Bel hommage que celui rendu, ce mercredi, par cet homme de théâtre, Richard Martin, à Léo Ferré, considéré par le pape du surréalisme, André Breton, comme l'un des plus grands poètes du siècle... Parti à l'âge de 77 ans rejoindre ses «compagnons» dont il a ainsi largement diffusé les oeuvres, Rimbaud, Appolinaire, Verlaine, Aragon et Baudelaire, Léo Ferré est un poète dont on connaît plus les oeuvres chantées que ses écrits en prose. «Et pourtant Ferré était un écrivain prolixe» dit de lui son vieil ami marseillais, Richard Martin. Ce dernier, peintre, poète, comédien et enfin directeur du théâtre Toursky, a été à l'initiative du CCF invité à interpréter ce mercredi, à la salle Ibn Zeydoun de Riad El-Feth, les plus beaux vers de Léo sous le générique de: «Poète... vos papiers!» Un spectacle génial et époustouflant, au lyrisme fort. Par sa voix tonitruante et limpide, Martin a su porter aux nues les majestueux vers de Léo en leur insufflant vie et «vitalité». Il était aidé en cela par la formation Leda Atomica composée de deux musiciens et, une chanteuse. Avec Phil Spectrum (claviers machines), Pascal Ferrari (luth guitare) et surtout Marie Démon au chant. Celle-ci ne rehaussait que davantage, de par sa voix ensorceleuse et divine, l'héritage spirituel du poète. Le tout dans un décor des plus sobres. La musique de cet oratorio portait en effet au firmament les textes de Léo, aussi, par le jeu scénique très expressif de Martin. Ce dernier, avec ses mains bien tendues au ciel et dans un élan de révolte, n'en révélait pas moins haut et fort les idées rebelles de son vieil ami. «Cette musique ponctue et lie les phases. Elle leur ouvre des voies de respiration salutaires. Mais elle doit parfois s'effacer derrière la force du verbe. C'est pourquoi les musiciens ne jouent pas tout le temps», indique Richard Martin. Ce spectacle Poètes... vos papiers! auquel les férus de poésie, les irrévérencieux et amoureux de Léo ont été conviés s'est articulé autour de la «Méthode», long texte fulgurant de Ferré, et comprenait «Solitude», «les Anarchistes», «Préface» ou encore «Le chien», «Il n'y a plus rien», «Madame la misère»... «Adorer l'adorable!» n'avait de cesse de clamer Martin et d'ajouter à propos du poète, ce «Don Quichotte du crève-coeur», «je suis un immense provocateur!» Le désordre? «C'est l'ordre moins le pouvoir», lâchera-t-il et de manifester un réquisitoire pour l'amour et l'espoir... C'était en tout cas un réel moment de bonheur et de plaisir que le public a vécu ce mercredi. Près de deux heures durant il a été baigné dans une atmosphère de fureur poétique qui s'étire comme cette phrase dans les mains gorgées d'une musicalité à fleur de peau, de l'invective enfin, éveilleuse des consciences. Comédien et grand orateur par ailleurs, Richard Martin a été pour rappel lors de cette folle et belle aventure de l'Odyssée 2001, à bord de ce vieux bateau le Constanta qui sillonnait la mer Méditerranéenne en jetant à chaque port accosté une bouteille à la mer renfermant un message d'espoir, d'amour et de fraternité. Les Archets est une revue culturelle dont il s'occupe avec son ami, cet autre poète de la Cannebière, Yves Broussard, qui lors d'une visite à Alger au mois de novembre dernier était venu nous éclairer sur la poésie française contemporaine et sceller des amitiés en vue d'instaurer des échanges fructueux à long terme avec des poètes, artistes et autres éditeurs algériens. L'aventure de l'Odyssée n'aura pas lieu cette année, nous apprend-on. Elle est reconduite pour l'année 2003. Richard Martin est aussi l'un des dirigeants du réseau de l'ITM (Institut international du théâtre de la Méditerranée), il en est le vice-président. Lors d'un point de presse animé à la Cinémathèque algérienne ce jeudi, il a rappelé aux présents cette fantastique aventure qui a vu la participation l'année écoulée de l'Algérie. Ne s'arrêtant pas là, Richard Martin a exhorté les artistes algériens à présenter leurs oeuvres dans le cadre théâtral dans l'édition 2003 et ce 4, au festival Mai-diterranée. A cet effet, une date butoir a été retenue avant le mois avril. Durant un mois, le public français pourra se familiariser avec la création théâtrale algérienne. «Je vais mettre mon théâtre, mon énergie et mes forces à la disposition de mes partenaires algériens.», explique Richard Martin. En attendant l'année 2003, mercredi dernier nous nous sommes vraiment régalés d'un plateau de poésies de choix. Léo Ferré n'en était que plus vivant!