Considéré comme l'un des plus importants dans les annales de la Ligue des Etats arabes, le Sommet d'Alger est un moment-charnière dans le parcours de l'organisation panarabe de même que pour les peuples. 31e du nom et se déroulant à une date symbolique, il réunit déjà une unanimité auprès de toutes les opinions de la région. La réconciliation inter-palestinienne qui l'a précédé d'une quinzaine de jours, apporte un argument supplémentaire au caractère éminemment stratégique du rendez-vous d'Alger. Ainsi, dans quasiment une semaine, jour pour jour, les dirigeants du Monde arabe se rencontreront alors que le monde est sens dessus-dessous. Les menaces à peine voilées des Etats-Unis d'Amérique, le chamboulement majeur que vit la filière énergétique mondiale et l'émergence de plusieurs pôles qui refusent l'hégémonie occidentale constituent autant de facteurs historiques susceptibles d'aider les Arabes à progresser dans leur autonomie stratégique. Cette analyse que partagent nombre d'observateurs expliquent des postures inimaginables, il y a quelques mois, des manoeuvres militaires inédites et la volonté qu'exprime l'ensemble des Etats arabes à consolider l'unité. Le propos du président du Centre Atlas pour le Développement et les Recherches stratégiques, Abdessamad Ould Mbarek, rapporté par l'APS, illustre assez bien cette nouvelle réalité. La conjoncture complexe du moment place le Monde arabe «à la croisée des chemins, l'obligeant à agir et à se positionner dans le cours des mutations régionales et internationales», soutient l'expert mauritanien. Mais l'affirmer ne suffit pas, encore faut-il que les dirigeants arabes fassent montre d'«une volonté véritable et sincère indispensable pour la réalisation des objectifs escomptés et la protection des constantes arabes, à leur tête la cause palestinienne», insiste-t-il. Ce préalable politique incontournable à la prospérité du Monde arabe est le socle de l'unité que l'Algérie tente de reconstituer à travers une diplomatie proactive qui a réussi l'exploit de faire prendre à des chefs d'Etat arabes des postures qu'ils n'avaient pas prises depuis plusieurs années. Le premier objectif du Sommet arabe d'Alger est, disons-le, quasiment atteint. Une résolution en faveur de la solution «la paix contre la terre» est pratiquement acquise. Mais cette issue attendue du Sommet n'est pas la panacée. Ce sera le début d'un long et périlleux cheminement. Et pour cause, s'il n'y a pas de doute à avoir sur la volonté des uns et des autres d'élever la Nation arabe au rang de puissance économique et géopolitique qui compte dans la perspective d'un nouvel ordre mondial multipolaire, le moyen d'y parvenir obéit à une discipline commune, à tous les niveaux. L'actualité internationale du moment apporte justement des raisons objectives qui plaident en faveur d'une véritable unité arabe. Pas seulement politique, mais également économique et stratégique. Les participants au Sommet n'ignorent certainement pas les spécificités historiques de la conjoncture mondiale du moment. Le nouveau statut auquel aspirent les chefs d'Etat de la région est possible à atteindre par le truchement d'alliances avec l'ensemble des pôles dominants pour garantir un transfert de technologie et une véritable intégration économique qui permettrait au Monde arabe d'avoir droit de cité dans le nouvel ordre mondial. L'expert en économie, Slimane Nacer, cite en exemple la Grande zone arabe de libre-échange (Gzale), comme «une étape obligatoire pour la concrétisation de l'intégration économique arabe en général». Silmane Nacer qui répondait à une question de l'APS, retient que «le principal défi à relever dans l'espace arabe demeure celui de l'intégration, face aux imposants ensembles régionaux dans le monde». Il faut savoir que ce processus économique commun au Monde arabe a été lancé dans les années 50 du siècle dernier. Le bilan reste décevant, même s'il faut reconnaître, à la décharge des pays, que les circonstances historiques ne s'y prêtaient pas. En cette troisième décade du XXIe siècle, les dieux de la géopolitique ont fait aligner les étoiles, et les Arabes qui se réuniront à Alger disposent d'une fenêtre de tir exceptionnelle pour entrer dans le monde des grands par la grande porte. Ils ont l'énergie, le potentiel humain et bénéficie d'une conjoncture favorable où l'hégémonie occidentale s'effrite.