A l'ère de la recomposition de la cartographie des alliances géopolitiques à la suite de la crise politico-militaire russo-ukrainienne et de la crise sanitaire de la Covid-19 avec le développement vraisemblablement d'un monde multipolaire, l'Algérie réaffirme ses appartenances géographiques et définit ses aires d'intérêts géoéconomiques et stratégiques et par la même affiche ses positions de principe qui demeurent irrévocables depuis son indépendance, en l'occurrence sa posture déclarée de non-alignement et d'appartenance au Mouvement des pays non-alignés. Il est clair que l'Algérie va continuer à militer pour la résolution des crises et conflits d'intensités variables, notamment dans la région du Monde arabe, de l'Afrique, du Sahel et de la Méditerranée par des solutions politiques et non militaires. Le dialogue et la réconciliation politiques inclusives sont les voies que continuera l'Algérie à prôner. Malgré cette nouvelle dynamique géopolitique, l'Algérie demeure incontestablement un acteur clé dans les processus de réconciliation et de stabilité compte tenu de son expérience, voire son expertise avérée à travers les cinquante dernières années. Depuis son accession à l'indépendance en 1962, l'Algérie a mobilisé et continuera certainement à déployer sa diplomatie pour promouvoir les principes d'autodétermination, le respect des frontières héritées des découpages coloniaux, la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, le règlement pacifique des conflits, le bon voisinage, le non-interventionnisme quel que soit sa nature (militaire ou autres), et le non-alignement. Sa lutte pour l'indépendance a produit une politique étrangère intransigeante vis-à-vis de toute ingérence étrangère. Face aux nouveaux défis d'une région en pleine mutation, des enjeux de sécurité, d'intégration et de convergences régionales, l'Algérie est dans une phase d'adapter et de consolider sa doctrine en matière de politique étrangère pour son repositionnement stratégique sur la scène internationale dont les contours sont en train d'être «redessinés». Une volonté se positionne La dynamique diplomatique engagée par l'Algérie depuis la crise sanitaire de Covid-19 avec sa diplomatie économique, sa diplomatie de proximité, sa diplomatie parlementaire, sa diplomatie de la société civile, sa diplomatie préventive et sa diplomatie multilatérale, dénote sa volonté de se positionner sur la scène internationale comme partenaire incontournable dans la région sans pour autant remettre en cause les principes fondamentaux doctrinaux de sa politique étrangère, de défense et de sécurité face à de nouveaux acteurs émergents tels que par exemple la Chine, l'Inde, et la Türkiye, et qui sont incontestablement en train de bousculer l'ordre établi. À défaut d'un alignement systématique, qui serait synonyme d'un reniement des principes doctrinaux sur lesquels l'Algérie a bâti, depuis, son indépendance, sa politique étrangère, ou d'une opposition intransigeante qui l'isolerait, l'Algérie semble opter de plus en plus pour une politique d'intérêts, non dogmatique. Redonner un nouveau souffle au Mouvement des pays non-alignés et en définir les nouveaux paradigmes pour son adaptation à la nouvelle ère, serait l'approche pour laquelle l'Algérie semble opter. Oui au non-alignement De ce fait, elle affiche clairement aussi bien sa posture de non-alignement comme cela est le cas dans la crise russo-ukrainienne, mais aussi son appartenance aux espaces d'intérêt stratégique que sont la Méditerranée, le Sahel, l'Afrique et le Monde arabe. La récente visite au mois de juin du président Vénézuélien Maduro à Alger et la signature d'un accord de coopération stratégique entre les deux pays est un message clair de la redynamisation du Mouvement des Non-alignés. L'adhésion de l'Algérie à ce mouvement et son engagement pour ses idéaux et ses objectifs, sont inscrits dans l'acte fondateur de l'Etat algérien qui est la Déclaration de Novembre 1954 pour recouvrer son indépendance du colonialisme français. Aujourd'hui et compte tenu d'un contexte porteur de risques de confrontation entre les acteurs de puissances mondiales et pour nombre de pays africains ou asiatiques qui refusent de choisir d'appartenir à un camp, l'Algérie est sollicitée pour redynamiser ce mouvement des Non-alignés qui est né avec la Conférence afro-asiatique de Bandung de 1955. L'engagement de l'Algérie s'inscrit dans la logique de son repositionnement géostratégique en tant qu'acteur pivot grâce, notamment, à son attachement aux trois revendications défendues par ce mouvement, à savoir: la décolonisation, le multilatéralisme et le développement économique. À l'occasion de sa visite d'Etat en Turquie au mois de mai 2022, le président algérien Tebboune a déclaré que «notre politique c'est le Non-alignement et nous n'allons pas y renoncer». Depuis le début de la crise politico-militaire russo-ukrainienne et malgré les relations historiques qui la lient avec la