Le délégué du Hamas palestinien revient dans cet entretien sur la crise au Proche-Orient. Il regrette la position des pays arabes. Et estime que les risques sur la Syrie et la Jordanie sont réels. L'Expression: L´armée israélienne poursuit son agression contre le Liban, et la Palestine. Les observateurs craignent le pire. Comment jugez- vous la situation dans la région? Amer Abou Ahmed: Ce qui se produit dans la région était prévisible. Contrairement aux prétextes évoqués par les sionistes, qui justifient les raids contre le Liban et la bande de Ghaza par la capture des trois soldats, il est important de préciser que le mouvement Hamas et le Hezbollah ont agi en légitime défense. Ils ont riposté aux tentatives de l'armée sioniste de pénétrer dans les territoires libérés. Les trois soldats ont été capturés à l'intérieur des territoires palestiniens et libanais souverains. Cela nous conduit à dire que les agressions de l'armée sioniste étaient programmées depuis plusieurs mois. Les accusations aussi bien des sionistes que de leurs alliés n'ont aucun fondement. Posez la question à n'importe quel expert militaire il vous dira que les opérations militaires des deux mouvements de résistance sont légitimes. Et que les attaques de l'ennemi sont disproportionnées. La capture des soldats israéliens a créé une fracture au sein de la classe politique aussi bien en Palestine qu'au Liban. Les gouvernements des deux pays se sont démarqués de la résistance, idem pour des partis. Ne pensez-vous pas que ces désaccords risquent d'affaiblir les deux mouvements de résistance? La réaction des responsables officiels dans les deux pays ne représente pas la volonté populaire. Je pense franchement que leur attitude n'arrange en rien le combat que mènent les deux peuples pour recouvrer leur indépendance. On aurait souhaité entendre des positions plus sages, plus fermes. Je répète que les deux mouvements ont agi en légitime défense. Ce détail, nos gouvernants sont loin de l'ignorer. On constate que l'intensité et l'agressivité des attaques sionistes ont fait fléchir le gouvernement palestinien qui s'est rendu compte, paradoxalement, que Hamas détient un prisonnier de guerre. Les résolutions internationales sont claires. Plus de 10.000 prisonniers croupissent depuis plusieurs années dans les prisons sionistes. Cette situation n'a pas fait bouger la communauté internationale. Les Etats arabes peinent à trouver un consensus autour de la crise dans la région. Le Sommet des ministres des Affaires étrangères n'a pas été sanctionné par des positions fermes, alors que certains pays à l'image de l'Arabie Saoudite ont carrément responsabilisé la résistance... Amr Moussa, le secrétaire général de la Ligue arabe, a déclaré que «le plan de paix au Proche-Orient est mort».Je partage parfaitement son avis. C'est d'ailleurs, le seul point positif du Sommet arabe. Cette déclaration est réaliste, elle résume parfaitement la situation. Par ailleurs le sommet, comme attendu, a été un échec. Les Arabes parlent d'un cessez-le-feu entre les deux parties en conflit, alors que la guerre est déclarée d'une manière unilatérale par l'Etat sioniste. On espère que les chefs d'Etat briseront ce silence, en adoptant une réaction plus ferme. Je ne préfère pas commenter la position de l'Arabie Saoudite. Je dis simplement que les critiques formulées par ce pays sont regrettables à plus d'un titre, d'autant plus qu'elles émanent d'un pays frère qui a soutenu notre cause. J'appelle l'Arabie Saoudite et tous les pays arabes à regarder avec beaucoup de lucidité et de bon sens ce qui se passe au Liban et en Palestine. L'armée sioniste a transgressé la souveraineté territoriale de deux pays. Il faut le dénoncer. L'Occident, lui, semble divisé sans pour autant reconnaître la légitimité de votre combat... Effectivement, les positions des Européens divergent. La France demande un cessez-le-feu, alors que l'Allemagne essaie de plaire aux Etats-Unis. Pour les Américains, comme attendu, ils ont choisi cette fois-ci encore de défendre les sionistes. Nous ne nous faisons pas trop d'illusions sur la position du Conseil de sécurité. La communauté internationale doit comprendre que les visées réelles de cette escalade militaire ne sont autres que la réoccupation des territoires libérés. Si l'Occident et les Arabes veulent un cessez-le-feu, il faudrait de prime abord imposer aux sionistes d'arrêter leurs crimes contre des civils. Concernant la Palestine, la situation n'est pas meilleure, elle est même aussi catastrophique. La vie politique, sociale et économique y est complètement paralysée. Ce que fait le Hezbollah au Liban complète la résistance du peuple palestinien. Pensez-vous qu'il existe des risques réels sur la Syrie? Effectivement, le risque peut s'étendre à la Syrie et à la Jordanie. L'Etat sioniste perd la raison. Il prétend l'existence de bases militaires de Hamas et du Hezbollah dans ces deux pays. Tout est possible en l'état où sont les choses. Hezbollah riposte à l'escalade israélien par des tirs de roquettes affichant une rude résistance à une armée qui constitue une véritable force dans la région. Comment appréhendez-vous l'évolution de la situation? Je pense que cette escalade va encore durer pendant deux semaines. L'armée sioniste va multiplier ses agressions en bombardant tout le territoire libanais. Hezbollah ne se laissera pas faire. Preuve en est, il a pu atteindre Haïfa. Et des cibles jusqu´à cette date protégées. Au terme de cette escalade, l'Etat sioniste va peut-être penser sérieusement aux solutions politiques. Ce qui est sûr, par contre, c'est que les mouvements de résistance ont obligé les sionistes à réviser leurs cartes. Quel est l'avenir du dialogue au Proche-Orient? Dialoguer avec qui? Yasser Arafat a passé 13 ans autour des tables de négociations, le résultat on le connaît tous. L'Etat sioniste ne connaît pas le langage du dialogue.
