Un calme précaire règne de nouveau à Tripoli où les armes se sont tues après des affrontements qui ont fait 32 morts et 159 blessés, pour la plupart des civils, mais le chaos politique est loin d'avoir disparu avec deux gouvernements rivaux, l'un dans la capitale et l'autre à l'Est, fief de Khalifa Haftar et Aguila Saleh, dont on peut croire qu'ils ne vont pas cesser d'en découdre par milices interposées. La menace d'une nouvelle guerre comme celle d'avril 2019 reste pendante, malgré les nombreux appels au calme, certains de bonne foi et d'autres de pure forme selon les intérêts et les objectifs avoués ou latents. Les affrontements ont de nouveau mis en échec la tentative de Fathi Bachagha de se débarrasser du gouvernement Dbeibah. Certaines milices armées jusque-là «neutres» dans ce bras de fer politique, ont rallié Dbeibah, pesant sur l'issue des combats. Avec ce second coup de force manqué, Fathi Bachagha, ancien ministre de l'Intérieur controversé du GNA de Fayez al Serraj, échoue à imposer sa ligne. Une nouvelle fois, le Premier ministre investi par le Parlement, basé à Tobrouk, en février dernier, aura tenté en vain de déloger son rival Abdelhamid Dbeibah, misant sur les rivalités entre régions, groupes armés et ingérences étrangères. Le gouvernement intérimaire de Tripoli est né en janvier 2021 d'un processus onusien de «sortie de crise», censé se conclure avec des élections générales fixées pour le 24 décembre 2021 mais avortées en raison de divergences sur les bases constitutionnelles des deux scrutins législatif et présidentiel. Les candidatures clivantes de Haftar, Aguila, Dbeibah, Bachagha entre autres personnes ont achevé de torpiller le mécanisme plombé par des aspects juridiques non consensuels. Dbeibah a sans cesse clamé, face à Bachagha, qu'il ne cédera son fauteuil qu'à un gouvernement issu des urnes, d'où la montée des tensions de plus en plus exacerbées. Bachagha, installé provisoirement avec son gouvernement à Syrte (centre), n'a pas encore réagi à cette nouvelle défaite. Dbeibah, lui, a publié une vidéo samedi soir dans le QG d'une milice alliée, dans laquelle on le voit serrer les mains de ses supporters, prendre des selfies et prodiguer quelques encouragements. «Ce pays, nous ne le laisserons pas aux crapules», a-t-il clamé à l'adresse de ses partisans dans ladite vidéo sur Twitter, intitulée «fin de l'agression». Les dégâts semblent encore difficiles à chiffrer, nombreux étant les immeubles détruits, les voitures calcinées et six hôpitaux endommagés par les rafales et les obus. Les candidats au baccalauréat ont été invités à attendre des jours meilleurs, l'université de Tripoli reste calfeutrée et le trafic aérien à l' unique aéroport de Mitiga est suspendu. La brigade 444, au service du gouvernement de Tripoli, s'est démenée maintes fois pour calmer les belligérants mais, cette fois, elle a choisi son camp, celui de Dbeibah en tant que puissante milice de Misrata. Quant aux nombreuses autres «brigades» (c'est le nom des milices multiples, aux allégeances fluctuantes et conditionnelles), elles réagissent au coup par coup, faisant basculer la tendance dans un sens ou un autre. Pour les observateurs, cette donne fait de la crise libyenne une «histoire sans fin», les affrontements variant selon les postes, les budgets et les territoires à conquérir.