières années, une évolution préoccupante. Interpellé par les Ong internationales, le gouvernement marocain peine à trouver les solutions adéquates. L'an dernier, il avait lancé, à grands frais, un programme d'action fort ambitieux, baptisé «Le Maroc digne de ses enfants». Côté parlementaire, un projet de loi est débattu qui vise à réglementer le travail des enfants, devenu un véritable défi aux règles et aux idéaux d'organisations comme l'Unicef, très offensive sur la question. Il faut dire que l'une des conséquences de la paupérisation a trait au nombre sans cesse accru d'enfants sortis du système éducatif (plus de 600.000, officiellement). L'attrait des villes comme Marrakech est tel pour les populations rurales, que les familles, surtout lorsqu'elles sont éclatées, ne rechignent pas à exploiter, elles-mêmes, leurs enfants de diverses manières. La mendicité est le grand domaine où active la majorité d'entre eux, mais le tourisme aidant, l'exploitation sexuelle est aussi un fléau que les autorités observent, avec plus ou moins de sévérité, ne réagissant qu'aux cris d'alarme, fréquents et sévères, des médias. Les victimes les mieux loties, si l'on peut dire, sont celles qui sont exploitées comme domestiques par des familles de la petite bourgeoisie locale, au mépris des textes et des droits les plus élémentaires. En 2006, aucun programme d'envergure n'a encore été défini par le gouvernement marocain en vue d'entreprendre une lutte efficace contre le chômage et la pauvreté, principalement dans les zones rurales où la misère est de plus en plus ancrée, contraignant chaque année des centaines de familles à un exode forcé.