L'expression «droits de l'homme» revient quatre fois dans le discours de Bouteflika. «Nous avons érigé le respect des droits de l'Homme et des libertés démocratiques et la bonne gouvernance comme socle fondamental à l'édification de l'Etat.» «Le peuple algérien a payé un lourd tribut pour le recouvrement de sa liberté. Cette liberté à laquelle nous restons farouchement attachés car convaincus qu'elle est l'essence même de la démocratie qui se concrétise à travers la promotion et la défense des droits de l'Homme». «Les droits de l'Homme constituent un tout indissociable devant être protégé et respecté tant dans les grands pays que dans ceux de moindre envergure.» Et enfin: «Ces mêmes voix qui passent sous silence les droits socio-économiques et culturels des peuples, spoliés par des Etats qui tendent aujourd'hui à instaurer des droits de l'Homme sélectifs, en fonction de leurs seuls intérêts.» L'insistance sur les droits de l'Homme dans l'allocution du président de la République, prononcée au ministère de la Défense, à l'occasion de la fête de l'Indépendance, se veut être une réponse aux critiques qui ont accompagné le débat sur la révision de la Constitution. Soupçonné de se tailler une Constitution sur mesure, il s'en défend en disant qu'il ne s'est pas encore prononcé pour un régime présidentiel. Il annonce la révision avant la fin de l'année sans donner de détails sur le contenu. Mais il met au-devant sa préoccupation envers les droits de l'Homme et les libertés. Il prend la précaution de précéder son discours par des mesures de grâce envers les journalistes poursuivis devant les tribunaux. Pas moins de 83 affaires ont été inscrites et jugées la veille des mesures de grâce présidentielle, relève-t-on. «La préservation des libertés, notamment la liberté d'expression, a permis l'épanouissement, la diversification et le développement de notre presse qui se prévaut, désormais, d'un rôle prépondérant dans la vie politique à caractère pluriel, tant au niveau des partis et des associations, qu'au niveau du Parlement avec ses deux chambres ou même le Conseil constitutionnel qui veille au respect de la Constitution. Ceci nous conduit à affirmer que l'Algérie est définitivement passée de la légitimité révolutionnaire à la légitimité constitutionnelle», soutient-il dans une tentative de tranquilliser les plumes hostiles. Mais, selon les bribes d'information distillées par l'équipe du FLN, qui avait élaboré le projet de révision, la tendance pour un régime présidentiel est nettement affichée. Il ne s'agit que de proposition d'un parti politique parmi d'autres, dira-t-on. Pourtant Amar Saâdani, président de l'APN, a laissé entendre que l'article 74, relatif à la limitation des mandats, restait ouvert. Cette déclaration a été largement commentée. Bouteflika est allé au MDN plaider la révision de la Constitution. La démarche atteste le quitus qu'il a pu arracher après que le FLN eut déminé le terrain. Dès lors, on entre dans une nouvelle dynamique. La campagne de sensibilisation pour le référendum, le deuxième en une année, va reprendre. Bouteflika rappelle «la politique de concorde civile et de réconciliation nationale» qui a contribué «à renforcer la sécurité et à élargir l'espace des libertés fondamentales». Il y a un enchaînement dialectique dans sa démarche, malgré les haltes et les retournements de situation qui ont caractérisé l'application de la Charte. Il y a également les élections législatives qui vont suivre. Bouteflika invite le peuple à faire les bons choix «au sujet de ses représentants lors des différentes élections». Il avertit toutefois: «Les autorités suprêmes ne doivent pas, par conséquent, être tenues pour responsables de ce qui pourrait découler d'un mauvais choix lors des échéances locales ou nationales». En même temps, il fait allusion à ceux qui disposent d'une capacité de nuisance en leur tendant la perche des élections. Venez, présentez-vous aux élections, si vous êtes crédibles, leur insinue-t-il, il y a des sièges pour tout le monde. Pourquoi faire la fixation sur un seul?