Russie, l'Algérie est restée à équidistance des belligérants. Pour preuve, fin mars 2022, elle a reçu la visite du secrétaire d'Etat américain Blinken, suivie en mai de celle du ministre russe des Affaires étrangères Lavrov. À ces occasions, le président algérien Tebboune a indiqué clairement que «la Russie et les Etats-Unis sont nos amis, tous les autres sont nos amis, sauf celui avec lequel nous avons un problème à cause de la Palestine. Celui qui veut nous juger, qu'il le fasse. Nous essayons du mieux que nous pouvons de redynamiser le mouvement des Non-alignés. Nous voyons où le monde se dirige. Quel que soit le nombre de pôles, nous sommes à équidistance de tous. Nos intérêts commerciaux marchent avec tout le monde, mais pour ce qui est des intérêts politiques et de la stabilité, nous regardons avant toute chose nos intérêts, les intérêts du peuple algérien.» Concomitamment, le chef d'état-major de l'Armée algérienne, le général d'armée Saïd Chanegriha avait aussi réaffirmé la neutralité de l'Algérie vis-à-vis des conflits internationaux, alors qu'il recevait le directeur général de l'état-major militaire international de l'Otan,ie général Wiermann: «Sur le plan international, l'Algérie continue d'adopter une politique de neutralité. Notre pays veille à s'exclure des tensions qui opposent les différentes parties.» De son côté, le président du Sénat Salah Goudjil a indiqué à l'ambassadeur de Cuba à Alger ArmandoVergara Bueno, la nécessité de s'inspirer des principes des pays non-alignés et que les pays du tiers-monde devront mieux se préparer aux profondes mutations géostratégiques que connaît le monde actuellement. Le président de la chambre haute, lors d'une récente communication téléphonique avec son homologue Turc Sentop a, également, mis l'accent sur la nécessité d'oeuvrer en commun au développement d'un nouveau concept du ´´Non-alignement´´ qui soit adapté à la nouvelle donne internationale. Toutes ces déclarations démontrent qu'il existe un consensus de l'élite dirigeante algérienne sur la question du non-alignement de l'Algérie et de sa volonté de mettre au «goût du jour» le mouvement des Non-alignés. Conflits et corollaires Par ailleurs, en organisant la prochaine réunion à Alger de la Ligue arabe prévue le 1er Novembre 2022 avec la double symbolique, à savoir la célébration du 68ème anniversaire du déclenchement de la révolution contre la colonisation française et également le 44ème anniversaire de la déclaration d'Alger du 15 Novembre 1988 par l'OLP, retenue par l'Etat de Palestine comme sa déclaration d'indépendance,cette convergence historique marque la constance de la position de l'Algérie à l'autodétermination et à l'indépendance des peuples. De plus, par l'organisation des Jeux méditerranéens, en juin 2022, l'Algérie inscrit son appartenance à cet espace stratégique dans lequel elle est un des acteurs importants au regard des enjeux et des défis auxquels seront confrontés les deux rives qui bordent la mer Méditerranée communément dénommée «le Lac». Les conflits et leurs corollaires malveillants autour du Lac deviennent des problématiques sérieuses pour le développement d'une coopération renouvelée, apaisée et équilibrée entre les deux rives Nord et Sud. La Méditerranée demeure un enjeu à trois niveaux: stratégique, économique et écologique. Tout cela fait que l'Algérie ne peut pas rester en marge et l'affirme clairement. Il est indéniable que l'Algérie s'achemine graduellement vers une nouvelle ère où elle tente de s'adapter au contexte nouveau mondial. Elle l'affiche par quelques signaux à la communauté internationale comme, par exemple, son adhésion au dialogue méditerranéen de l'OTAN, son appel à la résolution des conflits de faible intensité (Libye, Mali, Yémen) par la voie du dialogue politique inclusif et d'offrir ses bons offices de facilitateur au regard de son expérience et expertise dans ce domaine (Iran-Irak, Iran-USA, Ethiopie-Erythrée, et d'autres), la mise en oeuvre d'accords régionaux et continentaux de libre-échange (Gzale et Zlecaf), son souhait de réviser l'Accord d'Association avec l'Union européenne pour son adaptation aux nouveaux défis et sa relance du processus de négociations pour son éventuelle adhésion à l'OMC. L'Algérie s'appuie d'ores et déjà sur des plates-formes privilégiées pour activer à l'échelle régionale et sous-régionale (UA, 5+5, Cemoc, Transsaharan Counter Terrorism Initiative, Afripol) et compte relancer avec de nouveaux paradigmes le Mouvement des pays non-alignés. En somme, le contexte géopolitique mondial est en pleine mutation et les positions de principe de l'Algérie demeurent des constantes irrévocables, ce qui explique son attachement à dynamiser un nouveau concept du Mouvement des pays non-alignés. *Expert en Géopolitique Il est membre, du Conseil consultatif d'experts du Forum économique mondial de Davos, et également partie prenante dans divers groupes de travail 'Track 2' du système des Nations unies (Unscr 1540).