Après un statu quo qui aura duré près de deux mois, le chef du gouvernement libyen Fathi Bachagha, investi en mars par la Chambre des représentants (Parlement, basé à Tobrouk) et soutenu par le maréchal Khalifa Haftar, chef de l'autoproclamée armée nationale libyenne, a tenté lundi de déloger l'Exécutif rival de Abdelhamid Dbeibah, ce qui a eu pour conséquence de violents combats entre des milices armées autour de la capitale Tripoli. Hier, Bachagha a annoncé qu'il se retire, vingt- quatre heures après les affrontements sévères qui ne sont pas sans rappeler ceux intervenus en 2020, lors de la tentative du maréchal Haftar de s'emparer par la force de la capitale. La situation révèle combien le pays traverse une zone de fortes tensions entre l'Est et l'Ouest, surtout que la nomination de Fathi Bachagha est venue bouleverser les paramètres habituels du conflit, le président du Parlement Aguila Saleh et son allié Haftar ayant misé sur l'ancien ministre de l'Intérieur, puissant notable de Misrata comme Dbeibah, à l'heure de leur candidature commune à la présidentielle avortée du 24 décembre 2021. C'est dans la nuit du lundi à mardi que les groupes armés proches de l'un et l'autre chef de gouvernement se sont durement affrontés sans qu'on sache exactement quelles étaient ces milices ou si elles s'étaient elles aussi scindées en deux tendances hostiles. Bachagha a affirmé, hier, dans un communiqué, que ses ministres et lui ont préféré «quitter Tripoli pour préserver la sécurité des citoyens», même s'il avait déclaré, quelques semaines plus tôt, qu'il n'envisageait, en aucune façon, imposer son gouvernement par les armes, malgré le refus catégorique de Dbeibah de céder le pouvoir avant la tenue d'élections «libres et transparentes», sous l'égide des Nations unies. On apprend que l'une des milices majeures de l'ouest libyen, Al Nawasi, s'est félicitée de l'arrivée à Tripoli de Fathi Bachagha, avant qu'il ne décide de se retirer, à la suite d'une médiation menée par une brigade loyale au gouvernement issu du Forum de dialogue politique inter-libyen. La conseillère spéciale du SG de l'ONU, l'Américaine Stephanie Williams, a pour sa part, insisté sur «la nécessité absolue de s'abstenir de toute action provocatrice» et toutes les parties impliquées comme les Etats-Unis, l'UE et d'autres ont exprimé leur «grave préoccupation» face à ces évènements. Des appels au calme ont été délivrés qui exigent des groupes armés de «renoncer à la violence» pour ne pas «nuire au peuple libyen». Le fait est que ce genre de scénario était largement prévisible depuis que les deux gouvernements se font face et tentent, chacun de son côté, de brandir la carte d'une légitimité que seules des élections peuvent, en réalité, conférer, ainsi que le ressasse sans cesse l'Algérie, inquiète des risques que comporte un statu quo des plus précaires.