Depuis deux ans, c'est-à-dire depuis le départ précipité du général-major Mohamed Lamari, plus aucun haut officier de l'armée n'a porté le titre de général de corps d'armée. Il y a deux jours, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, en sa qualité aussi de ministre de la Défense nationale et chef suprême des forces armées, a présidé, au siège du ministère de la Défense nationale, une cérémonie de promotion d'officiers supérieurs de l'Armée nationale populaire (ANP), à l'occasion de la célébration du 44e anniversaire de l'indépendance, et au cours de laquelle, les officiers supérieurs de l'ANP, le général-major Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée, le général-major Benabbès Gheziel, ancien patron de la Gendarmerie nationale et conseiller actuel à la présidence de la République pour les Affaires sécuritaires, et le général-major Mohamed Mediene, directeur du Département recherches et sécurité (les services de renseignement algériens), ont été promus au grade de général de corps d'armée. Pour anodine que semble être la nomination de ces trois généraux, elle revêt un cachet particulier au sein de l'institution militaire, car depuis deux ans, c'est-à-dire depuis le départ précipité du général-major Mohamed Lamari, plus aucun haut officier de l'armée n'a porté le titre de général de corps d'armée. Depuis près de deux ans, Ahmed Gaïd Salah est cité comme étant le général-major, le chef d'état-major, mais jamais comme «el-fariq», qualificatif qui est resté collé jusqu'à il y a deux jours au seul Mohamed Lamari. Celui-ci a pris ses commandes le 10 juillet 1993, alors que le GIA était prêt à déboulonner le pouvoir par les fondements. Le général en retraite, Liamine Zeroual, remplace alors le général Nezzar à la Défense nationale, tandis que Mohamed Lamari remplace Abdelmalek Guenaïzia au poste de chef d'état-major. Cette redistribution des rôles au sein de l'institution militaire a eu l'effet de placer l'armée dans une optique de «guerre totale» contre les islamistes, et d'éloigner momentanément des officiers comme Guenaïzia, chef d'état-major de l'armée lors du coup des «janviéristes», et Ghéziel, qui tenait tête aux décideurs de l'état-major, de tous les centres de décision. Sur le plan technique, on place dans la catégorie «grades des officiers généraux»: celui de général, celui de général-major et celui de général de corps d'armée. La nomination est, de ce fait, «blanche», car le grade de général de corps d'armée est le seul à ne pas porter de...grade. Celui-ci reste le même porté par le général-major, hormis un petit bouton argenté de plus que les autres, ce qui revient à dire que le grade de général de corps d'armée est plus une fonction qu'un grade. Mais quand on sait qu'au sein de l'institution militaire la fonction supprime le grade, les nouvelles nominations deviennent tout à coup intéressantes. Sur un autre plan, strictement opérationnel cette fois-ci, certaines promotions qui ont touché des cadres de l'ANP, cette année et l'année d'avant, ont été rendues nécessaires par souci de clarté et de logique hiérarchique à respecter et à faire respecter. Comme par exemple celle de trouver un commandant de Région Militaire (au grade de général, par exemple) diriger des officiers ayant un grade supérieur. Des cas se sont posés au niveau de la 1ère Région Militaire, entre 2004 et 2006, mais ont été aussitôt solutionnés. La nomination de Ahmed Gaïd Salah au grade suprême est une consécration pour cet officier besogneux, connu pour ses coups de gueule et son sens de la discipline. Homme de confiance du président Bouteflika après le départ de Lamari, il est encore là, alors qu'on lui prédisait un avenir très court à la tête de l'institution militaire. C'est lui qui accompagnera vraisemblablement les nouvelles mutations de l'ANP avant de partir en retraite. Les engagements contractés avec l'Otan, les Etats-Unis et les Forces multinationales, dans des perspectives de coopération militaire à long terme, le maintiennent encore en activité et aux avant-postes pour quelques années de plus, bien qu'il soit largement «retraitable». Le chef d'état-major, selon l'organigramme militaire, entretient des relations de travail directes avec le ministre de la Défense nationale. Pour le cas présent, c'est Abdelmalek Guenaïzia qui assure la délégation du ministère de la Défense, et qui sera son chef hiérarchique. L'autre nouveau général de corps d'armée est le chef des renseignements algériens, Mohamed Médiene, dit «Toufik», un officier discret et efficace qui mena le Dgps, issu de l'ex-sécurité militaire, vers une structure, le DRS, critiqué, certes, pendant sa campagne de lutte antiterroriste, mais d'une efficacité reconnue de tous, aussi bien sur le plan interne qu'externe (DCE). La «proximité» du patron des renseignements avec la Présidence, depuis le début de l'année 2004, n'est plus un secret pour personne, et augure de nouvelles traditions politico-sécuritaires. Selon une source militaire de haut rang, «l'Algérie évoluera d'ici à l'horizon 2008 vers la création d'une direction de la sécurité nationale, structure qui sera rattachée à la Présidence de la République et dont le patron, sorte de Monsieur Sécurité nationale, chapeautera une bonne dizaine de services spéciaux». Pour les partisans de la fonction, le travail détermine le statut des chefs militaires, ce qui est commun à toutes les armées évoluées du monde. Pour les férus du grade, simple galon accroché sur les épaulettes, un général-major c'est un cercle doré représentant des collines, deux fusils et trois petits boutons argentés.