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L'eldorado des jeunes Algériens
CAP SUR PRETORIA, MAPUTO, MONTREAL, DJAKARTA ET SYDNEY
Publié dans L'Expression le 06 - 07 - 2006

La France n'est plus la terre d'exil longtemps prisée pour des raisons de langue.
Ils sont jeunes, généralement diplômés de l'enseignement supérieur, ils s'appellent Mohand, Ahmed ou Arezki et ils ont en commun le fait d'avoir longtemps goûté au chômage. Après une longue attente et des déboires, plus tard, ils ont résolu de partir ailleurs. Un ailleurs qui leur a apporté, semble-t-il un certain équilibre. Rencontrés un peu partout en Algérie, ces jeunes expliquent les nouvelles filières de l'émigration.
Avec le tarissement de la filière française de l'émigration, les jeunes gens ont cherché et trouvé d'autres destinations de substitution. Mohand, un jeune de Boghni explique: «Maintenant que les visas pour la France relèvent carrément de la prouesse, les jeunes ont changé leur fusil d'épaule. Désormais d'autres destinations sont choisies. En effet, après le Canada et l'Espagne, quoique ce dernier pays constitue un pis-aller avec le problème de langue, ce sont des destinations comme l'Afrique du Sud ou encore l'Indonésie et même la Russie qui sont les plus prisées.»
Un autre jeune, Sid-Ali, affiche avec fierté sa réussite. Il a «bâti» quelque chose au Mozambique. Ainsi selon Sid-Ali, «le premier jour, j'ai commencé par prendre l'avion vers le Caire, le visa pour l'Egypte est assez facile. Une fois au Caire, on embarque sur un avion vers Maputo pour environ 750 euros et de là, il y a deux possibilités: soit compter sur les passeurs qui demandent souvent fort cher, jusqu'à 1500, voire 5000 euros soit alors suivre sa bonne étoile!». Et Sid-Ali de raconter sa mésaventure dans les marécages à la frontière entre le Mozambique et l'Afrique du Sud.
«C'est une aventure des plus dangereuses, les militaires du Mozambique et les gardes-frontières surveillent de nuit comme de jour les frontières et ils ont une réputation de férocité chez les passeurs.» Ainsi, raconte notre interlocuteur, lors de son passage de la frontière mozambicaine et pour fuir la police, les jeunes se sont aventurés et sont tombés dans les marécages. «J'ai vu des jeunes gens réputés durs et stoïques pleurer alors!» Traverser près de soixante km à pied et dans une zone des plus dangereuses n'est pas si facile que cela.
Johannesburg et Pretoria deux villes attachantes
On raconte des tas de choses sur les harraga mais il faut écouter les jeunes gens qui tentent cette aventure vous raconter les affres qu'ils ont subis pour comprendre ce qu'est la souffrance des jeunes gens. Un autre jeune qui a fait la «traversée» se remémore les étapes franchies alors, et souvent on l'aperçoit faire des signes de négation avec la tête comme pour chasser ces terribles images.
Sid-Ali revient quelques secondes sur Maputo. «La ville est assez agréable et belle, mais il faut croire que l'étranger est surveillé de près. Il arrive aux jeunes de séjourner dans ce pays et il y a des tas d'activités à faire. L'agriculture est l'une des activités les plus captivantes mais il faut des capitaux et pas des moindres.»
Aussi, les jeunes continuent généralement sur l'Afrique du Sud. Mohand revient sur sa «présence en Egypte» comme il le dit «l'espace d'un moment». Pour lui, «Oum Eddounia» est une mégapole qui présente bien des aspects, tel un kaléidoscope où surnage tout de même une certaine image de ville sale et surtout d'une ville où tout se monnaye. «Le moindre renseignement demandé, y compris à certains policiers, se paie rubis sur l'ongle. La tchipa est reine en ces lieux.» Mohand explique les lacis des ruelles du Caire qui «n'ont rien à voir avec celles d'Alger et qui sont d'une saleté repoussante.» Les Egyptiens peuvent être séparés en deux grosses catégories : les vieux et les jeunes. Il y a ceux qui connaissent l'Algérie en se référant surtout à Ben Bella et à Djamila Bouhired et les jeunes gens qui pensent que l'Algérie est à feu et à sang. Cependant tous pensent que «l'Algérie est un pays tourné vers l'Europe».
Les jeunes gens arrivent après bien des difficultés en Afrique du Sud. Le pays de Mandela est agréable et ses paysages en plusieurs endroits rappellent l'Algérie. Les villes sont belles et géantes «l'on se perd agréablement dans les rues propres et brillamment illuminées». Hélas, selon l'un des jeunes gens ayant fait un séjour en ces lieux «les townships» sont toujours là. Il y a, selon eux, toujours cette désagréable sensation que «les Blancs et les Noirs ne se mélangent pas.» En somme, des relents de l'apartheid demandons-nous. Arezki, un jeune qui connaît bien ce pays répond vivement: «Non pas du tout, mais il faut dire que beaucoup de noirs n'ont pas les moyens de s'offrir un appartement en ville et souvent pour plusieurs raisons préfèrent rester dans les townships.»
