Les bonnes relations qu'entretient Bouteflika avec Omar al Bachir peuvent être bénéfiques dans cette éventualité. Il y a quelques jours, des manoeuvres de l'Otan avaient eu lieu au Cap-Vert. Ces manoeuvres avaient fait participer à cet exercice 7800 soldats de la Force de réaction rapide de l'Otan, dont 2000 Allemands. C'est le premier exercice de l'Otan sur le sol africain, et il s'agit bel et bien d'un signal politique fort. Même si au sein de l'Otan personne ne spécule volontiers sur une mission au Darfour, l'Alliance a montré qu'elle en avait la capacité. L'enjeu pour Washington est d'y envoyer, via l'Otan, des forces multinationales. Pour certains spécialistes, les enjeux sont ailleurs que dans la pauvre région du Darfour, mais la proximité est une étape incontournable. La garantie à long terme des sources d'énergie joue assurément un rôle, selon le journal allemend Die Welt. Les îles du Cap-Vert sont situées au large des côtes ouest-africaines, une zone d'exploitation pétrolière de plus en plus importante pour les Etats-Unis. Les zones pétrolifères, fort agitées, du Nigéria ne sont qu'à deux heures d'avion. Les manoeuvres avaient aussi pour objet de préparer l'Alliance à ce genre d'intervention. Nul ne sait pour l'instant si l'Otan ira un jour au Darfour. Ce qui est sûr en revanche, écrit la Frankfurter Allgemeine Zeitung dans son édition de mercredi dernier, c'est que le président soudanais Al Bachir est fermement opposé au déploiement d'une force de l'ONU dans cette province en guerre depuis plus de trois ans. Au sommet de l'Union africaine à Banjul, Kofi Annan, le secrétaire général de l'ONU, veut le persuader d'accepter le remplacement du contingent de l'UA par une mission onusienne. Car, dit-il, depuis des mois déjà les 7000 soldats africains ne peuvent pas même assurer leur propre sécurité. Des organisations humanitaires comme l'Agro-Action allemande rapportent qu'en raison de nouveaux combats entre les rebelles, des centaines de milliers de nécessiteux ne peuvent plus être secourus. Parallèlement, note le journal, les attaques des milices djandjawids contre les civils se poursuivent. Le processus de paix pour le Darfour, écrit de son côté la Tageszeitung, est en train d'éclater. Les efforts de paix sont de nouveau au point mort. La direction du principal mouvement de rébellion, l'Armée de libération du Soudan, a résilié dans une déclaration publiée en France l'accord de paix signé le 5 mai dernier à Abuja avec le gouvernement soudanais. C'est dans ce cadre-là que des spécialistes, et des plus avertis, estiment que l'Otan ou l'ONU peuvent recourir au président algérien pour convaincre Khartoum de la nécessité d'une telle action, bien que la réunion de Banjul, en Gambie, semble rejeter une pareille éventualité Cependant, le Mouvement populaire de libération du Soudan (Splm), ancien groupe rebelle du sud qui participe au gouvernement à Khartoum, a annoncé son soutien à une force de l´ONU au Darfour, malgré l´opposition du président Omar al Béchir. «L´un des articles de l´accord de paix conclu par le Splm et le gouvernement stipule que ce texte doit être un modèle pour d´éventuels accords avec les rebelles de l´Ouest (au Darfour) et ceux de l´Est», a déclaré Ghazi Souleimane, député du Splm, qui ajoute que cet accord recommande le déploiement d´une force de l´ONU. Le Splm et le gouvernement de Bachir ont signé en janvier 2005 un accord de paix qui a mis fin à 21 ans de guerre civile dans le Sud et a permis le déploiement d´une force onusienne de maintien de la paix dans cette région. Al Bachir a cependant affirmé à plusieurs reprises son refus de permettre une présence de casques bleus au Darfour, en proie à une guerre civile depuis trois ans, estimant qu´il s´agissait d´une intervention dans les affaires internes soudanaises. Au premier jour du Sommet, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, avait axé son intervention sur le thème «Rationalisation des régions économiques (CER) et intégration régionale». Le président Bouteflika a affirmé: «Nous avons aujourd'hui pas moins de quatorze groupements régionaux et cette inflation, qui pourrait encore s'amplifier, constitue un obstacle». Le chef de l'Etat a ajouté que «cet émiettement, que complique encore l‘absence de mécanismes de coordination et le manque de lisibilité des objectifs fait courir le risque, à terme, d'éroder notre consensus en la matière». Cependant, et au terme de son entrevue avec Omar al-Bachir, il semble que les deux hommes penchent pour l'éventualité de laisser encore le temps aux Forces de l'UA de maintenir la paix au Darfour, même si cela nécessite le grossissement de ces forces par de nouvelles troupes militaires qui seraient peut-être algériennes ou maghrébines.