Les relations algéro-françaises font besoin de passerelles pour s'inscrire dans une aire géographique qu'elles ont en partage. Assumer une histoire commune, dramatique, dont les blessures ne se sont pas cicatrisées. Depuis l'accession de l'Algérie à l'indépendance Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont probablement les chefs d'Etat les mieux indiqués pour jeter les passerelles qui conduiront à une relation apaisée entre les deux rives de la Méditerranée. Les deux hommes s'apprécient et se respectent...Force est de reconnaître cependant que les choses se présentaient plutôt mal au lendemain de l'élection du nouveau président algérien. De toutes les réactions parvenues des grandes capitales mondiales annonçant sa victoire officielle, celle du président français sortait du lot. «J'ai pris note de l'annonce officielle que Monsieur Tebboune a remporté l'élection présidentielle algérienne dès le premier tour», avait déclaré Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse à l'issue d'un Conseil européen à Bruxelles, tout en insistant sur «le dialogue qui doit s'ouvrir entre les autorités et la population». Des propos fraîchement accueillis par le nouveau locataire d'El Mouradia qui lui a répondu du tac au tac. «Concernant le président français, je ne lui répondrai pas. Il est libre de vendre la marchandise qu'il veut dans son pays, mais moi j'ai été élu par le peuple algérien et je ne reconnais que le peuple algérien», lui a rétorqué Abdelmadjid Tebboune lors d'une conférence de presse organisée le 13 décembre à Alger. Le locataire de l'Elysée a vite fait d'éteindre ce début de brouille qui de surcroît touchait le sommet des deux Etats. Le successeur de François Hollande a adressé, le 17 décembre 2019 lors d'une conversation téléphonique, «ses voeux sincères de succès» au nouveau président algérien, élu le 12 décembre, l'assurant que «La France se tient aux côtés de l'Algérie dans ce moment important de son histoire». La célébration du 58e anniversaire de l'indépendance donnera l'opportunité de constater que les deux hommes non seulement s'apprécient mais qu'ils sont décidés de dépasser cette question mémorielle qui met dans tous ses états les relations entre les deux pays dès qu'on la titille. «Avec le président Macron, nous pouvons aller loin dans l'apaisement et le règlement du problème de la mémoire. C'est un président très honnête, sincère et très propre du point de vue historique. Il veut apaiser la situation et permettre à nos relations de retrouver leur niveau naturel», avait déclaré le 4 juillet 2020 Abdelmadjid Tebboune lors d'une interview accordée à la chaîne TV publique française France 24. Mais, «chassez le naturel il revient au galop!» Le 30 septembre 2021, face à des jeunes harkis et pieds-noirs, il s'interrogeait sur «l'existence d'une nation algérienne avant la colonisation française» qui se serait construite sur «une rente mémorielle», entretenue par «le système politico-militaire». La réaction a été instantanée entraînant une crise majeure entre les deux pays. L'ex-ambassadeur d'Algérie à Paris Mohamed-Antar Daoud a été rappelé et le territoire national interdit de survol par les avions militaires français. Tandis que le président de la République a vivement chargé son homologue français. «On ne touche pas à l'histoire d'un peuple, et on n'insulte pas les Algériens», fera-t-il remarquer. «C'est peut-être terminé maintenant», accusant Macron d'avoir «porté atteinte à la dignité des Algériens», dans un entretien accordé à l'hebdomadaire allemand Der Spiegel. Emmanuel Macron finira par regretter les «polémiques et malentendus» suscités par ses propos sur l'Algérie. Le calme s'installera progressivement. D'autres pas qui tendent vers l'apaisement ont été franchis. Les archives sur les enquêtes judiciaires de gendarmerie et de police qui ont rapport avec la guerre d'Algérie, ont été ouvertes par l'ex-ministre française de la Culture. «J'ouvre avec 15 ans d'avance les archives sur les enquêtes judiciaires de gendarmerie et de police qui ont rapport avec la guerre d'Algérie», avait annoncé, le 10 décembre 2021, Roselyne Bachelot. La visite de l'ex- ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian le 13 avril dernier à Alger, est un indicateur incontestable d'un retour à des relations plus apaisées. Abdelmadjid Tebboune, a adressé un message de félicitations à Emmanuel Macron à l'occasion de sa réélection. Le président de la République a exprimé son souhait d'ouvrir pour les deux pays de «vastes horizons d'amitié, de convivialité harmonieuse et de complémentarité mutuellement avantageuses». L'alignement des planètes s'y prête plus que jamais...