Les réformes entamées depuis 15 ans tardent à voir le jour malgré la pression des pays émergents. L'Organisation des Nations unies (ONU) se trouve à la croisée des chemins. La fin de la bipolarité et de la guerre froide a créé des déséquilibres régionaux aux conséquences incommensurables sur les pays pauvres. Les événements du 11 septembre ont sonné le glas d'une époque. Désormais, au nom de la sécurité interne des USA, aucune loi ni aucune institution ne peuvent freiner la guerre «préventive» que mène Bush à tout vent. L'association El Amel pour le développement social a organisé hier une journée d'étude sur la réforme de l'ONU. Abdellah Baali, ancien représentant de l'Algérie à l'ONU et ministre conseiller aux AE, a animé une conférence sur le thème pour mettre en valeur les réformes ainsi que les blocages qu'elles subissent. Il a dressé un tableau peu reluisant de l'institution qui est censée être la garante de la paix et de la sécurité dans le monde. D'emblée, on relève l'ambivalence dans les prérogatives des deux instances clés de l'institution. On ne sait plus où commencent les prérogatives de l'Assemblée générale (AG) et où finissent celles du Conseil de sécurité (CS). En théorie, les deux instances se schématisent en un Parlement et un exécutif. Mais, dans les faits, le CS a pris des «pouvoirs exorbitants» d'une manière telle que ni le SG ni l'AG ne disposent d'aucun pouvoir contraignant susceptible de le remettre à l'ordre. Créée en 1945, après la Seconde Guerre mondiale, l'ONU devait servir d'outil de paix ou de médiation, voire d'anticipation sur les conflits à venir. Dotée d'une charte et d'instances infaillibles, elle avait tous les atouts pour réussir. Mais les conditions de sa création auront des relents néfastes sur son devenir. Elle a été créée par les vainqueurs de la guerre et ne pouvait, par conséquent, aller à l'encontre de leurs intérêts. Selon Baali, l'ONU a rempli sa mission au tout début. La guerre froide a permis l'établissement des équilibres par une paralysie du CS; situation qui a rendu plus fiable sa mission de décolonisation. Elle était plus représentative. Mais les problèmes n'ont commencé qu'avec la fin de la guerre froide et l'apparition des conflits ethniques, notamment des Balkans, et le retour sur scène du CS qui devait logiquement intervenir sur ordre du pouvoir «législatif» qui n'en est pas un. Le conférencier cite la guerre de Corée où l'AG a produit une résolution historique au grand dam du CS qui est resté impuissant. Ce n'est plus le cas à présent. L'initiative revient à celui qui finance. Les USA ont usé de cette menace bien avant les événements du 11 septembre. La première guerre du Golfe a mis à nu cet hégémonisme américain qui ira s'accentuant au fil des jours. Les difficultés de l'ONU sont énormes. «Elle connaît une grave crise», indique Baali. Les rôles des deux instances sont inversés. Le CS est devenu législateur et exécutant de ses propres résolutions à sens unique, parce que conforté par le chapitre 7 qui lui donne les pouvoirs de sanctionner ; chose dont l'AG ne dispose pas. Les réformes tournent généralement autour du partage du pouvoir. Les pays vaincus ont recouvré leur santé. Le Japon, l'Allemagne, rejoints par le Brésil et l'Inde revendiquent l'intégration au CS. Les cinq acceptent mais, en même temps, refusent de partager le droit de veto. Les pays en voie de développement proposent une autre formule. Ils veulent des sièges semi-permanents où la représentativité des cinq continents serait retenue. La décision revient aux puissants qui ne le seront plus dans quelques décennies. Les intervenants dans le débat ont soulevé toutes sortes de contradictions, y compris celles relatives à la politique du «deux poids, deux mesures» et la partialité criante dans le conflit du Moyen-Orient. Baali estime que le SG n'a pas de «vision» claire ni de charisme. La question de concurrence entre l'Otan et l'ONU a été posée. L'ancien représentant de l'Algérie de l'ONU reconnaît que les Américains comptent sur la puissance armée de l'Otan plutôt que sur les discours vaseux de l'ONU. Ils veulent réduire l'ONU à sa simple expression. Un autre intervenant suppose la fin de mission de l'Onu qu'il faudrait remplacer par des institutions régionales plus représentatives. Maya Sahli, universitaire et enseignante à l'ENA, pose une question déroutante: «L'ONU a-t-elle plus besoin d'un secrétaire général ou d'un général?». Baali acquiesce d'un sourire: «L'ONU n'est pas dans l'impasse. Elle doit choisir entre une nouvelle configuration ou le déclin.»