Durant la campagne électorale pour la présidentielle, Emmanuel Macron avait promis un changement de méthode et un ancrage beaucoup plus social que lors de son premier mandat. Avec le gouvernement conduit par Elisabeth Borne, passée par le directoire de la SNCF et de la RATP et ministre de Jacques Chirac, il semble qu'il se livre à un jeu d'équilibriste difficile pour tenter de séduire à droite comme à gauche et cela en prévision des législatives de juin prochain. Car le véritable enjeu est bien de récidiver en arrachant une nouvelle majorité à l'Assemblée nationale et pour cela, il lui fallait convaincre le plus grand nombre d'électeurs de sa détermination à gouverner «autrement», loin des «rites et chorégraphies usées». Pourtant, la nouvelle équipe n'a pas de quoi émouvoir. La plupart des «barons» du gouvernement sortant ont été reconduits, notamment ceux en charge de l'Intérieur, de l'Economie et de la Justice. Seul grand écart qui n'a pas manqué de provoquer l'ire de l'extrême droite, la nomination de l'historien Pap Ndiaye à l'Education ne peut à elle seul faire illusion quant à la volonté de travailler avec «un gouvernement nouveau» pour satisfaire «un peuple nouveau». À moins d'un mois du rendez-vous législatif, le président réélu pour la première fois depuis 1965, hors période de cohabitation, n'a pas voulu courir de risque en s'engageant dans une politique de rupture. Au contraire, il a privilégié la continuité, assaisonnée de quelques facettes destinées à donner le change. Bref, plus de la moitié des membres sortants sont de nouveau de la partie et la grande question se pose de savoir si les Françaises et les Français vont y voir un quelconque message à l'heure des grandes crispations qui se dessinent autour de l'enjeu majeur du pouvoir d'achat ainsi que des angoisses suscitées par le contexte de crise internationale aiguë. Tandis que le pays, souvent décrit comme fracturé, attend un signal qui le rassure, voire un message déterminé pour l'encourager à bien choisir les 12 et 19 juin prochain, l'Elysée a répondu par une sorte de statu quo, laissant en marge les promesses de renouvellement et plus encore celles d'une quelconque audace. Tel est, d'ailleurs, le sentiment du chef de file de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, née d'un programme commun de la gauche plus ou moins revisité, Jean-Luc Mélenchon. Celui-ci, et il ne s'en cache pas, est résolu à bouleverser l'échiquier parlementaire et à imposer au président réélu une cohabitation dont tout indique qu'elle ne sera en aucun cas un long fleuve tranquille. Bien entendu, la nouvelle Première ministre Elisabeth Borne défend son équipe et plaide en assurant qu'il s'agit d'«un gouvernement paritaire, c'est important. (...) Il y a un équilibre entre certains qui étaient déjà ministres et des nouvelles figures. Des personnalités qui viennent de la gauche, du centre, de la droite (...) mais qui partagent la volonté de mettre en oeuvre le programme pour lequel Emmanuel Macron a été réélu». Mais l'ambiance générale n'est guère à l'optimisme quand on sait que la question sociale, primordiale avec la crise des Gilets jaunes, et celle de l'enjeu climatique vont lourdement peser dans les débats du scrutin législatif.