Rude soirée (de clôture) pour le président Vincent Lindon et son jury. Les initiés aux rituels, en pareilles circonstances, ont certainement décelé la même impression de gêne rendue, pourtant invisible, par le talent de ces artistes qui ont constitué la dream team de cette 75e édition cannoise. Même si c'était devenu de plus en plus clair, au fur et à mesure que les ex aequo étaient annoncés. Généralement cela traduit de cornéliennes situations, comme autant d'orages d'été en suspens. Mais la spontanéité des récipiendaires et des remettants, parvint à apporter suffisamment d'éclaircie pour rappeler à tout le monde qu'un festival ce sont surtout des films et encore des films! Et comme la cuvée, cette année, a été plus bonne que la moyenne, on oubliera le reste. On omettra donc de relever les oublis flagrants d'oeuvres sublimes autant que fortes, comme celles du roumain Christian Mengiu «MRN» et du russe Kirill Serebrennikov «La femme de Tchaïkovski». Et on se consolera, quand même, de voir figurer en bonne place «EO» du vétéran polonais Jerzy Skolimowski, «Le Otto Montagne» des Belges Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen, et surtout du très fragile bijou cinématographique «Close» de Lukas Dhondt qui constituera avec les frères Dardenne, la triplette gagnante de ce festival de Cannes. Jean-Pierre et Luc Dardenne auront trouvé cette année, la place qui leur sied, sans éveiller de protestations possibles, le Prix du 75e anniversaire, pour «Tori et Lokita» leur va comme un gant, récompensant ainsi une présence remarquée et parfois remarquable, surtout les fois où ils repartirent avec la Palme d'or pour «Rosetta» (1995) et récidivèrent avec «L'Enfant» (Palme d'or 2005). Dans les satisfactions moyennes on placera, Zar Amir Ebrahimi, pour son rôle dans «Les Nuits de Mashhad». L'actrice iranienne, qui a fui une violente cabale dans son pays, n'aura pas démérité et son combat contre l'obscurantisme et le courage qu'elle a eu en assumant ce rôle dans cet implacable réquisitoire du cinéaste iranien Ali Abassi, contre le fémlnicide qui frappe son pays et la misogynie sévissante. Pour son rôle dans «Les Bonnes étoiles», tourné en Corée par le Japonais Hirokazu Kore-Eda, l'inoubliable acteur sud-coréen de «Parasite» (2019), Song Kang-ho, a donc reçu lui aussi un Prix, mérité, mais pas forcément justifié, d'autres noms étaient aussi éligibles cette année pour ce Prix d'interprétation masculine. Soulagement de voir «Crimes meurtriers» du grand Davis Cronenberg, laissé sur le bord de la route, cette fois. Le bolide avait un moteur de tacot. On annonce un renouvellement du genre, dans le prochain film de Cronenberg dont le tournage est annoncé pour 2023. Le soulagement aurait été complet, si le film suédois de Ruben Östlund, «Triangle of Sadness», mais il est retourne à Stockholm avec une seconde Palme (après «The Square» en 2017), un ramassis de haine et de suffisance par un cinéaste prétendument marxiste (sic), qui pense, sans doute, qu'en se faisant un nom et une réputation, en éreintant un milieu où il évolue comme un saumon de Norvège dans une baignoire de palace cinq étoiles, il participerait à la lutte des classes, il ne manquerait pas d'air. En tout cas, cet élément vital a bien manqué aux malheureux spectateurs présents à la projection cannoise. Le dandysme est un art et même un des beaux-arts, il ne se déclame pas, il se vit. Sinon, au pire, il serait l'incarnation d'une faute de goût et, au mieux, une tromperie, comme tout ce qui brille et qui n'est pas forcément de l'or... Palmarès complet Palme d'or: Sans filtre de Ruben Östlund Grand Prix ex aequo: Close de Lukas Dhont et Des étoiles à midi de Claire Denis Prix d'interprétation féminine: Zar Amir Ebrahimi dans Holy Spider Prix d'interprétation masculine: Song Kang-ho dans Les Bonnes étoiles Prix du jury ex aequo: Les Huit Montagnes de Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen et EO de Jerzy Skolimowski Prix de la mise en scène: Decision to leave de Park Chan-wook Prix du scénario: Boy from Heaven de Tarik Saleh Prix du 75e anniversaire: Tori et Lokita de Jean-Pierre et Luc Dardenne pour Caméra d'or: War Pony de Gina Gammell et Riley Keough Mention spéciale de la Caméra d'or: Plan 75 de Hayakawa Chie Palme d'or du court-métrage: The Water Murmurs de Jianying Chen