L'ancien président algérien, Ahmed Ben Bella, plaide, encore une fois, pour concrétiser l'Union maghrébine. Le tout est de savoir au profit de qui ? Ben Bella, qui participe à une conférence à Casablanca sous le thème «L'Unité du Maghreb arabe dans la mémoire des mouvements de résistance et de l'armée de libération», qui réunit des historiques des cinq pays de l'UMA, n'a pas résisté à la tentation de lancer quelques conseils aux dirigeants maghrébins, particulièrement le roi Mohamed VI et le Président Bouteflika, les incitant à concrétiser au plus vite une «alliance cruciale» pour le Maghreb. Interrogé sur le dossier du Sahara occidental, l'ex-président Ben Bella a évoqué «la souveraineté des peuples du Maghreb» sur leurs territoires sans préciser s'il s'agissait de la conception marocaine qu'il avait déjà défendue ou celle concernant les Sahraouis. La couverture dont a bénéficié Ben Bella lors de son séjour marocain représente pour les officiels marocains une formidable publicité pour leur «troisième voie». Couvé par les «meilleures intentions», Ben Bella a plaidé la cause d'un rapprochement algéro-marocain qui devrait se faire rapidement, incitant les deux partenaires à concrétiser une entente. Mais les interventions politiques de Ben Bella se font dans une mauvaise conjoncture marquée, certes, par une rupture de la glace entre Alger et Rabat, mais également par une tension permanente sur le dossier du Sahara occidental. Du fait de sa proximité du Président Bouteflika, les déclarations de Ben Bella peuvent mettre en porte-à-faux la ligne diplomatique algérienne. En d'autres circonstances, les interventions de Ben Bella sur diverses questions politiques et diplomatiques, ont mis en porte-à-faux la position officielle d'Alger. Au point de troubler les observateurs politiques qui voient souvent dans les agissements de cet ancien chef de l'Etat une action diplomatique «parallèle» à celle du gouvernement algérien. Il en fut ainsi en Irak, en 1991, lorsque Ben Bella avait «grillé» les diplomates algériens qui avaient une position intermédiaire sur la guerre koweïto-irakienne en allant rencontrer Saddam Hussein. Il en fut de même pour ses missions de bons offices entre l'Europe et la Libye, puisque Ben Bella a pratiqué un lobbying actif sur l'affaire Lockerbie ainsi que pour la levée de l'embargo contre la Libye. Tripoli lui a été redevable de différentes manières puisque même un hôtel dans la capitale libyenne porte son nom. Ainsi, Ben Bella participe, indirectement ou non, aux pressions marocaines actuelles qui tendent à multiplier les voix pour mettre en minorité les thèses qui prônent un règlement par référendum du conflit au Sahara occidental. La position de Ben Bella ne semble pas varier sur cette question depuis qu'il a choqué l'opinion publique algérienne par ses affirmations quant à son «identité marocaine» et son alignement sur la thèse royaliste du «Grand Maroc». De médiateur non souhaité, Ben Bella provoque des interférences dans le jeu politique maghrébin. Et même si son poids politique est à la mesure de ses apparitions rares, ces dernières mettent en cause la crédibilité de la politique algérienne dans la région surtout qu'il peut se targuer d'amitiés présidentielles. Expatrié en Suisse, Ahmed Ben Bella rêve apparemment toujours de jouer un rôle politique de premier plan que ce soit en Palestine, en Libye, au Liban-Sud ou dans les pays du Golfe. Quitte à enfreindre la règle sacro-sainte de ne pas aller à l'encontre des positions officielles de son pays surtout dans un dossier aussi délicat que les relations maghrébines. Encore plus lorsqu'on a été le premier président de l'Algérie indépendante et qu'on a connu la Guerre des sables de 1963...