«Je ne désire point faire de la politique, même s'il s'agit d'être Président de la République.» L'entretien accordé par le chef de l'état-major de l'ANP, Mohamed Lamari, a été publié par le magazine arabophone Al Moushahid Assiyassi paraissant à Londres il y a au moins trois semaines. De larges extraits de cet entretien ont été repris, mardi soir, par l'agence APS et la télévision algérienne qui reproduisaient, à leur tour, une reprise de l'interview de l'officier supérieur parue le même jour dans le quotidien En Nasr de Constantine. De tout cet imbroglio médiatique se dégage une interrogation principale: pourquoi cet entretien n'a-t-il été repris par l'APS que trois semaines après? Ou fallait-il attendre qu'une «source autorisée du ministère de la Défense» se confie au Soir d'Algérie du 23 juin pour réagir? Dans tous les cas, qui répond à qui? C'est à se perdre en hypothèses et commentaires. Enjambons quand même ces conjectures pour aller à l'information. La mission de l'armée algérienne, selon les déclarations du général de corps d'armée Lamari, reste la «défense de la patrie, ni plus ni moins, et nul n'a le droit d'évaluer le Président Bouteflika excepté le peuple qui l'a élu. Il est donc le seul habilité à évaluer la performance de l'Etat». «A l'époque, notre souhait, à l'instar de tous les Algériens, était de choisir le moins mauvais de tous», devait indiquer la «source autorisée» en évoquant le contexte des élections présidentielles de avril 1999 remportées par Abdelaziz Bouteflika. Ce dernier «incarne l'Etat algérien et le peuple tout entier et il est digne de respect», affirme Mohamed Lamari tout en tenant à préciser: «Je ne désire point faire de la politique même s'il s'agit d'être Président de la République». Il a même révélé que son actuel poste de chef d'état-major, qu'il occupe depuis juillet 1993, sera «le dernier que j'occupe avant la retraite». «Nul n'est éternel dans ses fonctions»,, a t-il lancé. Le plus haut gradé de l'armée, 63 ans d'âge depuis le 7 juin dernier, annonce-t-il un imminent départ à la retraite? «Je ne compte pas devenir ministre de la Défense...Je n'y pense nullement et cela n'arrivera jamais», a-t-il déclaré. La «source autorisée», citée par notre confrère, avait confié: «Nous avons toujours souhaité la nomination d'un ministre de la Défense. Nous avons même dit qu'un civil ferait l'affaire, quand bien même celui-ci n'aurait pas accompli son Service national.» A Mohamed Lamari de répondre: «Pourquoi le ministre de la Défense devrait-il être un militaire?», sans clarifier à qui s'adressait cette interrogation. Il souhaite que ce poste soit occupé par un civil, «à l'instar de ce qui se passe dans les pays avancés». Depuis 1994, année à laquelle le ministre de la Défense, Liamine Zeroual est nommé président de l'Etat, ce poste avait été resté vacant. Si l'homme dit ne pas faire de politique, il a tenu néanmoins à certifier que l'ANP «est une armée algérienne unie et non, comme tentent de le faire croire certaines parties, divisée en groupes pro-français, pro-américains ou pro-pays arabes». Selon Lamari donc, «les loges» n'existent pas au sein de l'armée contrairement aux affirmations du MAOL sur Internet, encore moins les divisions entre hauts officiers de différentes générations. Sur sa lancée, il a affirmé que l'ANP est «une armée algérienne, qui restera algérienne, composée des enfants de tous les Algériens». Le chef de l'état-major réaffirme-t-il ici la sauvegarde de la formule du service national? Dans le contexte actuel de la professionnalisation de l'armée, la question mérite d'être posée. Avançant les mêmes chiffres que donnera par la suite la «source autorisée», le chef de l'état-major a calculé le nombre des terroristes encore actifs à 700 alors qu'ils étaient 27.000. Pour le général de corps d'armée, la situation sécuritaire «s'améliore de plus en plus». Les terroristes encore en activité sont, selon lui, «des groupes qui attaquent des citoyens désarmés et des voyageurs dans des régions isolées». Mais qu'en est-il des attentats ciblés dans les villes et particulièrement à Alger? Sa conviction tient dans cette phrase: la fin «de ces groupes criminels est pour bientôt». «Ces groupes n'ont plus la capacité de mener des attaques organisées ou la même liberté de mouvement qu'ils avaient au début de la crise», a précisé le haut officier. Lors de sa visite en Russie le 20 mai dernier, Mohamed Lamari avait déclaré qu' «il n'y a plus de danger ni pour la République ni pour ses institutions». Mohamed Lamari est revenu sur l'embargo imposé à l'Algérie «par différentes parties étrangères» sur l'armement. Ces mêmes parties, poursuit Lamari, «ont prouvé par la suite qu'elles avaient intérêt à ce que la crise persiste et que la violence se propage». Et de souligner: «Les hésitations de certains pays européens à fournir l'aide espérée par l'Algérie en matière de coopération, au moment où notre pays avait tant besoin d'équipements nécessaires à la lutte antiterroriste». Il a regretté que cet état de fait soit encore de mise même après le 11 septembre chez «certains pays», en poursuivant: «Nous demeurons hantés par l'appréhension que les terroristes soient classés en deux catégories, les bons et les mauvais». La libération de Ali Benhadj et Abassi Madani n'est pas à l'ordre du jour. «Il existe une conviction profonde et des informations sûres que la libération de Ali Benhadj et Abassi Madani les exposerait à un réel danger de la part des terroristes eux-mêmes», a soutenu Mohamed Lamari. Il a évoqué l'assassinat de Abdelkader Hachani à Alger en 1999 en révélant : «Nous avons conseillé Hachani, mais il ne nous a pas crus. Nous avons tenté de le protéger, mais il a refusé et il est tombé entre leurs mains.»