Il aura fallu de nombreux mois de tractations, de refus et de tergiversations aux membres du Conseil de sécurité de l'ONU pour parvenir à un accord consensuel sur la personnalité appelée à remplacer en Libye le Slovaque Jan Kubis, abruptement démissionnaire du poste en novembre 2021 parce qu'il était sommé de rejoindre le siège de la Manul à Tripoli alors qu'il avait des préférences personnelles pour Genève. Comme on le pressentait depuis quelques jours, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a donc nommé le diplomate sénégalais, Abdoulaye Bathily, nouvel émissaire de l'ONU en Libye à l'heure d'un bras de fer meurtrier entre les deux gouvernements qui se disputent le pouvoir, l'un issu du FDPL sous l'égide des Nations unies et conduit par Abdelhamid Dbeibah et l'autre intronisé par le Parlement basé à Tobrouk et mené par l'ancien ministre de l'Intérieur du GNA de Fayez al Serraj, Fathi Bachagha. Le nouveau promu, ancien ministre sénégalais, a occupé précédemment le poste de représentant de l'ONU en Afrique centrale, celui de conseiller spécial du secrétaire général pour Madagascar ou encore comme représentant spécial adjoint pour la mission de l'ONU au Mali. Depuis la démission inattendue de Jan Kubis, plusieurs noms avaient circulé pour le remplacer mais chaque fois des oppositions implicites ont ajourné le processus au point de laisser craindre à un désintérêt de la part de la communauté internationale. En effet, compte tenu de ses divisions flagrantes pour cause d'intérêts opposés, le Conseil de sécurité, dont l'aval est incontournable, avait rejeté plusieurs propositions du secrétaire général. C'est seulement au cours de la semaine écoulée que les rumeurs émanant de l'entourage du secrétaire général de l'ONU ont fait état d'un accord final des quinze membres du Conseil de sécurité autour de la candidature d'Abdoulaye Bathily, non sans indiquer que le gouvernement de Tripoli présidé par Dbeibah avait cependant émis des «réserves». Ce qui laisse supposer qu'un doute subsiste sur d'éventuelles attaches du nouvel envoyé personnel vis- à- vis du camp opposé, soit directement soit par le biais des parties étrangères impliquées dans la crise. Mais pour l'instant, la nomination est entérinée et elle intervient à un moment crucial dans la mesure où l'ONU à travers sa Mission d'appui (Manul) est en première ligne pour relancer la médiation entre les deux camps antagonistes majeurs et accélérer l'adoption d'un cadre constitutionnel indispensable à la tenue des élections tant attendues par le peuple libyen. Qui plus est, les nouvelles violences qui sont intervenues fin juillet dans la capitale démontrent l'urgence d'une reprise en main des pourparlers afin de sauvegarder le fragile cessez-le-feu en vigueur depuis l'accord de Genève en octobre 2020 entre les membres du comité militaire mixte. Renouvelée en juillet pour trois mois, c'est- à- dire jusqu'au 31 octobre dernier, la mission de la Manul tributaire de la vacance du poste d' envoyé personnel devrait pouvoir retrouver son dynamisme précédent.