Journée cruciale, demain, chez le voisin de l'Est. Les Tunisiens sont invités à exprimer dans les urnes leur acceptation ou leur rejet du projet de nouvelle Constitution porté par le président Kaïs Saïed. Ils vont voter dans le cadre d'un référendum qui va consacrer le retour à un processus démocratique «normal» et atteindre la stabilité politique, économique et sociale. Cette consultation électorale qui intervient sur fond d'une grave politique qui dure depuis maintenant une année, appelle à plusieurs interrogations: les Tunisiens vont-ils se rendre aux urnes pour approuver le projet constitutionnel du président Kaïs Saïed? Les critiques vont-elles réussir à porter atteinte à sa réforme présidentialiste? L'opposition de la population au parti islamiste Ennahdha et la crainte de revenir à un blocage politique assurent toujours au camp de Kaïs Saïed une large popularité. Publié le 30 juin, le projet de nouvelle Constitution divise les Tunisiens, déstabilisés par les interprétations, les extrapolations, et les procès d'intention. Le projet a été initialement rédigé par des experts réunis en «Commission nationale consultative pour une nouvelle République», puis désavoué par leur président Sadok Belaïd: «Il est de notre devoir d'annoncer avec force et sincérité que le texte qui a été publié et soumis à un référendum n'est pas lié à celui que nous avons préparé et soumis au Président. La commission se démarque totalement du projet proposé par le Président ... Le texte émis par la présidence de la République porte atteinte à l'identité de la Tunisie et ouvre la voie à une dictature en attribuant tout le pouvoir au président de la République», a-t-il précisé. Imperturbable, le président tunisien maintient son projet et entend le faire passer par une majorité populaire incontestable pour faire taire «démocratiquement» ses détracteurs. En dépit de cette crise politique, c'est d'une manière sereine que se tient ce référendum, à voir en tout cas la campagne électorale lancée le 3 juillet dernier et qui a pris fin samedi, jour du début de vote pour les Tunisiens résidant à l'étranger dont le scrutin se poursuivra jusqu'à lundi. Au total, 348 876 expatriés tunisiens sont inscrits sur les listes électorales sur près de 9,3 millions, dans un pays de 12 millions d'habitants. Selon l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), les résultats du référendum seront annoncés demain, pour être ensuite soumis aux recours, et les résultats définitifs seront annoncés au plus tard le 27 août prochain. Le président tunisien, Kaïs Saïed, avait insisté lors d'un Conseil des ministres sur le rôle clé du peuple pour passer d'une Constitution qui aurait conduit l'Etat à «l'implosion», à une Constitution traduisant la volonté des Tunisiens. Dans une feuille de route censée sortir le pays de la crise politique qu'il traverse depuis plusieurs mois, dévoilée en décembre, le président tunisien avait annoncé un référendum sur des amendements constitutionnels le 25 juillet, avant des législatives le 17 décembre. Plusieurs partis et associations de la société civile ont soutenu la démarche du président Kaïs Saïed et appelé à voter «Oui» pour faire sortir le pays de l'impasse. Le président du parti «Alliance pour la Tunisie», Sarhane Nasri, a appelé ainsi à voter en faveur du projet de la nouvelle Constitution, pour mettre fin à l'état d'exception, retourner à un processus démocratique «normal» et atteindre la stabilité politique, économique et sociale. Pour Sarhane Nasri, «jeter les bases de la prochaine phase nécessite, avant tout, un Parlement qui représente le peuple tunisien, qui sera chargé d'élaborer les amendements nécessaires de la Constitution. Quant à la Centrale syndicale (UGTT), elle a laissé le libre choix à ses adhérents de voter pour ou contre. Pour rappel, en mars dernier, Kaïs Saïed avait annoncé la dissolution de l'Assemblée des représentants du peuple (Parlement), affirmant que le pays était «ciblé par une tentative désespérée de coup d'Etat». «Ma responsabilité est de protéger l'Etat, ses institutions et son peuple», avait dit M. Saïed, en évoquant une réunion «illégale» de l'Assemblée des représentants du peuple, dont les activités sont déjà suspendues depuis juillet dernier.