Pretoria dira l'un des jeunes gens est relativement moins chère qu'Alger. Les appartements sont abordables et le travail existe avec ce respect envers les Algériens qui est présent dans le comportement des agents de police notamment. A Pretoria, beaucoup de jeunes gens, de la région de Boghni à Tizi-Ouzou, sont installés et nombreux sont ceux ayant réussi dans la vie. Mohand est ainsi propriétaire d'un café-restaurant et a de nombreux clients.
Arezki en parle comme de celui qui «est là pour prêter aide et assistance aux nouveaux.» Il est là, pratiquement aux côtés des jeunes gens, jusqu'au jour où le nouvel arrivant est capable de voler de ses propres ailes. La femme de Mohand est selon les jeunes gens rencontrés à Tizi-Ouzou, une femme du tonnerre. Elle est Sud-Africaine, blanche, mais profondément attachée à l'Afrique. Elle partage les sentiments nobles de Mohand et à eux deux sont d'un secours vital pour les nouveaux arrivés. Leur maison à Pretoria est toujours ouverte et leur table profite souvent aux sans-travail. Mais en Afrique du Sud, on ne peut décemment pas rester sans travail pour des gens entreprenants, il y a de quoi faire. A Pretoria la vie disent ces jeunes gens «n'est pas tellement chère, on trouve facilement à se loger et pour des gens qui veulent travailler, la réussite est assurée».
L'Australie ou le Canada: objectif des expatriés
Cependant, malgré ces commodités et ces facilités trouvées sur place, l'Afrique du Sud semble être pour beaucoup une halte et non pas le havre recherché. On peut rester quelques mois, à la limite quelques années mais l'objectif semble être le départ vers des pays comme l'Australie ou le Canada. Pour les anglophones, les choses semblent aller comme sur des roulettes: soit rester à Pretoria où existe une communauté algérienne et selon Arezki «elle est assez importante» ou alors essayer d'aller vers Johannesburg. Une ville plus commerciale, disent ces jeunes, et qui, selon eux, offre plus de possibilités. Pour ceux qui ne maîtrisent pas la langue ou qui éprouvent des difficultés à la maîtriser, le Canada reste le but final. Les plus chanceux décrochent vite le sésame c'est-à-dire le visa en tant que...Sud-Africain. Si le Canada est recherché, l'Australie n'est guère refusée et de nombreux jeunes gens seraient installés à Sydney et à Melbourne. Selon eux, des quartiers entiers de Sydney sont peuplés de jeunes partis d'Algérie, et nombreux sont originaires de Kabylie. Ces émigrés ont connu des fortunes diverses; beaucoup ont pris femme et se sont installés dans ce pays et ne pensent plus à l'Algérie que comme éventuelle destination touristique.
Cependant, de ces deux contrées du monde, le Canada, et principalement la province du Québec, reste la destination la plus prisée. Sur place les jeunes gens sont sollicités et surtout ceux qui ne rechignent pas devant le travail sont très appréciés et il n'est pas rare de les voir changer d'emploi au gré des propositions. Tous disent qu'en ce pays, le logement et la couverture sociale sont possibles pour tous. D'autres attirent l'attention sur les loisirs: «Il n'est pas possible de s'ennuyer dans ce grand pays. Bibliothèques, parcs, salles de sport etc., de quoi meubler utilement son temps libre.» D'aucuns disent que «comparée à la France où le sentiment de racisme est porté quasiment en bandoulière par de plus en plus de monde, au Canada la chose n'existe pas ou si peu. Personne ne peut vous dire dans la rue: retourne chez toi. Bien au contraire. Quand on a un diplôme en poche ou encore un métier, on est accueilli à bras ouverts.»
Pour ce qui est des papiers ou titres de séjour, ce n'est pas la galère et des facilités existent, dit-on. L'exemple le plus curieux est celui de ce jeune homme licencié en commerce installé selon ses amis en Indonésie depuis bientôt cinq ans. Parti en Australie, il a au cours d'une escale de son avion vu les policiers venir vers lui pour lui exiger un titre de transit, titre qu'il ne possède évidemment pas. Aussi il cache ou déchire son passeport et c'est donc sans papiers qu'il est relâché dans Djakarta.
Et depuis, «beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et notre jeune est depuis installé et a pris femme en ce pays». Arezki conclut l'entretien en affirmant que les régions d'Algérie ont chacune une destination de prédilection. Ainsi selon lui, «les gens de Tiaret émigrent surtout vers l'Allemagne, ceux d'Oran vers Almeria en Espagne. Pour ce qui concerne la Kabylie ce sont le Canada et l'Afrique du Sud qui emportent les suffrages.» De fait, le pays qui a des possibilités pour garder ses enfants et leur offrir le minimum, car ils constituent une véritable richesse, semble ne plus pouvoir les retenir.
Des problèmes à n'en plus finir, un chômage important et surtout une façon de vivre qui n'agrée plus les jeunes avides de liberté et de loisirs sont autant de choses incitant les jeunes et les diplômés à partir ailleurs.
Maintenant la France n'est plus la terre d'exil longtemps prisée pour des raisons de langue et aussi pour le fait que les nouveaux arrivants trouvent sur place des enfants du «pays» en mesure de les aider dans leur départ dans la vie.
Donc, maintenant que les conditions de visa et les conditions d'installation sont devenues des plus draconiennes, des nouvelles destinations sont apparues. Pretoria, Maputo ou encore Montréal, Djakarta ou Sydney, autant de coins où les jeunes Algériens semblent avoir réussi.


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