En hommage aux sacrifices du peuple, un court instant de réflexion plein de muette reconnaissance. Le 5 juillet est une halte pleine de souvenirs et de joie pour tous. 5 juillet 1962, il y a quarante-quatre années exactement le drapeau national est hissé par les vieux patrons de la Wilaya III feu Mohand Ou El Hadj à Sidi Ferruch. Après 130 ans d'une occupation étrangère et des milliers d'années de «somnolence» entrecoupée de soubresauts de révolte, l'Algérie accédait officiellement à la paix et à l'indépendance. Ce jour-là, les Algériennes et les Algériens ivres de joie défilaient dans les rues, avenues et ruelles des villes et villages. Emblème national en tête, des groupes de femmes, d'enfants et d'adultes sillonnent la Kabylie comme un peu partout à travers le pays. Les premières visites sont pour les tombes des martyrs, on recherche les corps des moudjahidine, de suppliciés et autres enfants de cette terre, qui, un jour de novembre, ont décidé de secouer le joug colonial. Plusieurs villages étaient détruits, bombardés par la soldatesque coloniale et des milliers de familles étaient dans les fameux centres de regroupement de l'occupant, des centres supposés «soustraire» les villageois afin que les soldats de l'ALN ne puissent pas trouver refuge, aide et réconfort. L'ennemi pratiquait alors la fameuse théorie de Mao Zedong qui consistait à retirer l'eau aux poissons afin que ces derniers s'asphyxient. Une fumeuse théorie qui n'allait d'ailleurs pas tarder à démontrer ses limites en Algérie. Mais en ce 5 juillet 1962, les pensées sont surtout pour les disparus, ceux-là qui ne reviendront plus dans leurs villages et dans leurs familles. Des milliers de veuves et d'orphelins, des blessés, des disparus, des prisonniers, libérés certes, mais avec toute une navrante histoire individuelle faite de blessures et de profondes échardes et aussi des villages détruits, des maisons attendant la reconstruction et aussi des champs veufs de travaux depuis des années. Dehors, sous le vent chaud de juillet, le drapeau national flotte et c'est, pour tous les Algériens, l'essentiel. Le pays renaissait de ses cendres et s'installait dans le concert des nations. L'été 1962 s'annonçait chaud, très chaud même, les responsables s'étant séparés lors du congrès de Tripoli sans s'être entendus sur le devenir de la nation, les affrontements se dessinaient dans l'air mais, en ce 5 juillet, l'important était ailleurs. Les villages encore sous le poids du souvenir ployaient sous d'autres problèmes. Il fallait assurer la survie des siens et le pays ne pouvait encore rien proposer comme palliatif. On devait encore s'expatrier et aller dans les chantiers de France à la recherche d'un travail. Là-bas les choses ne seront plus ce qu'elles étaient, les milliers de pieds-noirs et de harkis chassés par l'histoire s'en prenaient aux travailleurs et ces derniers savaient confusément qu'il leur fallait courber l'échine en attendant des jours meilleurs. Très vite, on eut recours aux chantiers de reboisement et aux expédients politiques pour assurer un minimum aux familles. Les cellules du FLN /ALN essayaient de répondre dans la mesure de leurs faibles moyens à l'urgence, mais le problème est que tout, pratiquement tout, était urgent. Fort heureusement qu'en ces temps là, le peuple savait se satisfaire de peu et les besoins, y compris parmi les plus élémentaires, sont tus. La dignité avant tout. Il s'est trouvé dans les villages des familles entières qui se nourrissaient...d'herbes. Cependant et malgré tous ces aléas, les gens étaient heureux, la guerre ayant pris fin par la victoire du fer de lance de la Révolution: le FLN/ALN, et ce n'est pas rien. Alors, le peuple soudé et uni comme un seul homme pouvait faire des miracles et il en a fait. En silence, sans tapage médiatique et dans les villages perdus ou encore aux confins du Sahara, les Algériens ont forcé le destin. Après une époque libératrice qui a coûté fort cher en sacrifices, l'Algérie se serrait la ceinture pour affronter une autre réalité: la bataille du développement.