Parler de recherche semble facile. Mais la réalité semble loin de ce tableau idyllique. Les chercheurs algériens existent et on les a rencontrés. Certes, et selon la presse, près de 40.000 d'entre eux se sont expatriés et des chercheurs confirment ce malaise. Pour mieux connaître la situation, on a rencontré quelques-uns de ces «coureurs de fond». Ainsi, le Dr Hamada Boudjemaâ de l'INH de Boumerdès, directeur du laboratoire de synthèse pétrochimique, en parle à coeur ouvert. Cet homme passe sa vie entre les calculs et les éprouvettes, diplômé de l'Institut pétrolier d'Azerbaïdjan il dirige aujourd'hui, six équipes de recherche dans les domaines de la pétrochimie. Le Dr affirme rencontrer des problèmes liés à l'organisation de la recherche, comme il ajoute qu'il y a des lacunes dans la gestion des laboratoires de recherche. Le laboratoire que dirige le Dr Hamada est des plus importants car il travaille sur des sujets très pointus liés principalement à la recherche pétrolière et aussi à des domaines sensibles tels que la décontamination des pesticides périmés, un angle de recherche pris en charge par les Nations unies. Le Dr Hamada et son équipe et notamment le Dr Gherbi, le chef d'équipe de recherche travaillant dans la même équipe que lui, ont bien du pain sur la planche avec en sus de leurs activités normales des prestations pour les entreprises du secteur pétrolier, le laboratoire se voulant également un cadre d'expertise pour les problèmes d'environnement. La recherche c'est aussi d'autres secteurs, pas seulement le pétrole. C'est ainsi que l'on a rencontré le Dr Dourari ayant fait la Sorbonne d'où il est sorti comme docteur et l'université d'Alger où il a décroché son doctorat d'Etat. Aujourd'hui, M.Dourari est professeur en sciences du langage à l'université d'Alger et directeur du Centre national pédagogique et linguistique pour l'enseignement de tamazight à Alger. Selon lui, «le chercheur est d'une manière générale un solitaire. Certes, le second aspect de la chose est le fait qu'il soit presque marginalisé par la société qui ne lui accorde aucune place. Il n' y a pas de valorisation du savoir et pas d'autonomie du champ scientifique. C'est sur ce plan qu'on peut dire que le chercheur est solitaire chez nous.» Pour ce qui est des moyens mis à la disposition des chercheurs, M.Dourari affirme qu'ils n'ont aucun moyen. Et comme pour étayer ses dires ce chercheur dira: «Le gros problème reste la documentation nécessaire et qui manque cruellement, aucune bibliothèque ne fonctionne correctement dans nos universités du fait que le fonds documentaire n'est pas actualisé et que l'essentiel des documents n'est pas en ligne.» Le Dr Dourari émet le voeu de voir les bibliothèques dotée d'un réseau intranet afin que les uns et les autres puissent consulter tel ou tel document là où il se trouve. Cependant, ce qui donne un aperçu de l'état de la recherche c'est cette phrase du Dr Dourari: «Aujourd'hui je ne suis pas en mesure de recruter des chercheurs pour le centre que je dirige car je ne peux pas les payer en tant que chercheurs» M.Dourari soulève le problème du statut légal des chercheurs. Enfin il revient sur cette lancinante question du salaire du chercheur, c'est vrai que l'argent est le nerf de la guerre, selon M.Dourari. «Quand on compare le salaire du chercheur normalement payé on s'aperçoit que chez les voisins immédiats, Maroc et Tunisie, le chercheur est dix fois mieux payé que leur homologue algérien.» Et de conclure: «Le chercheur est aujourd'hui, du moins en l'état actuel des choses et en Algérie, un véritable militant.» Quant à M.Brahim Salhi, maître de conférences au département d'architecture de l'université Mouloud-Mammeri et chercheur associé au Crasc d'Oran, il dira: «Le vrai problème de la recherche chez nous est le statut du chercheur. Il est sous-rémunéré et en fait tout l'environnement de la recherche, tant les institutions que l'environnement social, fait que cette dernière n'arrive pas à se faire entendre. Comment expliquer qu'hélas, à cette allure, l'on a l'impression de faire de la recherche pour la recherche. Il y a des compétences mais elles ne sont pas sollicitées. Le produit de la recherche ne circule pas. Ainsi c'est le manque de revues scientifiques qui fait que les choses se passent en vase clos. Comme il faut aussi dire que l'absence de consécration est un autre sujet à méditer. On peut passer jusqu'à vingt ans face à ses préoccupations ou autour des problèmes liés à un sujet sans que l'on sache si cela a abouti et surtout sans que l'on profite réellement des résultats. C'est dire que l'on a une recherche atrophiée et manquant de visibilité. Cela veut dire en gros qu'il n'y a pas de politique de bonification des produits de la recherche.» M.Salhi espère et souhaite vivement que les choses évoluent, et vite, car actuellement il dit ne pas voir l'horizon se dessiner et la recherche est selon lui comme «une voie de garage». M.Salhi évoque l'écart entre le chercheur algérien et les autres ailleurs. C'est ainsi qu'il déplore que, pour le moment, la seule possession d'un ordinateur portable, qui est désormais aussi utile qu'un crayon, reste du domaine du rêve. Il en est de même pour l'accès à Internet car, selon lui, mis à part l'université, le chercheur n'a que le cybercafé pour...travailler. Des chercheurs existent et font part du malaise qui les prend à la gorge, et tous disent souhaiter que les responsables se penchent davantage sur toutes ces questions, en fait des petits riens qui mis bout à bout deviennent des montagnes.